Question de M. RAFFARIN Jean-Pierre (Vienne - RI) publiée le 02/10/1998

M. Jean-Pierre Raffarin interroge M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement sur les innovations que peut proposer l'Etat aux régions pour faire face aux besoins de financement d'infrastructures routières et autoroutières. Retard des contrats de plan, délégation de maîtrise d'ouvrage, mobilisation des fonds européens, maîtrise des flux de frets... ?

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Réponse du ministère : Équipement publiée le 11/11/1998

Réponse apportée en séance publique le 10/11/1998

M. Jean-Pierre Raffarin. Monsieur le ministre, je suis très heureux que vous soyiez parmi nous pour répondre en
personne à cette question car, je tiens à le signaler, si vos services répondent très rapidement à tout ce qui a trait au
ferroviaire, pour la route, c'est plus dur. (Sourires.) Je vous ai posé dix questions écrites en un an ; j'ai reçu deux
réponses sur le ferroviaire, mais j'en attends encore huit sur la route. Notre discussion n'en sera donc que d'autant plus
profitable.
Chacun le sait, les contrats de plan Etat-régions ont pris un grand retard. On peut imputer au passé beaucoup de ce
retard. On a tout de même quelques inquiétudes car, à considérer les crédits de votre ministère pour 1999, on ne voit
pas tellement comment un tel retard pourra être rattrapé.
Le problème de fond est de savoir comment, pour l'avenir, recrédibiliser la démarche, car le retard est tel que les
acteurs locaux et les usagers doutent même de la capacité à prendre aujourd'hui des décisions en ce qui concerne non
seulement les routes, mais aussi les autoroutes.
Mais j'en viens à mes questions.
D'abord, afin de recrédibiliser la démarche, êtes-vous d'accord pour que l'on puisse solder les participations, au moins à
clés de financement égales ? Je comprends que l'Etat ait des retards de financement. Mais, très souvent, les
collectivités territoriales ont déjà payé et, si l'on s'arrête maintenant, il y aura distorsion, les collectivités locales étant
en avance par rapport à l'Etat. Si l'on veut repartir à zéro, il faut au moins repartir avec des clés de financement
respectées !
On peut concevoir un certain retard, je le répète, mais l'on ne peut pas accepter que l'Etat transfère sur les collectivités
territoriales les engagements qu'il a lui-même pris.
Par ailleurs, et c'est aussi important, on comprend bien que l'Etat, parce que c'est nécessaire, souhaite maîtriser la
dépense publique, et la Haute Assemblée doit d'ailleurs faire des propositions dans ce sens. Mais n'est-il pas possible
d'innover et, à défaut de toujours donner de l'argent, de conférer des libertés ?
Ainsi - mais je vous ai déjà posé cette question par écrit - pour les routes nationales 149, 141 et 147, par exemple,
seriez-vous prêt, monsieur le ministre, à déléguer la maîtrise d'ouvrage aux collectivités territoriales pour des opérations
définies en accord avec l'Etat dont elles assumeraient le financement, mais pour lesquelles l'Etat leur accorderait le
remboursement de la TVA, ce qui permettrait, avec un effort financier, une programmation réelle des différents travaux ?
Une telle procédure serait de nature à donner de la souplesse aux contrats et à crédibiliser la démarche.
Enfin, vous avez pris un certain nombre d'initiatives, en matière de sécurité. Nous apprécions ces initiatives monsieur le
ministre, car il est bien évident que la sécurité n'est pas assurée sur un certain nombre de routes et qu'il convient de
faire des travaux. Ces travaux ne pourraient-ils pas être intégrés dans les contrats de plan Etat-régions ?
En posant cette question, je pensais notamment à la route nationale 10. En effet, si vous avez reconnu que de
nombreux problèmes se posaient au sud de Bordeaux, je note qu'il y a autant d'accidents au nord de cette ville. L'Etat
et les collectivités locales ne pourraient-ils pas discuter de ces problèmes pour, ensemble, définir les priorités et pour
investir ?
En un mot, comment rendre à nouveau crédible la contractualisation entre l'Etat et ses partenaires, les collectivités
territoriales, pour les prochaines échéances ? (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, de
l'Union centriste et du RPR.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Monsieur le sénateur, pour être
précis, vous avez posé dix-neuf questions écrites depuis dix-sept mois, une dizaine depuis le mois de septembre ! Je
relève d'ailleurs que ce n'est pas parce que l'on pose beaucoup de questions que l'on obtient plus...
Mais je veux répondre précisément aux questions que vous me posez aujourd'hui.
D'abord, comme vous l'avez dit, il y a du retard, ce qui ne peut que nous interpeler au regard tant de la démarche
contractuelle que du respect de la parole donnée. C'est une évidence.
A la fin de l'année 1997, après quatre années d'exécution, les contrats Etat-région enregistraient un taux d'exécution
d'environ 57 %. A ce rythme, pour atteindre les 100 %, il aurait fallu non pas un an de plus, comme l'a décidé le
