Question de Mme LUC Hélène (Val-de-Marne - CRC) publiée le 20/05/1998

Mme Hélène Luc tient à attirer l'attention de Mme le ministre délégué chargé de l'enseignement scolaire sur l'importance croissante que doit prendre la dimension de la fonction de la psychologie dans l'école, pour permettre à chaque enfant de parvenir à sa réussite optimale. Les difficultés sociales, scolaires, relationnelles et de repères, l'accroissement de la transgression de la règle des conduites de violence, la maltraitance, le besoin d'une écoute et d'une aide la plus individualisée possible, tout comme la nécessaire valorisation du potentiel de chaque enfant, appellent un indispensable changement d'échelle en terme d'objectifs, de moyens, de reconnaissance de la mission de la qualification et du statut des psychologues scolaires. Cela est nécessaire, en particulier en direction des établissement où les difficultés sont fortes, comme dans les zones d'éducation prioritaire (ZEP) et où l'apport des psychologues de l'éducation doit venir en appui des mesures spécifiques et supplémentaires qui doivent y prévaloir, comme la situation en Seine-Saint-Denis vient de le confirmer. Il serait, à cet égard, inacceptable que soient maintenues des diminutions de dotation en ZEP comme cela reste encore trop souvent le cas pour la rentrée prochaine, dans d'autres départements comme le Val-de-Marne. C'est pourquoi elle lui demande de bien vouloir lui faire connaître ses intentions pour mettre en oeuvre une véritable politique de la psychologie scolaire, qui ne pourra être menée à bien que par des recrutements à la hauteur des importants besoins, les titulaires d'un diplôme d'études supérieures spécialisées (DESS) de psychologie constituant, de ce point de vue, un " vivier " disponible. Elle lui demande également de bien vouloir engager, dans les meilleurs délais, une concertation sur l'ensemble de ces questions avec tous les acteurs concernés, ainsi que ceux-ci lui en ont déjà exprimé la demande.

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Réponse du ministère : Enseignement scolaire publiée le 24/06/1998

