Question de M. DEBARGE Marcel (Seine-Saint-Denis - SOC) publiée le 27/03/1998

Question posée en séance publique le 26/03/1998

M. le président. La parole est à M. Debarge.
M. Marcel Debarge. Ma question s'adresse à M. le ministre des affaires étrangères et concerne la situation du Kosovo
au sein de la République fédérale de Yougoslavie. A cette occasion, se pose à nouveau le problème de la stabilité dans
les Balkans.
Compte tenu des violences qui sont exercées, avec toutes les conséquences inhumaines qu'elles entraînent, les puissances
internationales, notamment européennes, doivent obtenir l'arrêt des hostilités et l'ouverture de réelles négociations.
Après la mission franco-allemande menée par les ministres des affaires étrangères allemand et français et après la réunion
du groupe de contact à l'échelon ministériel, qui a eu lieu le 25 mars, je vous poserai plusieurs questions.
Quelle est votre évaluation de la situation ? Quelles sont les initiatives que vous avez prises, ou que vous allez prendre,
pour apporter un début de réponse au problème du Kosovo ? Quelle attitude entendez-vous adopter - je sais que la
situation est très difficile - entre le souhait d'autonomie des Albanais du Kosovo et la position de la République fédérale
de Yougoslavie, c'est-à-dire de son président ? Pourriez-vous nous préciser - je reste dans le droit-fil de mon
raisonnement - l'attitude sur ces sujets d'autres Etats, en particulier ceux de la Communauté européenne ?
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur les travées du groupe communiste républicain et
citoyen.)

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Réponse du ministère : Affaires étrangères publiée le 27/03/1998

Réponse apportée en séance publique le 26/03/1998

M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères. Monsieur le sénateur, en 1991, lorsque la Yougoslavie s'est
désintégrée, il a fallu attendre près de trois années pour que toutes les puissances concernées par cette tragédie, à savoir
l'Europe, les Etats-Unis et la Russie, commencent à exercer ensemble des pressions sur les parties en présence afin
d'essayer d'imposer le même type de solution.
S'agissant de la crise du Kosovo, en novembre dernier déjà, M. Kinkel et moi-même avions écrit au président Milosevic
pour lui dire que le statu quo était devenu intolérable. Je rappelle que cette partie de la Yougoslavie avait été autonome
de 1974 à 1989. Or depuis la fin de cette autonomie, la tension n'a cessé de monter. Ce problème n'a donc pas été
observé avec retard.
Le groupe de contact, au sein duquel existe une véritable unité, s'est réuni très tôt. Ce groupe comprend six pays, à savoir
les Etats-Unis, la Russie, la France, l'Allemagne, la Grande-Bretagne et l'Italie. La ligne arrêtée par ce groupe s'est
étendue à l'ensemble des membres de la conférence européenne, soit vingt-six pays et aux huit pays voisins de la
Yougoslavie.
Il ne faut pas cumuler tous ces pays puisque certains appartiennent à plusieurs catégories. Au total, une trentaine de pays
se situent, depuis la première minute, sur la même ligne. Il s'agit, d'abord, d'exiger l'arrêt de la répression et des violences,
ainsi que le retrait des forces spéciales, après leur cantonnement dans un premier temps. Il s'agit, ensuite, de condamner le
terrorisme, qui existe aussi. Il s'agit, en outre, de demander l'engagement sans délai d'un véritable dialogue pouvant
conduire à une autonomie substantielle dans le respect des frontières existantes. Cette position amène également à refuser
d'apporter un soutien à la revendication d'indépendance, qui ne manquerait pas de déstabiliser à nouveau l'ensemble de
cette région car le problème s'étendrait à l'Albanie, puis à la Macédoine et à d'autres pays voisins. Cette position est très
forte et très cohérente et elle a été exprimée dès le début.
A Londres, voilà une quinzaine de jours, les pays membres du groupe de contact avaient arrêté une première série de
sanctions et avaient décidé de se retrouver à Bonn cette semaine pour déterminer s'il convenait de maintenir ces premières
sanctions et s'il était nécessaire d'en imposer d'autres.
Lors de la réunion à Bonn, l'accord s'est fait immédiatement. Nous avons considéré qu'un certain nombre de gestes
effectués au cours des derniers jours justifiaient que l'on ne prenne pas tout de suite d'autres sanctions mais que l'on reste
très vigilants et menaçants, un certain nombre de sanctions demeurant à l'étude. Nous avons considéré aussi que les
progrès constatés ne sont pas suffisants pour annuler les mesures que nous avions prises à Londres, et qu'il faut
poursuivre une action incessante afin que les autorités de Belgrade acceptent ce dialogue sans conditions, ce qu'elles
disent avoir fait, mais il existe encore un certain nombre de problèmes de détail sur la façon d'engager ledit dialogue.
Par ailleurs, nous poursuivons une action d'incitation très forte pour que les Albanais du Kosovo, dont les leaders les plus
réalistes, notamment M. Rugova, qui a été consolidé par les élections qui viennent d'avoir lieu, acceptent d'entrer dans ce
dialogue.
Tous les problèmes ne sont pas réglés, notamment celui d'une présence internationale sous une forme qui doit encore être
trouvée, le recours à un médiateur. Nous sommes en train de nous occuper de cela au sein du groupe de contact.
Je pense que nous allons parvenir à une solution. En effet, nous avons constaté le rôle déterminant de Mgr Paglia à
propos de l'accord sur l'éducation. Je ne suis pas sûr qu'il puisse jouer un rôle politique, mais cela montre en tout cas
qu'une action tierce peut être acceptée.
Tout cela est extrêmement difficile puisque les Albanais du Kosovo voudraient en réalité l'indépendance. Par ailleurs, en
Yougoslavie et en Serbie, l'ensemble des forces politiques, notamment tous les opposants démocrates qui sont
exactement sur la même ligne que le président Milosevic, sont unanimes pour refuser complètement cette idée
d'indépendance.
La situation est donc particulièrement compliquée. C'est une raison de plus pour que le groupe de contact et l'ensemble
des pays d'Europe demeurent tout à fait associés, coordonnés, parfaitement homogènes dans leurs pressions, leurs
revendications, leurs menaces, dans les sanctions, les incitations, les encouragements, bref dans toute la palette des
instruments dont ils peuvent disposer pour trouver une solution d'autonomie substantielle évitant que cette partie de
l'Europe n'entre à nouveau dans un cycle de tragédie.
Croyez-moi, nous nous en occupons à chaque instant. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur les
travées du groupe communiste républicain et citoyen.)

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