Question de M. RAFFARIN Jean-Pierre (Vienne - RI) publiée le 12/03/1998

M. Jean-Pierre Raffarin attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la pêche sur la directive oiseaux 79/409 qui, en protégeant les cormorans, a conduit à une prolifération de l'espèce entraînant des dégâts quasi irréversibles sur le milieu aquatique. Malgré une première intervention des pêcheurs français et européens qui a permis de déclasser le cormoran de l'annexe I de la directive, le déséquilibre biologique se poursuit et met en danger la filière économique et touristique liée à la pêche. Face à cette situation, il lui demande de bien vouloir se prononcer en faveur des actions, ci-après énoncées, que les pêcheurs réclament : instauration d'un quota de tirs stabilisant les cormorans à hauteur de la population recensée au cours de l'hiver (70 000 oiseaux environ) ; répartition de ce quota sous forme d'un pourcentage proportionnel à la population des cormorans présents sur le territoire de chaque département sans distinction entre les eaux libres et les piscicultures ; liberté d'appréciation des modalités de tirs et de gestion de l'objectif laissée aux comités départementaux de suivi ; présentation à Bruxelles d'une demande de régulation au nid des cormorans.

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Transmise au ministère : Aménagement du territoire


Réponse du ministère : Aménagement du territoire publiée le 14/05/1998

Réponse. - La ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement a pris connaissance de la question concernant la régulation des populations de cormorans. La protection du grand cormoran a été institué à l'échelle de l'Europe, notamment dans les pays du Nord, où l'espèce se reproduit. Cette protection a induit une expansion de l'espèce qui exerce une pression de plus en plus importante sur les eaux continentales. C'est pourquoi le ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement a engagé une politique de régulation des grands cormorans, visant à concilier la pérennité de l'espèce et la protection du milieu aquatique, afin de répondre à un objectif global d'équilibre des espèces. Depuis 1994, en application de l'arrêté du 17 avril 1981, modifié le 2 novembre 1992 pour ce qui concerne le grand cormoran, les préfets des départements sont autorisés par la ministre à délivrer, sur demande motivée, des autorisations de tir aux exploitants des étangs de pisciculture extensive. Ces autorisations étaient accordées département par département dans des secteurs géographiques arrêtés par la ministre et, dans la majorité des cas, pour un quota d'oiseaux limité à 5 % des cormorans présents sur le secteur concerné l'année précédente. Bien que le total des cormorans éliminés durant la campagne 1994-1995 ait dépassé les 3 000, ces mesures sont apparues insuffisantes. Aussi, après avis des conseils spécialisés, la ministre de l'environnement a décidé, en 1996, de porter les quotas de prélèvement de 5 à 10 %. Un dépassement de cette limite peut être autorisé par le préfet dans les départements à très forte concentration d'étangs et de cormorans. Afin de simplifier les démarches administratives, il a également été décidé d'aller plus loin dans la voie d'une déconcentration aux préfets de ces autorisations. Il appartient désormais aux préfets, en fonction de la situation locale et après avoir pris l'avis d'un comité réunissant les différents acteurs concernés, de déterminer les secteurs géographiques du département où les tirs sont autorisés. Le ministre de l'environnement a confié, en 1996, une mission d'expertise à deux directeurs de recherche, l'un du CNRS, spécialiste en ornithologie, l'autre de l'INRA, spécialiste en ichtyologie, afin qu'ils procèdent à une analyse globale de la situation et proposent des solutions de régulation conformes au respect des équilibres écologiques. Les mesures à prendre par le ministère de l'environnement à la suite de ce rapport ont fait l'objet d'une large concertation auprès de tous les acteurs concernés (associations de protection des milieux aquatiques, associations de protection des oiseaux, pêcheurs, pisciculteurs scientifiques...). Dès le début de 1997, le ministère de l'environnement a pris, sur la base de propositions techniques du Conseil supérieur de la pêche et après avis du Conseil national de la protection de la nature, un arrêté autorisant, jusqu'au 31 mars 1997, des opérations expérimentales de destruction du grand cormoran. Cette opération a concerné un nombre limité de sites en eau libre accueillant des populations de poissons particulièrement menacées. Au vu des résultats de ces opérations, de l'ensemble des prélèvements effectués durant l'hiver 1996-1997 et des résultats du dénombrement de la population hivernante en France, effectué en janvier 1997, le dispositif a été adapté dans un objectif de stabilisation de l'espèce en France. Il repose sur les principes suivants : fixation d'un prélèvement national de 12 % des effectifs dénombrés en janvier 1997, répartis dans les départements en fonction du nombre d'oiseaux tués l'année précédente ; priorité d'intervention donnée à la protection des activités économiques liées aux piscicultures extensives en étang. Interventions sur les secteurs d'eau libre en périphérie des zones de piscicultures afin d'éviter le report des cormorans entre ces zones et les eaux libres périphériques ; reconduction des opérations expérimentales sur les eaux libres accueillant des espèces de poissons à valeur patrimoniale ; priorité d'intervention dès l'arrivée des cormorans afin de réduire plus efficacement les dégâts et d'éviter des opérations tardives occasionnant le dérangement d'autres espèces. Toutefois, l'essentiel des populations européennes de grands cormorans se reproduisant aux Pays-Bas ou au Danemark, c'est également dans ces pays et au niveau de l'Union européenne que des mesures de régulation efficaces peuvent et doivent être prises. A la demande du ministre chargé de l'environnement, le comité d'adaptation de la directive communautaire sur les oiseaux a accepté que l'espèce soit retirée de l'annexe I de cette directive (espèces menacées nécessitant des mesures de protection particulière de leur habitat). Une décision en ce sens est intervenue le 29 juillet dernier. Enfin, un groupe de travail au niveau européen a été constitué à l'initiative du Danemark et des Pays-Bas en vue de l'élaboration d'un plan de gestion de l'espèce dans le cadre de la convention internationale sur la conservation des espèces migratrices appartenant à la faune sauvage. Il convient d'ajouter que les représentants des pêcheurs et des pisciculteurs sont largement associés, au niveau national et départemental, aux instances consultatives chargées de se prononcer sur la gestion de l'espèce.

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