Question de M. LORRAIN Jean-Louis (Haut-Rhin - UC) publiée le 11/02/1998

M. Jean-Louis Lorrain appelle l'attention de Mme le ministre délégué chargé de l'enseignement scolaire sur les études des latinistes, dans la filière des lettres classiques. La trilogie français, latin et grec a toujours constitué une grande tradition de la culture fançaise et un élément non négligeable d'unité de la culture européenne. Or une décision récente allant à l'encontre des dispositions antérieures, favorablement accueillies par les enseignants et les parents d'élèves, contraint désormais les élèves de troisième à opter, au choix, soit pour le latin, soit pour le grec. Les priver de ce double enseignement fragilise la formation classique tout entière. Et cette dernière est un moyen efficace pour lutter contre la baisse de niveau souvent observée dans les collèges. Quelles motivations ont précédé une telle prise de position et quelle sera la filière désormais pour ceux des élèves qui souhaitent étudier simultanément grec et latin ?

- page 779


Réponse du ministère : Fonction publique publiée le 29/04/1998

Réponse apportée en séance publique le 28/04/1998

M. Jean-Louis Lorrain. Monsieur le ministre, la grande majorité des enseignants chercheurs de latin et de grec dans
l'enseignement supérieur et nombre d'enseignants des cours préparatoires des lycées adhèrent à l'association des
professeurs de langues anciennes de l'enseignement supérieur, qui travaille en étroite collaboration avec d'autres
structures, dont l'association Guillaume-Budé, dirigée par les académiciens Marc Fumaroli et Jacqueline de Romilly. Ils
ont vivement contesté les intentions du ministère d'imposer aux élèves de troisième, dans la filière « lettres classiques », le
choix entre le grec ou le latin, au profit d'une langue vivante.
Mme Ségolène Royal a donc renoncé, devant ce tollé, à faire publier un décret au Bulletin officiel. Toutefois, selon les
informations que nous avons pu recueillir, il appert que les difficultés d'inscription simultanée pour le latin et le grec
demeurent. Les chefs d'établissement persisteraient à réserver l'étude du grec aux élèves non latinistes et les élèves se
verraient proposer l'étude du grec dans les seuls établissements n'offrant pas de cours de latin.
Ai-je besoin de rappeler que l'étude des langues anciennes favorise la maîtrise des cadres logiques et grammaticaux du
langage, qu'elle représente le socle de notre culture, les racines mêmes de notre civilisation ? Ajoutons qu'elle correspond
à une formation classique et morale, qu'elle place l'élève à l'école citoyenne des « créateurs » de la démocratie et de ses
valeurs et qu'elle peut constituer aussi, pour les jeunes issus de l'immigration, une des conditions d'une intégration réussie.
Je vous serais reconnaissant, monsieur le ministre, de bien vouloir définir la position du Gouvernement avec clarté sur
cette question car il paraît difficilement concevable que des considérations d'ordre budgétaire ou pratique sur le plan
administratif contrarient en sous-main l'ensemble d'un projet pédagogique.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation. Monsieur le
sénateur, pour les raisons que j'ai évoquées précédemment, je répondrai à votre question au nom de M. Claude Allègre
et de Mme Ségolène Royal.
Les langues anciennes sont partie intégrante de notre patrimoine culturel. Elles ont aussi, comme vous l'avez souligné, une
fonction de formation, qu'elles partagent d'ailleurs avec bien d'autres disciplines. Le Gouvernement souhaite donc veiller
au maintien du latin et du grec non seulement au collège et au lycée, mais également dans l'enseignement supérieur et la
recherche.
Or, l'organisation de nos enseignements dans ce domaine n'est pas aujourd'hui la meilleure. Au collège, elle résulte des
décisions prises par l'ancien ministre de l'éducation nationale dans le cadre de l'opération de « rénovation » du collège.
Le nombre important de disciplines enseignées de la classe de sixième à la classe de troisième, la montée en puissance de
certaines d'entre elles, comme la technologie, la généralisation de la deuxième langue vivante, rendent complexe
l'organisation de l'enseignement des langues anciennes. C'est particulièrement vrai pour le grec, le nombre d'élèves qui
choisissent cette option étant souvent insuffisant pour constituer une classe de taille raisonnable.
Le ministère de l'éducation nationale va donc s'employer à identifier clairement, dans chaque bassin géographique, des
collèges assurant une initiation au grec, en liaison avec des lycées proposant des études littéraires très complètes.
Son objet est de promouvoir des études littéraires diversifiées et de qualité, partout sur le territoire, et pas seulement dans
les grands lycées des centres-villes.
M. Jean-Louis Lorrain. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Lorrain.
M. Jean-Louis Lorrain. Monsieur le ministre, je vous remercie de ces remarques ; néanmoins, très sincèrement, je reste
sur ma faim !
Si le latin et le grec ne sont pas enseignés à un nombre suffisant d'élèves à l'échelon de nos collèges, nous ne pourrons
pas, par la suite, recruter de nouveaux professeurs capables de transmettre la science de haut niveau que représente
l'enseignement de ces deux langues.
Mon souci est non pas de promouvoir un esprit rétrograde ou élitiste qui serait détaché du sens des réalités, mais d'attirer
l'attention des autorités ministérielles sur la vigilance dont elles doivent faire preuve. En effet, les principaux de collège
doivent pouvoir disposer des moyens nécessaires, et une politique faite sans doute de bonnes intentions ne doit pas
risquer de mettre en péril de manière irréversible la survie, en quelque sorte, de ces enseignements.

- page 1915

Page mise à jour le