Question de M. de VILLEPIN Xavier (Français établis hors de France - UC) publiée le 13/02/1998

Question posée en séance publique le 12/02/1998

M. le président. La parole est à M. de Villepin.
M. Xavier de Villepin. Ma question s'adresse à M. le ministre des affaires étrangères et porte sur l'Irak.
Depuis plus de quatre semaines, se développe une forte tension entre l'Irak et les Nations unies.
Deux camps se dégagent : le premier, qui s'oppose à toute intervention militaire, comprend la Chine, la Russie et la
quasi-totalité du monde arabe, à l'exception du Koweit ; le second regroupe, derrière les Etats-Unis, le Canada,
l'Australie et la plupart des pays européens.
Dans cette affaire très grave, il y a deux inconnues. Premièrement, l'Irak possède-t-il vraiment des armes de destruction
massive susceptibles d'atteindre ses voisins ? Deuxièmement, quelles pourraient être les conséquences de frappes
massives, de bombardements successifs ?
Pour ce qui est de la position de la France, je pense qu'elle mérite qu'il y soit rendu hommage. Nous avons envoyé sur
place le secrétaire général du Quai d'Orsay, un homme de grande expérience et de grande compétence.
Notre position peut se résumer en deux propositions : nous recherchons la voie diplomatique, mais nous condamnons
l'obstination de Saddam Hussein.
Cela étant, si l'option militaire était retenue, la France ne risquerait-elle pas de se trouver en difficulté, isolée de ses
partenaires et de ses alliés ?
Je crois moi aussi que, pour sauver la paix, il faut effectivement envoyer sur place le secrétaire général des Nations unies,
M. Kofi Annan, seul susceptible de détenir la clef d'un éventuel succès. Tous les pays qui s'opposeraient à cette mission
prendraient une lourde responsabilité au regard de la paix. Car, en définitive, dans ce conflit, il s'agit du respect des
résolutions votées par les Nations unies. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR, des
Républicains et Indépendants et du RDSE, ainsi que sur quelques travées socialistes.)

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Réponse du ministère : Affaires européennes publiée le 13/02/1998

Réponse apportée en séance publique le 12/02/1998

M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des affaires européennes. Monsieur le sénateur, je ne rappellerai pas
la position de la France, que vous venez d'exposer parfaitement. Nous militons en effet inlassablement pour qu'une
solution diplomatique soit trouvée à cette crise entre l'Irak et les Nations unies. Dans le même temps, nous exigeons que
les résolutions des Nations unies, qui sont le droit international, soient respectées.
C'est dans cet équilibre que se situe la position française qui, au fond, ne la place dans aucun des deux camps que vous
avez distingués.
Vous avez, tout à fait légitimement, fait part de votre inquiétude quant au potentiel d'armes chimiques dont disposerait
l'Irak.
La commission spéciale chargée de l'élimination des armes de destruction massive en Irak, qui existe depuis sept ans, a
déjà accompli un travail considérable. Les rapports de cette commission spéciale et de l'Agence internationale de l'énergie
atomique indiquent que, pour ce qui concerne les armes nucléaires et balistiques, le décompte et la destruction sont
pratiquement achevés.
En revanche, ces même rapports indiquent qu'il existe des zones d'ombre très substantielles dans les domaines chimique et
biologique. C'est pourquoi nous estimons que la méthode utilisée, c'est-à-dire le recours à la commission spéciale, est la
bonne solution.
Vous vous êtes par ailleurs interrogé sur les effets des bombardements et d'une solution armée. Nous ne croyons pas que
cette solution soit de nature à résoudre les problèmes. A notre sens, elle en créerait plus qu'elle n'en résoudrait. Elle
pourrait notamment entraîner le départ de la commission spéciale, qui continue d'accomplir sa mission. Par ailleurs, elle
risquerait de conduire à l'arrêt du dispositif « pétrole contre nourriture » qui tente tant bien que mal, parfois plus mal que
bien, de sauvegarder les populations irakiennes. C'est pourquoi nous continuons de militer en faveur d'une solution
politique.
S'agissant des deux questions que vous avez posées, vous me permettrez de ne pas répondre à la première car je ne veux
pas, aujourd'hui, me placer dans cette hypothèse. Il n'est pas possible de militer en faveur d'une solution diplomatique, de
prendre des initiatives de toute nature en ce sens, ce que M. Védrine, le Président de la République et le Premier ministre
notamment continuent de faire, et d'envisager une éventuelle hypothèse militaire. Bien entendu, nous pouvons y réfléchir
mais nous aurons l'occasion d'en reparler le moment venu.
Quant à votre seconde question, nous souhaitons toujours que le secrétaire général des Nations unies soit en mesure
d'effectuer la tournée au Proche-Orient qu'il envisageait de faire et qui a été reportée.
A cet égard, je ne puis que vous répéter les propos que je tenais tout à l'heure à M. Loridant : il ne sera pas possible
d'affirmer que tout a été tenté pour parvenir à une issue diplomatique tant que le secrétaire général de l'ONU n'aura pas
effectué sa tournée. En même temps, nous savons que, pour qu'elle ait lieu, il faut qu'elle ait des chances raisonnables de
réussite. Je souhaite, tout comme vous, que personne ne puisse s'y opposer. (Applaudissements.)

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