Question de M. PIRAS Bernard (Drôme - SOC) publiée le 31/10/1996

M. Bernard Piras attire l'attention de M. le ministre de l'industrie, de la poste et des télécommunications sur les conséquences néfastes pour notre économie et notre société tout entière de la pratique de la délocalisation. En effet, de plus en plus d'entreprises françaises font fabriquer leurs produits dans des pays où la main-d'oeuvre est bon marché. Bien souvent, dans ces pays, les gens sont exploités. De très jeunes enfants travaillent également dans des conditions déplorables, ne bénéficiant ainsi d'aucune éducation. Cette question n'est pas récente, pourtant jamais rien n'a été fait pour freiner cette attitude critiquable de nos industriels. Il lui demande si le Gouvernement actuel envisage de prendre des mesures législatives afin de remédier à ce problème.

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Réponse du ministère : Industrie publiée le 26/12/1996

Réponse. - Les délocalisations peuvent avoir d'importantes conséquences pour l'industrie française. Mais elles constituent aussi, lorsqu'elles sont réalisées sous forme d'investissements à long terme et dans le cadre d'une stratégie de consolidation des activités en France, un facteur de conquête des marchés extérieurs. Les délocalisations auxquelles fait référence la question posée passent surtout par la sous-traitance et la commande directe, liées à des formes de transfert d'activité ponctuelles et fluctuantes. Il s'agit parfois de travail à façon ou de perfectionnement passif de produits élaborés à partir de produits intermédiaires fournis par l'entreprise donneuse d'ordres, et après tranformation, parfois assemblés ou apprêtés dans notre pays. Mais le constat doit être nuancé car les investissements de délocalisation ne constituent qu'une fraction de l'investissement français à l'étranger, qui se porte surtout vers la zone OCDE dans le cadre de stratégies de mondialisation et de conquête de marchés, stratégies que le Gouvernement considère comme opportunes dans les zones économiques où les taux de croissance dépassent de beaucoup ceux de l'Union européenne. Un récent rapport des Nations Unies sur l'investissement dans le monde illustre à cet égard que les pays à bas coût de main-d'oeuvre comme l'Inde ou le Pakistan, éventuellement les pays de la CEI, exercent une attraction sensiblement moins forte à l'égard des investisseurs que des pays développés à haut niveau de vie. Du reste, dans l'ensemble des pays en développement, depuis vingt-cinq ans, l'investissement direct étranger s'oriente vers des projets d'infrastructures et de services, des fusions-acquisitions d'activités existantes, et de moins en moins vers des activités productives nouvelles. Dans ce contexte, le Gouvernement s'attache, sur le plan national, à améliorer les conditions de compétitivité des entreprises françaises. Il a mis en oeuvre un ensemble de mesures qui vont dans ce sens : le transfert progressif au budget de l'Etat des cotisations d'allocations familiales, le remboursement partiel de la créance des entreprises sur l'Etat due à la règle dite du décalage d'un mois de TVA, la volonté de baisse des taux d'intérêt, sont autant de dispositions qui se traduisent ou se traduiront par un allégement des charges des entreprises. Parallèlement, un effort important est poursuivi pour améliorer le niveau technologique et la qualité de nos processus de production et de nos produits, c'est-à-dire pour en accroître la valeur ajoutée, et donc les rendre moins sensibles à la concurrence des pays à bas coûts de main-d'oeuvre. En ce qui concerne les différences de conditions de travail entre la France et les pays de sous-traitance comme ceux du sous-continent indien et de l'Asie du Sud-Est, il faut rappeler que le Gouvernement s'efforce, dans le cadre des instances internationales, de faire préciser et appliquer une règle du jeu internationale. A cet effet, la France a demandé que lors de la prochaine conférence ministérielle de l'organisation mondiale du commerce (OMC) à Singapour, un groupe de travail soit créé au sein de cette organisation, et en collaboration avec l'organisation internationale du travail (OIT), afin de prévenir toute érosion des droits sociaux fondamentaux (interdiction du travail forcé et du travail des enfants, liberté syndicale et de négociation collective). Le Gouvernement attache beaucoup d'importance à ce que ces normes, qui constituent la base élémentaire du droit du travail et de la protection sociale, fassent l'objet de mesures pratiques rapides dans les zones économiques avec lesquelles nos entreprises commercent. Il ne serait bien sûr pas acceptable que nos entreprises s'approvisionnent à bas prix en profitant d'une exploitation éhontée de femmes, d'enfants ou d'adultes sans salaire décent ni conditions d'hygiène et de sécurité acceptables, ceci tout en transférant à l'étranger une valeur ajoutée susceptible de maintenir des emplois dans notre pays. Cette action à mener pour améliorer les conditions de travail et de salaire dans les économies partenaires en développement dépend avant tout de la législation des Etats en question, et des inflexions de l'OIT et de l'OMC à ce sujet. Une loi française serait inopérante dans ce domaine. Il conviendrait certainement d'aller plus loin et plus vite, mais nullement d'imposer nos propres schémas. La volonté du Gouvernement consiste à convaincre et à faire évoluer sur ces points à la fois les pays partenaires économiques à bas coût de main-d'oeuvre et les entreprises qui y entretiennent des relations industrielles et commerciales. ; protection sociale, fassent l'objet de mesures pratiques rapides dans les zones économiques avec lesquelles nos entreprises commercent. Il ne serait bien sûr pas acceptable que nos entreprises s'approvisionnent à bas prix en profitant d'une exploitation éhontée de femmes, d'enfants ou d'adultes sans salaire décent ni conditions d'hygiène et de sécurité acceptables, ceci tout en transférant à l'étranger une valeur ajoutée susceptible de maintenir des emplois dans notre pays. Cette action à mener pour améliorer les conditions de travail et de salaire dans les économies partenaires en développement dépend avant tout de la législation des Etats en question, et des inflexions de l'OIT et de l'OMC à ce sujet. Une loi française serait inopérante dans ce domaine. Il conviendrait certainement d'aller plus loin et plus vite, mais nullement d'imposer nos propres schémas. La volonté du Gouvernement consiste à convaincre et à faire évoluer sur ces points à la fois les pays partenaires économiques à bas coût de main-d'oeuvre et les entreprises qui y entretiennent des relations industrielles et commerciales.

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