précédent gouvernement, mais trois ans. Je comprends donc votre inquiétude et vos interrogations.
Très honnêtement, rien ne permet aujourd'hui de dire que ces retards pourront être comblés en un an. J'en ai
conscience, et j'ai d'ailleurs déjà expliqué très franchement que nous n'atteindrions un taux de mise en oeuvre des
contrats de plan que de 82 % environ.
Or, la discussion va s'engager sur le futur contrat de plan et sur les schémas de services. Le Gouvernement a décidé
de mettre en oeuvre une véritable politique multimodale et je suis convaincu de recevoir l'appui de la représentation
nationale à propos de l'effort en faveur du transport ferroviaire et du transport combiné. Je souhaite même que cette
option soit mieux prise en compte que par le passé dans les contrats de plan.
Cela étant, je ne vous dirai pas le contraire, monsieur Raffarin : d'importants besoins demeurent en matière routière, que
ce soit en termes de réalisations ou d'aménagements de sécurité.
Des progrès restent à faire pour exploiter les réseaux routiers et autoroutiers au mieux et en complémentarité. De plus,
j'en suis profondément convaincu, la capacité des infrastructures existantes doit être améliorée et des voies nouvelles
sont indispensables.
Face à cette situation, vous me demandez, tout d'abord, si, finalement, la délégation de maîtrise d'ouvrage de l'Etat aux
régions pourrait être une solution. J'ai déjà eu l'occasion de vous répondre sur ce point et je vais donc me répéter : il me
semble qu'une telle procédure ne présenterait pas d'intérêt, ni en termes de délais ni en termes financiers, parce que le
mandataire n'aurait pas accès au paiement direct des entreprises et ne pourrait donc pas récupérer la TVA.
J'ajoute que la maîtrise d'ouvrage de l'Etat ne fait d'ores et déjà pas obstacle à ce que les régions accroissent leur
participation sur les axes qu'elles jugent prioritaires, d'où, là aussi, nécessité de réfléchir aux clés de financement.
Concernant la route nationale 10, là encore, j'ai conscience de ce qui reste à faire dans la partie située au nord de
Bordeaux. Toutefois, je rappelle qu'il existe une différence entre les parties nord et sud. Si, au nord de Bordeaux, les
usagers, notamment les poids lourds, ont le choix entre l'autoroute A 10 et la route nationale 10, au sud de Bordeaux,
dans les Landes, il n'y a pas d'alternative possible.
Le Sénat, dans le cadre d'une commission d'enquête, a lancé des réflexions pour étudier comment améliorer les
infrastructures et le financement, réflexions sur lesquelles je compte d'ailleurs m'appuyer, comme j'ai déjà eu l'occasion
de le dire.
On peut aussi penser que les regards doivent se tourner vers l'Europe.
A cet égard, je dois dire à la représentation nationale que le Gouvernement discute actuellement de la prolongation des
concessions d'autoroutes existantes, qui était réclamée par certains.
Je ne dis pas que c'est la solution miracle, compte tenu des engagements et des décisions qui ont été pris dans le
passé par mes prédécesseurs. Mais j'ai bon espoir de parvenir à une solution équilibrée dont nous connaîtrons les
éléments dans quelque temps.
J'ajoute, comme l'a déclaré le Premier ministre, M. Lionel Jospin, que l'Europe est à même, aujourd'hui, avec des taux
d'intérêt bas, de soutenir la croissance, en offrant, par un grand emprunt européen, aux Etats ou aux régions, les
moyens d'un développement profitable à tous. Nous y travaillons et je compte sur votre soutien.
En résumé, monsieur Raffarin, le Gouvernement est conscient qu'il y a encore beaucoup à faire pour les routes et les
autoroutes tant en matière de sécurité qu'en matière d'augmentation de capacité et de réalisation de voies nouvelles.
Nous allons donc faire en sorte que la discussion sur les contrats de plan et les schémas de services permette de faire
coïncider à la fois la parole de l'Etat, la participation des régions et le respect des engagements pris.
M. Jean-Pierre Raffarin. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Raffarin.
M. Jean-Pierre Raffarin. Je note un point positif dans votre réponse, monsieur le ministre de l'équipement, des
transports et du logement : vous reconnaissez que notre pays a encore des besoins importants en matière
d'infrastructures routières.
A écouter Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement, on peut en douter. Nous comptons
donc sur votre énergie, monsieur le ministren pour imposer votre point de vue au sein du Gouvernement.
Par ailleurs, ne comptez pas sur les collectivités territoriales pour augmenter leur participation si l'Etat diminue la
sienne et s'il ne se produit aucune avancée en matière d'innovation, notamment en ce qui concerne les calendriers et la
maîtrise d'ouvrages déléguée.
Nous sommes donc favorables à une participation accrue des collectivités locales, mais avec une contrepartie. Sans
contrepartie, on ne peut pas espérer de progrès. Il en résulterait en effet des modifications des clés de financement qui
mettraient vraiment en question la décentralisation et les règles applicables aux transferts de charges.

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