Question de M. HAMEL Emmanuel (Rhône - RPR) publiée le 18/06/1998

M. Emmanuel Hamel attire l'attention de Mme le garde des sceaux, ministre de la justice, sur le rapport de la mission interministérielle sur la prévention et le traitement de la délinquance juvénile, remis à M. le Premier ministre le 16 mai 1998, dans lequel ses auteurs constatent que l'ordonnance du 2 février 1945 qui consacre la primauté de l'éducatif sur le répressif " reste un texte de qualité majeure, qui souffre seulement d'être insuffisamment mis en oeuvre ". Il lui demande quelle est sa réaction face à cette constatation et si des mesures sont envisagées pour remédier à l'insuffisante mise en oeuvre de la primauté de l'éducatif sur le répressif, définie par l'ordonnance du 2 février 1945, laquelle n'exclut pas le devoir de répression.

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Réponse du ministère : Justice publiée le 05/11/1998

Réponse. - L'honorable parlementaire a bien voulu appeler l'attention du garde des sceaux sur le rapport de la mission interministérielle sur la prévention et le traitement de la délinquance juvénile, remis à M. le premier ministre le 16 mai 1998, qui constate une insuffisance dans la mise en uvre de l'ordonnance du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante, en particulier en ce qui concerne le principe de primauté de l'éducatif sur le répressif. Le garde des sceaux, ministre de la justice, partage le point de vue développé par les rédacteurs de ce rapport, pour lesquels l'ordonnance du 2 février 1945 constitue un texte de qualité majeure, dont les dispositions demeurent toujours pertinentes. Cette ordonnance consacre en effet le principe de la responsabilité pénale des mineurs tout en prévoyant une gamme de réponses adaptées et variées selon leur âge : au-dessous de 13 ans, prononcé de mesures éducatives ; entre 13 et 16 ans, possibilité de prononcer également des condamnations pénales mais dont la durée, s'agissant de l'emprisonnement ou de l'amende, est divisée par deux au regard des peines encourues par les adultes ; de 16 à 18 ans, possibilité d'exclure exceptionnellement les mineurs du bénéfice de cette diminution de peine. L'insuffisance de la mise en uvre de l'ensemble des dispositions de l'ordonnance du 2 février 1945, en particulier de celles qui prescrivent des mesures éducatives, est soulignée par plusieurs études, en particulier celle réalisée par M. Francis Bailleau (Les jeunes face à la justice pénale : analyse critique de l'application de l'ordonnance de 1945 - éditions Syros 1996). Conscient de l'importance des dispositions de l'ordonnance du 2 février 1945, le Gouvernement a, lors du conseil de sécurité intérieure du 8 juin 1998, défini les grands axes de sa politique en matière de délinquance juvénile en les inscrivant dans le cadre des principes généraux définis par ce texte. Il s'agit tout d'abord d'agir sur l'environnement des jeunes en responsabilisant les parents et en les soutenant dans l'exercice de leurs responsabilités parentales, en renforçant le rôle de prévention de l'école et en protégeant davantage les mineurs des effets de certains médias. En second lieu, le Gouvernement a mis l'accent sur la nécessité de donner à chaque acte de délinquance une réponse systématique, rapide et lisible, et de réorganiser le dispositif de prise en charge éducative des mineurs délinquants. Enfin, il a lancé un plan d'action gouvernemental territorialisé, qui sera mis en uvre prioritairement dans les 26 départements les plus concernés par les problèmes de délinquance. Dans la droite ligne des décisions prises le 8 juin dernier, la ministre de la justice a adressé aux parquets, le 15 juillet 1998, une circulaire de politique pénale qui évoque l'ensemble des possibilités offertes par les textes relatifs à l'enfance délinquante. Ainsi, cette circulaire rappelle l'intérêt de la mesure de réparation en ce qu'elle permet une réelle prise de conscience, chez les mineurs, des conséquences de leurs actes et mobilise leurs potentialités pour réparer l'infraction commise. La direction de la protection judiciaire de la jeunesse va développer considérablement cette mesure dans les prochains mois et procéder à l'habilitation d'établissements et services du secteur associatif compétents pour la mettre en uvre. S'agissant des mesures éducatives en milieu ouvert (liberté surveillée notamment), leur exercice s'appuiera sur le dispositif des centres de jour de la protection judiciaire de la jeunesse dès lors que les mineurs à l'égard desquels elles sont prononcées se trouveront déscolarisés et sans possibilité d'insertion. S'agissant des placements judiciaires, les directeurs départementaux de la protection judiciaire de la jeunesse sont notamment chargés de : mettre en place, dans chaque département prioritaire, une cellule de coordination de l'accueil d'urgence ; coordonner l'accueil et le suivi des mineurs qui font l'objet d'un éloignement afin d'éviter toute rupture dans leur prise en charge ; diversifier les modalités d'accueil des mineurs en développant notamment les capacités d'accueil en placement familial, en s'attachant à la situation des moins de 16 ans et en permettant des accueils de rupture. Enfin, l'ordonnance du 2 février 1945 n'excluant pas, comme le souligne très justement l'honorable parlementaire, le prononcé d'une peine lorsque celle-ci s'avère nécessaire, la circulaire du 15 juillet 1998 met l'accent sur le développement du travail d'intérêt général et sur le caractère indispensable d'une adaptation des conditions de détention des mineurs. Dans cette perspective, la carte des établissements pénitentiaires habilités à l'accueil de mineurs sera réexaminée et de nouveaux quartiers, d'environ 20 places, réservés aux mineurs et jeunes majeurs, seront créés ou aménagés, en priorité en Ile-de-France. Par ailleurs, la prise en charge des mineurs incarcérés sera améliorée grâce au renfort de personnels médicaux, socio-éducatifs et d'enseignants. En outre, les éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse assureront un " tutorat éducatif " permettant la mise en uvre, à l'égard des mineurs incarcérés, d'un suivi permanent, exercé, autant que possible, par le même éducateur, quels que soient le nombre et le lieu des incarcérations.

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