Question de M. LESEIN François (Aisne - RDSE) publiée le 15/05/1998

Question posée en séance publique le 14/05/1998

M. le président. La parole est à M. Lesein.
M. François Lesein. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mes chers collègues, le 21 avril dernier, un
article du quotidien Libération révélait la publication d'un rapport du Parlement européen intitulé « Evaluation des
moyens technologiques du contrôle politique », concernant les avancées technologiques en matière de contrôle des
personnes et des organisations dans le monde.
Ce document présentait les moyens les plus performants employés dans le domaine de la surveillance et, si
nécessaire, de la répression des personnes. Les méthodes décrites englobaient un large éventail de mesures, allant
des écoutes téléphoniques jusqu'à la torture en passant par le détail des armes chimiques à la disposition des
autorités.
La partie la plus surprenante du rapport figure aux chapitres 3 et 4. Particulièrement instructives, ces deux sections aux
titres évocateurs - « Dernières tendances et innovations en matière de contrôle politique » et « Développements
technologiques dans le domaine de la surveillance » - nous révèlent l'existence d'un système de surveillance mondiale
dénommé ECHELON.
ECHELON utilise les satellites Intelsat qui acheminent la plupart des communications téléphoniques, courriers
électroniques, e-mail, télécopies et télex sur le plan mondial. C'est dire l'ampleur de ce réseau qui dispose d'une
capacité de tri de deux millions de conversations à la minute.
L'Australie, le Canada, la Nouvelle-Zélande et le Royaume-Uni, sous la direction des Etats-Unis, coopèrent à cette
réalisation et s'en partagent les fruits.
Historiquement dévolu à la surveillance du bloc soviétique, ECHELON a été réorienté vers l'espionnage politique et
industriel au lendemain de la guerre froide, pour profiter plus particulièrement aujourd'hui aux industriels de ces cinq
pays.
Faut-il faire un lien entre ECHELON et la toute récente perte d'un marché de 80 avions Rafale aux Emirats ?
S'il est pour le moins contestable d'assister à de telles pratiques de la part d'Etats extra-européens, j'estime
profondément déloyal de constater qu'un Etat membre de l'Union européenne participe à une entreprise constituant une
atteinte à la sûreté de l'Union.
Monsieur le Premier ministre, face à un problème aussi grave et d'une telle ampleur, je vous poserai trois questions.
Premièrement, aucune réaction officielle n'ayant à ce jour été signifiée aux instances européennes, pourriez vous nous
faire part du sentiment du Gouvernement concernant ECHELON ?
Deuxièmement, la France va-t-elle émettre une protestation officielle à l'encontre des Etats-Unis, de l'Australie, du
Canada et de la Nouvelle-Zélande ? Va-t-elle porter l'affaire devant l'Organisation mondiale du commerce ?
Enfin, s'agissant de la Grande-Bretagne, le gouvernement français évoquera-t-il la question lors du prochain Conseil
européen ? Déposera-t-il une plainte officielle devant la Cour de justice des Communautés européennes ?
(Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)

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Réponse du ministère : Industrie publiée le 15/05/1998

Réponse apportée en séance publique le 14/05/1998

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat, pour répondre de manière résumée - et unique - à ces trois
questions. (Sourires.)
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie. Je vais m'efforcer d'être bref, monsieur le président.
Monsieur le sénateur, l'hebdomadaire italien Il Mondo a effectivement révélé, au mois de mars dernier, la vulnérabilité
potentielle des systèmes d'information en Europe et, donc, la fragilité de notre pays vis-à-vis du programme international
ECHELON.
Ce dernier programme, qui consiste en un réseau d'écoute créé pendant la guerre froide, permet d'intercepter des
conservations téléphoniques - deux millions de conversations téléphoniques peuvent être interceptées par minute ; c'est
dire l'ampleur de ce système technologique ! - mais également d'intercepter des télécopies, des télex, des courriers
électroniques et l'ensemble du trafic sur Internet à partir des satellites de télécommunications internationaux.
Ce réseau a été évoqué récemment à l'occasion d'un rapport du Parlement européen qui lui a été consacré et qui a
décelé, derrière l'existence de ce réseau, des menaces tout à fait réelles d'atteinte à la concurrence économique dans
le domaine des technologies de l'information et de la communication. Ces menaces doivent être prises en compte en
urgence.
Cette affaire illustre l'importance des enjeux qui s'attachent à l'intelligence économique, dont le Gouvernement a
récemment renforcé la coordination interministérielle, ainsi que des enjeux qui s'attachent à la sécurité des systèmes
d'information.
Sur ce dernier point, le service central de la sécurité des systèmes d'information, qui dépend du Premier ministre, a
pour mission, d'abord, de sensibiliser les administrations et les entreprises au problème de l'intelligence économique ;
ensuite, de mettre à leur disposition de véritables moyens de sécurité ; enfin, de former des hommes et des femmes à
la sécurité des systèmes d'information et de communication. Il nous faut, bien entendu, rattraper notre retard en ce
domaine.
Enfin, nous souhaitons mettre en oeuvre une nouvelle réglementation en matière de cryptologie, récemment décidée par
M. le Premier ministre et qui constitue un moyen essentiel pour assurer la sécurité.
Le programme d'action gouvernemental pour la société de l'information a pris en compte cette problématique, et
plusieurs actions ont été mises en place dès le début de cette année pour que, au sein de l'administration des
différents ministères - intérieur, défense, industrie notamment - soient mis à la disposition des acteurs économiques
tous les moyens de se prémunir contre ce grave danger et d'assurer une meilleure sécurité des systèmes d'information
et de communication.
Le sujet est d'importance, il constitue une des priorités d'action du Gouvernement dans ce domaine. (Applaudissements
sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)

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