Question de M. MADRELLE Philippe (Gironde - SOC) publiée le 30/04/1998

M. Philippe Madrelle appelle l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur les conditions d'accueil et d'écoute trop souvent déplorables qui sont réservées aux étrangers dans les services concernés des préfectures. Il souligne que ces étrangers, contraints à l'exil par la situation politique ou économique de leur pays d'origine, devraient pouvoir bénéficier d'un entretien répondant aux exigences élémentaires du respect de l'individu dans une démocratie. Bien que reconnaissant la nécessité d'une véritable maîtrise des flux migratoires et d'un contrôle de l'immigration irrégulière, il lui apparaît cependant essentiel de ne pas sous-estimer la complexité et la rigidité des différentes démarches que doivent accomplir les étrangers souvent considérés comme des clandestins et victimes de propos discriminatoires. En conséquence, il lui demande s'il ne juge pas opportun que les fonctionnaires en charge de l'accueil des étrangers puissent recevoir une formation adaptée.

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Réponse du ministère : Enseignement scolaire publiée le 20/05/1998

Réponse apportée en séance publique le 19/05/1998

M. le président. La parole est à M. Madrelle, auteur de la question n° 258, adressée à M. le ministre de l'intérieur.
M. Philippe Madrelle. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, rassurez-vous, mon propos
de ce matin n'est pas d'ouvrir à nouveau le débat sur ce sujet déchaînant les passions : les conditions d'entrée et de
séjour des étrangers en France. M. Jean-Pierre Chevènement a eu le mérite, voilà quelques semaines, de défendre à
cette tribune un texte de clarification capable - du moins nous le souhaitons - de mettre un terme à une législation
devenue trop complexe, pour ne pas dire incohérente, à la suite des modifications successives intervenues sur
l'ordonnance de 1945.
M. le ministre l'a rappelé lors des différentes lectures de ce texte, tant au Sénat qu'à l'Assemblée nationale, la maîtrise
des flux migratoires doit se faire dans le respect des droits des étrangers, conformément à nos valeurs et, plus
précisément, à la tradition républicaine de la France, considérée comme terre d'asile et avant tout symbole de la patrie
des droits de l'homme.
Or, que ce soit dans les permanences des associations d'aide aux travailleurs immigrés ou dans les permanences
parlementaires, nous sommes confrontés de plus en plus souvent à des situations très difficiles et particulièrement
douloureuses d'étrangers en butte à l'attitude humiliante de l'administration. Cette situation est aux antipodes - je le
sais - de ce que souhaite et veut le Gouvernement.
Si l'étranger a des droits et des devoirs, il a d'abord le droit d'être considéré comme un être humain dans toute sa
dignité ! Lorsque l'étranger se présente à ce fameux guichet que l'on pourrait appeler le « guichet-punition », il a déjà
effectué une sorte de parcours du combattant et se voit alors opposer des méthodes se situant parfois à la limite de la
violation des droits de l'homme.
N'oublions pas la profonde détresse dans laquelle se trouvent ces êtres humains qui, contraints à l'exil, sont d'abord en
quête du simple et élémentaire droit de vivre dignement, conformément aux valeurs et à la tradition républicaine de la
France. Ce sont ces valeurs essentielles du respect de l'individu, de la défense des libertés publiques qui devraient
animer et inspirer les fonctionnaires en charge de l'information et de l'accueil des étrangers.
Souvent surchargée, l'administration ne peut faire face tant les procédures sont lourdes, compliquées, excessives. D'un
autre côté, il est impossible que les étrangers puissent se retrouver dans le labyrinthe des différentes dispositions qui
leur sont applicables. Si à cette complexité des démarches et de la législation, aux tracasseries administratives
viennent s'ajouter les brimades, l'arbitraire, les propos discriminatoires, toutes les conditions sont réunies pour fabriquer
des situations explosives. Ces dérives xénophobes sont intolérables et constituent une grave menace pour notre
démocratie.
Ne pensez-vous pas, madame la ministre, qu'il serait opportun que, à l'instar de ce que le Gouvernement a décidé pour
