Question de M. FLANDRE Hilaire (Ardennes - RPR) publiée le 19/06/1998

Question posée en séance publique le 18/06/1998

M. le président. La parole est à M. Flandre.
M. Hilaire Flandre. Ma question, qui s'adresse à Mme le garde des sceaux, revient sur les inacceptables scènes de
vandalisme dont a été témoin la ville de Marseille lundi dernier, en marge du match opposant l'Angleterre à la Tunisie.
Les images de commerces dévastés, de vitrines brisées et de voitures renversées ont choqué l'ensemble de nos
compatriotes et ont terni cette grande fête du football qu'est la Coupe du monde.
Il convient de rendre hommage aux policiers et aux gendarmes, qui ont agi avec sang-froid et efficacité. Toutefois, nous
ne comprenons pas comment des personnes identifiées par nos services de police ont pu arriver jusqu'à Marseille pour
y commettre leurs exactions alors même que l'on connaissait le lieu et la date de leur entrée sur le territoire. En effet,
dès le samedi 13 juin, soit deux jours avant les événements que j'ai rappelés, onze supporters anglais en état d'ivresse
étaient placés en garde à vue pour avoir brisé des vitrines à Calais ; deux d'entre eux sont d'ailleurs convoqués au mois
de septembre devant le tribunal correctionnel de Boulogne-sur-Mer. Or nous avons appris avec stupéfaction que ces
pseudo-supporters, désormais fichés par les services de police,...
M. Alain Gournac. Ont été vus à Marseille !
M. Hilaire Flandre. ... ont pu reprendre le chemin de Marseille, où l'on sait ce qu'il est advenu quarante-huit heures
plus tard.
Le Gouvernement nous dit qu'il est difficile pour les forces de police d'agir contre des individus qui, s'éloignant des
stades, s'éparpillent dans les rues.
Ma question est double : le travail des policiers n'aurait-il pas été facilité si l'on n'avait pas laissé se rendre à Marseille
des personnes mises en garde à vue puis relâchées alors que leur dangerosité était connue ? Par ailleurs, pouvez-vous
nous préciser quelles instructions ont été données aux parquets afin que la justice participe pleinement à la nécessaire
sécurisation de la Coupe du monde et que la police ne se retrouve pas face à certains casseurs avinés dès le
lendemain de leur garde à vue ?
L'ordre et la sécurité font aussi partie des valeurs de la République,...
M. Alain Gournac. Eh oui !
M. Hilaire Flandre. ... et nous y sommes également attachés. Il convenait de le rappeler, en ce jour anniversaire.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)

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Réponse du ministère : Justice publiée le 19/06/1998

Réponse apportée en séance publique le 18/06/1998

M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur, avant de vous répondre à
propos des parquets, je souhaite d'abord signaler que le Gouvernement a, dès le départ, et mis en place le dispositif,
pris les mesures nécessaires pour que la sécurité de la Coupe du monde soit assurée.
Dans chacun des stades concernés, Jean-Pierre Chevènement, Marie-George Buffet et moi-même avons veillé à ce que
puisse être installé un poste central de sécurité comprenant non seulement des policiers et des pompiers français mais
également des représentants des polices étrangères pour nous aider à détecter les hooligans.
J'ai pu constater avec M. Chevènement, à Marseille, voilà quelques jours, à quel point ce dispositif était efficace
puisqu'il permet, avec l'aide des stadiers, de repérer les agitations dans les stades.
Il est vrai qu'il est beaucoup moins facile de surveiller les hooligans lorsqu'ils s'éparpillent dans la ville. Mais, là encore,
vous devez reconnaître que les réactions des forces de l'ordre n'ont pas tardé.
J'en viens aux parquets. Dès le début du mois de mars, j'ai envoyé à tous les parquets de France une circulaire les
invitant à faire preuve de la plus grande fermeté dans la lutte contre l'ensemble des risques auxquels pouvait donner lieu
la Coupe du monde, en particulier le hooliganisme.
Cette circulaire d'orientation générale a rappelé aux parquets, d'abord, de quelle législation ils pouvaient se servir,
ensuite, qu'il leur fallait, dans ce domaine, faire en sorte que la justice puisse réagir de façon immédiate - c'est ce qui a
été fait à Marseille - et, enfin qu'il leur était également possible de recourir à des peines complémentaires comme, par
exemple, l'interdiction de stade.
Ces orientations générales ont été accompagnées par la mise en place, au sein de la direction des affaires criminelles
et des grâces, d'une cellule de permanence, ainsi que par l'institution, dans chaque ville où se joue la Coupe du monde,
d'un procureur de la Coupe du monde, présent dans les stades aux côtés des membres de la police judiciaire pour
permettre à cette dernière de saisir immédiatement les tribunaux avec les preuves nécessaires.
Permettez-moi de vous donner brièvement le bilan du travail qui a été accompli à la fois par nos policiers et par nos
magistrats à la suite des graves incidents de Marseille.
Ce bilan s'est traduit par le placement en garde à vue de cent deux personnes et par la poursuite de trente et un
individus majeurs selon la procédure de comparution immédiate devant le tribunal correctionnel ; vingt-sept personnes
ont été placées en détention jusqu'à une prochaine audience de jugement et six ont d'ores et déjà fait l'objet de
condamnations à des peines d'emprisonnement ainsi qu'à des peines d'interdiction de stade ou d'interdiction du
territoire nationale. Onze mineurs ont par ailleurs été présentés aux juges pour enfants, qui ont ordonné le placement
en détention de trois d'entre eux. Ce dispositif judiciaire a donc, me semble-t-il, fait la démonstration de son efficacité.
Je veux simplement souligner ici qu'il préfigure également le nouveau mode de relations que le Gouvernement entend
mettre en place vis-à-vis du parquet : des circulaires d'orientation générale qui donnent des indications précises, mais
qui sont d'application générale, à charge, bien entendu, pour chaque procureur d'apprécier les mesures individuelles qu'il
pourra prendre.
Je vous remercie, enfin, monsieur le sénateur, de m'avoir donné l'occasion, en répondant à votre question, de vous dire
en primeur ce que je compte inscrire dans la loi sur la Chancellerie et le parquet, à savoir l'obligation pour le garde des
sceaux de rendre compte devant la représentation nationale des orientations de la politique pénale. (Applaudissements
sur les travées socialistes, sur celles du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)

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