Question de M. MOULY Georges (Corrèze - RDSE) publiée le 22/10/1998

M. Georges Mouly attire l'attention de M. le ministre de la défense sur les problèmes que connaît, depuis déjà longtemps, GIAT-Industries et plus particulièrement l'unité de Tulle, en Corrèze, dont le dernier plan social entraîne la suppression de 300 emplois. Il lui demande en conséquence s'il serait possible d'envisager de maintenir sur le site de Tulle les services d'études et de commercialisation, de confirmer la vocation du site dans le domaine du canon de moyen calibre et de lui préciser s'il entend lancer prochainement le programme de véhicules blindés de combat d'infanterie ; s'il est enfin envisagé de mettre en place les compensations nécessaires.

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Réponse du ministère : Défense publiée le 11/11/1998

Réponse apportée en séance publique le 10/11/1998

M. Georges Mouly. Monsieur le ministre, vous le savez, les conséquences du dernier plan social appliqué au site de
GIAT Industries de Tulle, c'est la suppression de 300 emplois, la mise en formation de longue durée de quelque 180
personnes et la fermeture du bureau d'études et du service commercial.
J'ai lu que le plan stratégique, économique et social, dont les objectifs sont fondés sur une évolution positive des
hypothèses commerciales - et, parmi ces hypothèses, en particulier le contrat de vente du char Leclerc à l'Arabie
Saoudite - et sur l'évolution des coûts internes et des gains extérieurs, vise un résultat positif en 2002, au prix sans
doute, ou peut-être, de fermetures de sites et de réductions d'effectifs.
De son côté, le rapport de l'expert économique du comité central d'entreprise met en cause la logique des suppressions
de postes dans le domaine des effectifs de structures. C'est de sa responsabilité.
Ajouterai-je à cela que sont jugés très modiques les moyens tant humains que financiers consacrés à la diversification
?
Ce sont là, monsieur le ministre, des réflexions et des questions que ne manquent pas de faire ou de poser les sites
GIAT Industries, et celui de Tulle en particulier.
Loin de moi la pensée de contester une nécessaire évolution de GIAT Industries - les marchés sont ce qu'ils sont -
mais vous comprendrez, monsieur le ministre, que, s'agissant du site de Tulle, je formule certaines demandes ou
suggestions, et ce en me fondant sur son passé et ses spécificités actuelles.
Ainsi en est-il du maintien sur le site des services d'études et de commercialisation, de la confirmation de ses
compétences dans le domaine du canon moyen calibre, de la mise en route dans les meilleurs délais du programme du
véhicule blindé de combat d'infanterie.
Ces demandes satisfaites - c'est, me semble-t-il, une ambition raisonnable - une évolution ne s'en imposera pas moins.
J'en ai conscience et nous en avons conscience sur le terrain. C'est d'ailleurs pourquoi l'assemblée départementale a
cru pourvoir récemment souhaiter la mise en place de compensations sérieuses et chiffrées pour le secteur
économique de Tulle.
L'évolution du site du chef-lieu de la Corrèze s'est effectuée à ce jour sans heurts majeurs, j'ai vécu cette époque. Cela
est dû au sens des responsabilités de beaucoup, de part et d'autre. Mais il n'en demeure pas moins que la ville et le
bassin d'emplois sont en passe de connaître une situation économique et sociale aux conséquences d'autant plus
importantes que Tulle se situe au coeur d'un département à dominante rurale. C'est dans ce contexte, monsieur le
ministre, que j'ai cru devoir m'adresser à vous de la sorte aujourd'hui.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Alain Richard, ministre de la défense. Monsieur le sénateur, je vous remercie de votre question qui s'inspire,
d'ailleurs, vous l'avez dit, de réflexions de l'assemblée départementale de Corrèze et qui revient sur un problème que
nous connaissons bien.
Comme vous le laissez entendre, le point de départ de ces difficultés, c'est non pas le plan social de GIAT Industries,
mais la faiblesse de ses activités.
Le Gouvernement, voilà maintenant huit ans, a transformé le GIAT, à partir d'arsenaux qui avaient une autre habitude de
fonctionnement, se bornant finalement à répondre à des commandes plus ou moins régulières de la défense, pour en
faire une véritable entreprise.
Cela s'est passé dans le contexte le plus difficile qui soit, puisque cela a correspondu à la période où le niveau des
marchés d'armement terrestre a très fortement baissé. A cet égard, il est bon, je crois, de garder à l'esprit - vous
