Question de M. RICHERT Philippe (Bas-Rhin - UC) publiée le 19/02/1998

M. Philippe Richert demande à Mme le ministre de la culture et de la communication de bien vouloir lui préciser le sens de sa déclaration parue dans le journal Libération daté du 9 décembre 1997, selon laquelle " la langue corse ce n'est pas comme l'alsacien, c'est une langue ancienne, un patrimoine culturel ". Surpris par cette affirmation, il se permet de rappeler à Mme la ministre de la culture, ancien maire de Strasbourg, que les dialectes germanophones sont parlés en Alsace depuis 1 500 ans et que l'un des plus anciens textes conservés en Occident est un texte rédigé en alsacien et archivé à Wissembourg. Si l'expression écrite de la culture alsacienne s'est en grande partie faite, depuis le XVIe siècle, en langue allemande, on ne peut ignorer l'importante littérature en alsacien qui a fleuri, surtout depuis la fin du XIXe siècle, sous forme poétique, avec notamment les textes des Frères Mathis, ou dans le domaine théâtral, avec la naissance du Théâtre Alsacien, sous l'impulsion de Gustave Stoskopf. Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, le phénomène s'est encore accentué, l'allemand devenant minoritaire et se voyant de plus en plus supplanté avec le dialecte alsacien, que ce soit en poésie, avec les textes d'André Weckmann, ou dans le domaine théâtral. Le théâtre est précisément une spécificité de la culture alsacienne, qui la distingue notamment de la culture corse. Né à la fin du siècle dernier, il y a tout juste cent ans, le Théâtre Alsacien a suscité, après avoir produit des pièces traduites de textes en langue allemande ou française, un répertoire qui lui est propre, et initié une tradition régionale vivace jusqu'à nos jours, de théâtre populaire et de café-théâtre, dont le Barabli de Germain Muller ou la Choucrouterie de Roger Siffer sont les exemples les plus connus. La culture, selon lui, n'est pas une conception élitiste, se limitant aux grandes oeuvres universellement reconnues. Elle est plutôt l'ensemble des faits intellectuels qui structurent les liens sociaux, y compris les éléments " populaires " et fortement enracinés. Or, à travers sa longue histoire, le dialecte alsacien a démontré son profond enracinement culturel et sa vigueur en résistant aux attaques successives et contraires de l'occupation allemande et de l'action de la République en faveur du français. C'est pourquoi il souhaiterait qu'elle lui précise le sens de ses propos, certain qu'en tant qu'ancien maire de Strasbourg, et compte tenu de sa connaissance de la langue allemande, du dialecte alsacien et des cultures qui s'y rattachent, elle a été trahie par la manière dont ses propos ont été rapportés.

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Réponse du ministère : Culture publiée le 16/04/1998

Réponse. - Lors de son déplacement en Corse, dont il a été rendu compte notamment par le journal Libération du 9 décembre 1997, la ministre de la culture et de la communication a souhaité rendre hommage à la langue corse, en soulignant son ancienneté et son appartenance au riche patrimoine culturel légué à l'Europe par la civilisation romaine de l'antiquité, à travers les langues romanes, issues du latin. C'est pourquoi elle a notamment signalé que la langue corse est historiquement l'une des plus anciennes sur le territoire français, plus ancienne par exemple que les dialectes germanophones pourtant présents en Alsace depuis 1 500 ans. Mais cette remarque sur l'origine de la langue corse ne constitue bien entendu en aucun cas un jugement de valeur qui établirait la supériorité du patrimoine culturel corse par rapport au patrimoine culturel que constituent le français ou les autres langues régionales ou d'outre-mer présentes en France. La courte phrase citée dans Libération, tirée de son contexte, ne reprend pas l'ensemble des propos et du raisonnement tenus par la ministre.

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