Question de M. GINÉSY Charles (Alpes-Maritimes - RPR) publiée le 30/04/1998

M. Charles Ginésy attire l'attention de Mme le ministre de la culture et de la communication sur la position de la France concernant la Charte européenne des langues régionales minoritaires. Cette charte, qui vise à promouvoir les langues et les cultures régionales, permet de mettre en valeur les dialectes locaux. De plus, elle participe à la conservation des spécificités locales et concourt au développement des traditions propres à chaque région. Les pays européens, pour la plupart, ont signé cette charte. Or un récent avis du Conseil d'Etat a déclaré ce texte incompatible avec la Constitution française, et notamment avec son article 2, qui stipule que " la langue de la République est la langue française ". Aussi, compte tenu de l'avis défavorable de la haute juridiction française et de l'intérêt réel de ce texte, il semblerait nécessaire de modifier l'article 2 de la Constitution, et ce pour permettre la ratification de la Charte européenne des langues régionales et cultures minoritaires. C'est la raison pour laquelle il souhaiterait connaître les dispositions qu'envisage de prendre le Gouvernement pour rendre juridiquement possible la ratification de cette charte.

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Réponse du ministère : Culture publiée le 25/06/1998

Réponse. - C'est en 1992 que, pour la première fois, la France a inscrit sa langue officielle dans l'une de ses Constitutions : " la langue de la République est le français " (art. 2). L'objectif essentiel était, à l'heure de la ratification du Traité de Maastricht, d'affirmer la volonté de notre pays de préserver au sein de l'Europe la diversité culturelle et linguistique, face aux risques d'uniformisation déjà observés lors des phases précédentes de la construction communautaire, et qu'aggraveraient les nouvelles adhésions au bénéfice d'une seule ou de quelques langues. Il était donc important de rappeler, au niveau constitutionnel, que l'utilisation du français comme langue officielle de notre pays doit être préservée, notamment dans les relations des pouvoirs publics et des ressortissants français avec les institutions communautaires. Le français fonde depuis des siècles l'unité nationale et l'égalité des citoyens devant la loi, l'administration et la justice, ainsi que leur accès aux charges publiques. Ce rôle privilégié le distingue des autres langues présentes depuis longtemps en France et visées par la Charte européenne des langues régionales et minoritaires : langues régionales métropolitaines (qui bénéficient par exemple de 14 options au baccalauréat, ce chiffre n'étant pas exhaustif), langues d'outre-mer (le tahitien, une trentaine de langues mélanésiennes, les différents créoles, les langues mahoraises, les langues locales de Guyane), et les langues " minoritaires " non issues d'une partie du territoire (arménien, berbère, tzigane, yiddish, arabe...), qui ont chacune une histoire, une diffusion, des besoins qui leur sont propres. L'éventualité de mentionner également ces langues dans la Constitution, comme d'ailleurs la francophonie, a été longuement débattue à l'Assemblée et au Sénat en 1992, et des amendements ont été proposés en ce sens. Cependant, les élus ont estimé qu'inscrire le français dans la Constitution ne remettait aucunement en cause l'attachement de notre pays à d'autres langues qui font partie de notre patrimoine et de notre richesse culturelle contemporaine ; leur statut, comme les engagements de la France en matière de francophonie, a paru relever plutôt des lois et règlements. En effet, les langues régionales et d'outre-mer bénéficient dans le droit français d'un statut qui garantit leur usage dans la vie privée, et qui leur reconnaît une place dans la sphère publique. Elles sont mentionnées dans de nombreux textes relatifs à l'enseignement, aux activités culturelles et aux médias, ainsi que dans deux articles de la loi du 4 août 1994 sur l'emploi de la langue française. Le Conseil d'Etat, dans son avis sur la Charte européenne des langues régionales et minoritaires, observe que le droit français ainsi que l'ensemble des mesures prises pour favoriser la présence des langues régionales dans l'enseignement, la culture ou les médias leur assurent déjà dans ces domaines un statut conforme aux principes énoncés par la Charte. Le Premier ministre a demandé au Gouvernement d'examiner les moyens qui permettraient à la France de manifester au niveau international son adhésion à la politique de soutien aux langues régionales et minoritaires, dont la Charte est un symbole, sans remettre en cause la place du français " langue de la République ". Par ailleurs, il a souhaité faire le point sur la politique menée dans notre pays en faveur des langues régionales et d'outre-mer depuis plusieurs décennies, afin de mieux faire connaître cet effort, qui correspond tout à fait à la Charte, et de tracer de nouvelles perspectives. C'est pourquoi il a confié à Madame Nicole Péry, député des Pyrénées-Atlantiques, une mission visant à faire un bilan exhaustif et objectif de leur enseignement, dont le rôle est primordial pour l'avenir de ces langues, et de faire toutes propositions sur l'évolution du dispositif. Il a souhaité que cette réflexion ne néglige ni les aspects institutionnels, ni les aspects culturels de la question, afin de mieux assurer la diffusion de ces langues hors du domaine de l'enseignement. Depuis la nomination de Madame Nicole Péry comme secrétaire d'Etat à la formation professionnelle, c'est Monsieur Bernard Poignant, maire de Quimper, qui a été chargé de cette mission. Le résultat devrait en être connu dans les prochaines semaines.

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