Question de M. GERBAUD François (Indre - RPR) publiée le 15/05/1998

Question posée en séance publique le 14/05/1998

M. le président. La parole est à M. Gerbaud.
M. François Gerbaud. Ma question s'adresse à M. le ministre de la défense.
On vient d'en parler à l'instant, nous avons connu récemment des drames, exemples tragiques d'un terrible constat, que
M. le ministre de l'intérieur a rappelé : en 1997, la violence a fait dans les cités 36 morts et 2 000 blessés. Ces drames
imposent d'urgence - et nous le souhaitons tous - que l'on tente de mettre fin, si on le peut, à cette montée de graine de
violence.
Le 27 avril dernier, le conseil de sécurité intérieure a décidé de procéder à un redéploiement des effectifs de
gendarmerie et de police au profit des vingt-six départements où l'insécurité est la plus forte dans un délai de trois ans,
à compter du 1er janvier 1999. C'est, certes, une bonne réponse. Est-elle suffisante ?
Cependant, ce redéploiement, dont la conséquence est de répartir autrement les forces de sécurité, semble s'inscrire
dans le cadre de la nouvelle politique de l'aménagement du territoire annoncée par le Gouvernement, qui consiste à
privilégier les zones urbaines au détriment des zones rurales.
Vous avez déclaré, monsieur le ministre, qu'il faudrait convaincre les élus locaux d'accepter la fermeture de brigades de
gendarmerie ou de commissariats de police.
Cette perspective, qui se traduit déjà dans les faits dans certains départements, pose au monde rural des problèmes de
sécurité, sans parler, bien sûr, des conséquences économiques, humaines et sociales pour toutes les communes,
cantons et départements qui vont subir les effets de ce redéploiement, qui ne manquera pas d'être interprété comme un
accélérateur de désertification.
Depuis des années, l'objectif des travaux de notre Haute Assemblée tend vers un véritable rééquilibrage entre zones
urbaines et zones rurales, travail dont les fruits ont été le fondement de la loi du 4 février 1995. Or ce que le
Gouvernement nous propose va, semble-t-il, à l'encontre de cet objectif, gravement compromis par l'annonce d'une
nouvelle polique d'aménagement du territoire, inacceptable pour le monde rural aujourd'hui.
Permettez-moi, monsieur le ministre de la défense, de souligner que, si un effort en matière de sécurité doit être fait en
faveur du monde urbain - et plus particulièrement des cités et des villes victimes de leur démographie et de leur
urbanisme - cet effort légitime et sans doute insuffisant ne doit pas se faire au détriment du monde rural, qui, de
récentes statistiques viennent de le démontrer s'ouvre lui aussi à la petite et à la grande délinquance.
C'est la raison pour laquelle je vous demande, monsieur le ministre, de bien vouloir me préciser les mesures concrètes
que vous entendez prendre pour contenir l'insécurité qui se développe aussi dans le monde rural.
Laissez-nous nos gendarmeries ! Elles sont pour la prévention, l'ordre et la sécurité les vigies d'un monde rural que l'on
s'emploie, semble-t-il, à désespérer. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

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Réponse du ministère : Défense publiée le 15/05/1998

Réponse apportée en séance publique le 14/05/1998

M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Alain Richard, ministre de la défense. Je vous remercie beaucoup de cette question, monsieur le sénateur, qui me
donne l'occasion de confirmer un certain nombre des points positifs que vous avez bien voulu relever dans le plan du
Gouvernement et, en même temps, d'éclaircir certaines conséquences préoccupantes qui, je crois, ne se produiront
pas.
Tout d'abord, le plan que le conseil de sécurité intérieure a adopté voilà quelques jours comporte un certain nombre de
réaffectations de secteurs entre la police et la gendarmerie. On compte aujourd'hui, globalement, 26 ou 27 millions
d'habitants dans les secteurs où la responsabilité de sécurité publique incombe à la gendarmerie, et 31 millions
d'habitants dans les secteurs où cette responsabilité relève de la police nationale. Or nous allons déplacer la charge
d'environ 1 million d'habitants en trois ans.
Par conséquent, dans les zones où, éventuellement, on supprimera la police nationale lorsque la gendarmerie paraît la
mieux adaptée au terrain, l'effort de sécurité publique sera évidemment consolidé. Le « redéploiement » - pour ma part,
j'évite d'ailleurs d'utiliser ce terme : je parle plutôt de meilleure adaptation des effectifs - n'aboutira pas à supprimer le
principe selon lequel il doit y avoir une brigade par canton.
Je sais qu'il peut y avoir, à la marge, quelques situations où deux cantons voisins situés dans des zones où les temps
d'accès sont limités n'auraient qu'une seule brigade. La question sera évoquée au cours des concertations
départementales, mais la norme est que nous devons avoir, en milieu rural et semi-rural, une brigade par canton.
Par conséquent, le risque de déperdition de services publics, de disparition de la présence de l'Etat, je l'exclus
complètement, pour deux raisons : d'abord, tout un travail de prévention est effectué ; ensuite, dans un certain nombre
de situations de délinquance, les zones à très faible occupation étaient en même temps des repaires, des lieux de
préparation de mauvais coups. A cet égard, le travail de sécurisation du territoire réalisé par la gendarmerie est tout à
fait important.
Il reste qu'à l'intérieur de la zone « gendarmerie » - vous la connaissez très bien, monsieur le sénateur - il y a aussi des
secteurs où la délinquance augmente et où les besoins d'action se font sentir plus fortement. Nous devons donc
procéder à quelques mouvements et, là où il y a deux ou trois brigades par canton, nous pouvons réaliser des
réadaptations.
Par ailleurs, nous ne travaillons pas à somme constante. La loi de programmation que nous sommes en train
d'appliquer va créer 4 000 postes supplémentaires dans la gendarmerie et remplacer 12 000 jeunes gendarmes
auxiliaires appelés par 12 000 jeunes volontaires professionnels rémunérés. Avec une ancienneté plus importante et
une formation plus longue, leur caractère opérationnel sera supérieur.
L'ensemble des mesures auxquelles nous travaillons aujourd'hui, le ministre de l'intérieur et moi-même, après la fixation
des principes lors du colloque de Villepinte, répondent bien à une préoccupation globale de sécurité qui prend
pleinement en compte les nécessités de l'équilibre du territoire. (Applaudissements sur les travées socialistes.)

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