Question de M. HAMEL Emmanuel (Rhône - RPR) publiée le 30/07/1998

M. Emmanuel Hamel attire l'attention de Mme le garde des sceaux, ministre de la justice, sur la proposition faite à la page I-26 de l'avis du Conseil économique et social sur le rapport intitulé : " Le rôle des brevets et des normes dans l'innovation et l'emploi ", et adopté lors de la séance du 27 mai 1998 de cette même assemblée, de " moderniser l'arsenal répressif français en matière de contrefaçon compte tenu du renversement de la charge de la preuve opéré par l'accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touche au commerce (ADPIC) et de l'évolution des pratiques ". Il lui demande quelle est sa réaction face à cette proposition et si elle peut lui indiquer quelles sont ses intentions à ce sujet et son jugement sur l'efficacité actuelle de l'arsenal répressif français en matière de contrefaçon.

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Réponse du ministère : Justice publiée le 22/10/1998

Réponse. - Le garde des sceaux, ministre de la justice, précise à l'honorable parlementaire que le renversement de la charge de la preuve opéré par l'accord sur les aspects des droits de la propriété intellectuelle qui touche au commerce (ADPIC) ne concerne pas la matière pénale stricto sensu. L'article 61 de cet accord, consacré au domaine pénal, invite les Etats signataires à faire de la contrefaçon un délit sanctionné par des peines d'emprisonnement et/ou d'amende. Il est aussi prévu que les objets de contrefaçon puissent faire l'objet d'une mesure de confiscation et de destruction. En revanche, l'accord précité est muet sur la question de procédure pénale relative au renversement du fardeau de la preuve. En droit français, quelle que soit la voie judiciaire empruntée, civile ou pénale, il appartient au plaignant de faire la preuve d'une part qu'il est le véritable titulaire d'un droit de propriété intellectuelle et d'autre part de l'existence de faits de contrefaçon lui causant un préjudice direct et personnel. Ces obligations sont d'ailleurs conformes aux dispositions de l'article 52 de l'accord ADPIC. S'agissant de l'efficacité actuelle de l'arsenal répressif français en matière de contrefaçon, il convient de rappeler que, complété par la loi nº 94-102 du 5 février 1994, le dispositif national de lutte contre la contrefaçon va bien au-delà des engagements souscrits par la France dans le cadre communautaire et de l'organisation mondiale du commerce. La loi précitée s'articule autour des trois principaux objectifs suivants. D'abord, elle harmonise et aggrave très sensiblement les sanctions pénales infligées aux contrefacteurs. La peine d'emprisonnement est fixée à deux ans et le montant maximum de l'amende est porté à un million de francs. En outre, elle institue notamment une peine complémentaire de fermeture totale ou partielle, définitive ou temporaire, pour une durée pouvant aller jusqu'à cinq ans, de l'établissement ayant servi à commettre l'infraction. En second lieu, la loi du 4 janvier 1994 accroît singulièrement les pouvoirs de saisie des officiers de police judiciaire. Enfin, elle élargit la compétence des agents des douanes en faisant de la contrefaçon de marque également un délit douanier. En particulier, les contrefaçons sont désormais visées à l'article 38-4 du code des douanes qui fixe la liste des marchandises soumises à des restrictions de circulation au sein de la Communauté européenne. Les personnes détenant ou transportant des marchandises nationales ou communautaires supposées de contrefaçon doivent justifier de la régularité de leur détention en France. A défaut de justification de leur origine régulière, ces marchandises sont réputées avoir été importées en contrebande. En ce sens, le législateur a bien institué un renversement de la charge de la preuve puisqu'il appartient à la personne contrôlée de justifier de la régularité de la détention des marchandises en sa possession. Le même dispositif existe à l'égard des marchandises en provenance des pays tiers à la Communauté européenne. Enfin, l'examen des condamnations pénales prononcées ces dix dernières années sur la base du code de la propriété intellectuelle confirme un très net accroissement de leur nombre du fait que les plaignants utilisent de plus en plus souvent la voie pénale et surtout des peines d'emprisonnement qui ont quadruplé.

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