chaque demandeur d'asile, l'étranger qui vient déposer sa demande de régularisation ou de regroupement familial puisse
bénéficier d'un entretien personnalisé capable de l'aider et de l'informer plus précisément des différentes pièces
constituant son dossier. Vous me permettrez de vous demander où en est la réalisation d'un document qui recense
l'ensemble des titres existants. Je crois que cette simplification des procédures administratives est indispensable pour
faciliter le dialogue et la nécessaire compréhension entre les deux parties.
Conjugué à l'impératif absolu du respect des droits de l'homme, un effort de formation des agents préfectoraux pourrait
peut-être améliorer le fonctionnement de ces rouages en y mettant un peu d'humanité, de fraternité et de solidarité, ces
valeurs que le Gouvernement et vous-même, madame la ministre, défendez quotidiennement, je le sais, avec beaucoup
de force et de conviction.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Ségolène Royal, ministre délégué chargé de l'enseignement scolaire. Monsieur le sénateur, M. le ministre de
l'intérieur en déplacement m'a chargée de vous transmettre sa réponse.
Il est excessif et injuste de qualifier de « déplorables » les conditions d'accueil et d'écoute réservées aux étrangers
dans les services concernés des préfectures. Il convient, au contraire, de rendre hommage au dévouement, au sens du
service public et à l'efficacité des fonctionnaires de préfecture, qui, conformément aux instructions données par le
ministre de l'intérieur, ont fait en sorte que les 145 000 étrangers ayant déposé une demande de régularisation soient
reçus au moins une fois.
Il n'en demeure pas moins exact que les efforts de formation des personnels des bureaux des étrangers doivent être
amplifiés, non seulement pour améliorer la qualité de l'accueil des étrangers et les aider dans leurs démarches
administratives, mais aussi pour permettre une application homogène des textes au moment où va entrer en vigueur la
loi relative à l'entrée et au séjour des étrangers en France et au droit d'asile.
Nombreux sont les fonctionnaires qui s'inscrivent aux sessions de formation proposées par le Centre des hautes études
sur l'Afrique et l'Asie moderne pour parfaire leur connaissance des publics qu'ils ont à accueillir, aux fins d'assurer une
meilleure prise en compte de leurs préoccupations.
D'une manière plus générale, les fonctionnaires participent aux stages d'adaptation à leurs fonctions et à l'accueil du
public organisés à leur intention dans les préfectures ou au centre national de formation de la direction générale de
l'administration du ministère de l'intérieur à Lognes.
En outre, pour accompagner la mise en application de la loi sur l'entrée en vigueur et le séjour des étrangers et
harmoniser les pratiques sur l'ensemble du territoire, un dispositif de formation a été arrêté à l'intention des personnels
d'encadrement et des agents de guichet chargés de l'accueil et du traitement des dossiers des étrangers.
Les stages réservés à l'encadrement - directeurs de préfecture, chefs de bureau des étrangers et leurs adjoints,
secrétaires généraux et secrétaires en chef de sous-préfecture - ont commencé le 5 mai 1998 au centre national de
formation de la direction générale de l'administration du ministère de l'intérieur à Lognes. Ils devraient se poursuivre
jusqu'à la fin juin et concerner plus de deux cents cadres.
Les actions délocalisées à destination de l'encadrement intermédiaire des bureaux des étrangers et de l'ensemble des
agents de guichet débuteront à partir du mois de septembre de cette année.
Une bonne connaissance des textes, conjuguée aux formations à l'accueil du public organisées par les préfectures,
contribuera à garantir une meilleure prise en compte des préoccupations des étrangers concernés et ainsi à répondre
positivement à la préoccupation que vous avez exprimée, monsieur le sénateur.
M. Philippe Madrelle. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Madrelle.
M. Philippe Madrelle. Je comprends votre message, madame la ministre, et je vous en remercie, mais si j'en crois
les témoignages que j'ai reçus et les exemples qui m'ont été cités, il reste vraiment beaucoup à faire.
En tout cas je remercie le Gouvernement, dont je connais la volonté.

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