Réponse apportée en séance publique le 23/06/1998

M. le président. La parole est à Mme Beaudeau, en remplacement de Mme Luc, auteur de la question n° 283,
adressée à Mme le ministre délégué chargé de l'enseignement scolaire.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Madame la ministre, retenue par des engagements impératifs pris antérieurement à la
décision de report à ce jour de la séance des questions orales, Mme Hélène Luc m'a demandé de bien vouloir la
remplacer. Je le fais d'autant plus volontiers que la question concernant la fonction de la psychologie scolaire au sein
du système éducatif pour favoriser la réussite de chaque enfant est une question d'importance.
Il est établi depuis longtemps que l'école ne saurait se réduire à une relation exclusive maître-élève et que la
construction du parcours scolaire, du développement et de la valorisation du potentiel de chaque enfant passe par la
mobilisation de toutes les compétences de l'éducation nationale, qui doivent se compléter au sein d'un travail d'équipe.
Enseignants et non enseignants sont tous appelés à remplir pleinement leur mission par une approche de l'enfant qui
doit être à la fois globale et la plus individualisée possible, dans une société où les difficultés économiques et sociales
pèsent fortement sur les comportements, sur la disponibilité et même sur des conditions de base agissant sur les
capacités physiologiques et psychiques. Et tous ont à faire face à des situations aujourd'hui de plus en plus lourdes et
complexes.
Or, et sans qu'il soit question d'opposer les uns aux autres, les psychologues exerçant dans l'éducation nationale, les
psychologues scolaires et les conseillers d'orientation psychologues observent une constante minoration de leur rôle,
de la reconnaissance de leur mission, de leur qualification, des besoins en postes et en moyens. Cette appréciation
unanime ressort de l'audience que le groupe communiste républicain et citoyen a accordée, à leur demande, à
l'ensemble des syndicats, rassemblés en intersyndicale, sur cette question de la psychologie scolaire.
Madame la ministre, vous le savez, les difficultés sociales, relationnelles et de repères, les phénomènes de violence, de
maltraitance, une prévention de l'échec scolaire qui soit la plus précoce possible, l'écoute, le soutien, l'orientation vers
des rééducations diverses sont autant d'exigences qui appellent des besoins importants, insuffisamment satisfaits
actuellement. Il faut donc engager une nouvelle logique pour ce secteur.
Les zones d'éducation prioritaires, à la relance desquelles le Gouvernement a déclaré vouloir procéder, sont d'évidence
très concernées par les interventions de la psychologie scolaire.
Ce n'est bien sûr pas exclusif d'autres moyens pour les zones d'éducation prioritaires et, à cet égard, il faut déplorer
que le recours à la calculette reste encore en vigueur pour la carte scolaire.
Mon amie Hélène Luc, à titre d'illustration, tenait à évoquer devant vous le cas du collège Henri-Matisse, situé dans une
zone d'éducation prioritaire à Choisy-le-Roi, sa commune, collège qui, grâce à l'extraordinaire mobilisation de son
équipe et de ses élèves, a réalisé un projet très réussi contre la violence. Celui-ci s'est conclu par une charte du
fair-play que Michel Platini et Joseph Blatter ont retenue pour la Coupe du monde et que la jeune Sarah, élève de 4e, a
pu lire au Stade de France devant les téléspectateurs du monde entier. Mais dans le même temps, madame la
ministre, ce collège se voit ponctionner deux postes et demi pour la rentrée. Imaginez le découragement et la colère qui
peuvent en résulter ! Dans mon département du Val-d'Oise, je pourrais citer de nombreux exemples semblables. Les
actes doivent être en conformité avec les décisions et les orientations annoncées.
Concernant la psychologie scolaire, des créations de postes nouveaux et à hauteur des besoins que je viens de
rappeler, auxquels s'ajoute le nécessaire renouvellement consécutif aux départs en retraite qui vont être nombreux,
appellent des recrutements externes, car le vivier des instituteurs se révèle insuffisant. De plus, de nombreux étudiants
en psychologie y trouveraient le débouché qui leur fait souvent défaut aujourd'hui.
Cela induit également une reconnaissance statutaire précise. Des discussions avec les personnels ont commencé, et
elles doivent donc se poursuivre. Les réponses à ces questions sont constitutives d'une véritable politique de la
psychologie scolaire pour laquelle je vous demande, madame la ministre, de m'indiquer vos intentions et vos
orientations.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Ségolène Royal, ministre délégué chargé de l'enseignement scolaire. Madame la sénatrice, la nécessité de la
psychologie à l'école et de l'intervention de psychologues, qui est une tradition ancienne au sein de l'institution scolaire,
a été conçue au lendemain de la guerre par le professeur Wallon dans le cadre des réflexions qui ont conduit au « plan
Langevin - Wallon ».
Dès la mise en place de la psychologie scolaire en 1960, un principe a été affirmé : le psychologue scolaire n'est pas
un spécialiste venu de l'extérieur de l'institution, mais il fait partie de l'institution scolaire.
Lors de la création en 1970 des groupes d'aide psychopédagogiques, leur place a été reconnue dans le dispositif de
prévention des inadaptations scolaires. La circulaire de 1990 redéfinit leurs missions et fonde la spécificité de l'exercice
de la psychologie en milieu scolaire et l'identité professionnelle des psychologues scolaires.
Les psychologues scolaires, dans le cadre des réseaux d'aides spécialisées aux élèves en difficulté, apportent l'appui
de leurs compétences pour la prévention des difficultés scolaires, pour l'élaboration du projet pédagogique de l'école,
pour la conception, la mise en oeuvre et l'évaluation des aides aux élèves en difficulté. C'est pourquoi une expérience
pédagogique préalable a toujours semblé nécessaire pour exercer ces fonctions.
Aujourd'hui, les psychologues scolaires sont donc des enseignants choisis pour recevoir une formation spécifique,
dispensée dans un institut universitaire de psychologie, leur permettant de répondre aux exigences de la loi du 25 juillet
1985 relative à l'usage professionnel du titre de psychologue. L'autorisation de faire usage du titre de psychologue
scolaire leur a été accordée par le décret du 22 mars 1990.
C'est la raison pour laquelle il n'est pas souhaitable d'avoir recours à des psychologues complètement extérieurs à
l'école. Je tiens d'ailleurs à maintenir tout particulièrement ce lien entre le métier d'enseignant et celui de psychologue
scolaire, et je ne dérogerai pas à ce principe. Nous avons besoin, en effet, que les adultes éducateurs au service de
l'enfant aient la même vision de l'intérêt de l'enfant et soient associés à la même démarche pédagogique.
Les instructions adressées aux inspecteurs d'académie relativement aux conditions d'exercice de la profession de
psychologue scolaire et, notamment, à la spécificité des horaires consacrés aux diverses activités que les
psychologues scolaires exercent au cours de la semaine scolaire constituent la reconnaissance de fait de l'importance
de leur rôle, que je tiens à souligner ici sans aucune ambiguïté.
Compte tenu du profil démographique de la profession, un nombre important de psychologues scolaires fera valoir ses
droits à la retraite dans les années à venir. Une réflexion est d'ores et déjà engagée au ministère pour que leur
remplacement soit assuré de la meilleure façon.
Par ailleurs, le Gouvernement a réaffirmé dans le projet de loi d'orientation relatif à la lutte contre les exclusions le rôle
des psychologues scolaires : en tant que tels, ils font partie des comités d'éducation à la santé et à la citoyenneté que
j'ai créés dans l'ensemble des établissements scolaires et qui vont commencer à se mettre en place dès la rentrée
prochaine.
J'ajoute que les organisations représentatives des psychologues scolaires sont reçues régulièrement au ministère de
l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Les psychologues scolaires savent donc que leurs
préoccupations sont prises en compte dans le cadre de la réflexion qui se déroule actuellement avec beaucoup de
sérieux et de détermination.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Madame la ministre, vous avez rappelé la tradition ancienne de la psychologie
scolaire dans notre pays, et vous avez cité le plan Langevin-Vallon. Si ce plan est un grand principe, ce qui manque,
aujourd'hui, ce sont les moyens. C'est pourquoi, madame la ministre, votre réponse ne me satisfait pas totalement dans
la mesure où elle ne va pas plus loin et n'est pas plus précise que la réponse écrite publiée au Journal officiel du 11
juin.
Vous indiquiez déjà, dans cette réponse écrite, que nombre de psychologues scolaires allaient faire valoir leurs droits à
pension de retraite et qu'une réflexion était d'ores et déjà engagée au ministère pour que leur remplacement soit assuré
de la meilleure façon. C'est de cela que j'aurais souhaité que nous parlions plus longuement ce matin.
Mais surtout, je voudrais qu'une telle situation soit prise en compte dans le projet de loi de finances pour 1999. Nous en
sommes actuellement au stade des orientations budgétaires. Il est encore temps, madame la ministre, de clarifier et de
chiffrer. Si le rôle des psychologues scolaires est déjà reconnu, ce dont je me félicite, il est nécessaire, aujourd'hui, de
préciser le développement de leurs activités comme support et moteur pédagogique, humain et social.

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