connaissez bien ces dossiers-là, monsieur le sénateur -, que, globalement, depuis le début de la décennie, le volume
en francs constants des marchés de défense a dû baisser de 25 à 30 %. Or cette baisse n'est pas du tout linéaire entre
les divers métiers de la défense ; l'armement terrestre a connu la plus forte diminution.
GIAT Industries a donc déjà eu du mérite à conserver le niveau d'activité qu'il a eu, compte tenu de la concurrence, qui
est très dure. Quant à procéder à l'adaptation d'anciens arsenaux en une entreprise dans un contexte aussi exigeant,
cela me conduit, personnellement, très fréquemment, à souligner devant nombre d'interlocuteurs, et notamment la
presse, que GIAT a déjà bien avancé dans sa réforme et dans son adaptation.
Certes, il reste qu'aujourd'hui les effectifs et les moyens de production sont nettement disproportionnés par rapport au
marché vraisemblable.
Le plan a été soumis à une longue concertation et à des négociations et il a été conclu définitivement, après un
troisième comité central d'entreprise, appelé à se prononcer le 22 octobre dernier. Il entrera en application le 1er janvier
1999 et s'étalera sur quatre ans, de 1999 à 2002.
J'ai parfaitement conscience que l'application de ce plan, qui est elle-même la résultante d'une situation économique
réelle, va frapper particulièrement durement certains bassins d'emplois, et vous avez tout à fait raison de souligner la
vulnérabilité de Tulle, de ce point de vue.
Généralement, les unités du GIAT sont implantées dans des zones qui ne sont pas les plus favorisées en termes de
flux économiques puisqu'elles sont souvent situées dans des zones de mono-industries ; c'est tout particulièrement le
cas à Tulle.
Les efforts d'accompagnement social du plan doivent donc être importants. Les partenaires sociaux et les élus
territoriaux ont mesuré, je crois, que le Gouvernement allait loin dans le soutien individuel aux salariés touchés par ces
mesures. D'ailleurs, alors que va être soumis au Parlement une disposition visant à réduire le coût des préretraites, j'ai
pu obtenir du Gouvernement, par un effort de solidarité particulier, que les salariés du GIAT, sous statut d'ouvrier d'Etat,
bénéficient d'un départ en préretraite à 52 ans.
Vous avez raison de souligner la nécessité d'un véritable partenariat avec les bassins d'emplois concernés. C'est une
priorité pour le délégué aux restructurations de défense que de travailler au contact des assemblées territoriales, les
conseils généraux et les communes, afin de rechercher des modes de diversification.
Il est prévu aux termes du plan social de créer une nouvelle filiale du GIAT - GIAT Développement - qui sera dotée, par
le Gouvernement, d'un capital spécifique de plusieurs dizaines de millions de francs et dont les activités débuteront le
1er janvier prochain. Il s'agit de tenter d'élargir les activités du GIAT et de permettre à ses salariés de poursuivre leur
activité.
En ce qui concerne les mesures d'accompagnement nécessaires, je veux souligner que le Gouvernement, sur ma
demande, a décidé de porter de deux compagnies à neuf la capacité de formation de l'école de gendarmerie localisée à
Tulle.
Pour ne pas rester dans l'abstraction des chiffres, cela signifie que, d'ici à 2002, cette école comptera 800 élèves
gendarmes supplémentaires. J'ajoute que nous sommes en train de passer, vous le savez, monsieur le sénateur, de
gendarmes auxiliaires, qui sont des appelés avec une solde de 531 francs par mois, à des gendarmes adjoints qui
seront des jeunes professionnels, des volontaires dont la solde est fixée, si je ne me trompe, à 4 686 francs par mois.
L'impact économique de cette mesure pour l'agglomération de Tulle sera donc sensible.
Par ailleurs, nous avons le projet de créer quatre-vingts postes d'encadrement et de soutien administratif
supplémentaires pour cette école qui deviendra un établissement très important. Des travaux devront aussi être réalisés
puisque les locaux actuels de l'école ne sont pas assez grands pour accueillir le nouveau centre de formation.
Les restructurations par lesquelles nous devrons passer ne mettent pas en cause le site du GIAT à Tulle, qui restera
l'une des unités importantes de l'entreprise. Elles seront accompagnées des mesures de soutien que je crois
significatives.
Par ailleurs, dans la mesure où le travail de la région et du département permet de désenclaver progressivement et de
donner des perspectives de développement à la Corrèze, le fonds d'aide aux restructurations de défense et les fonds
d'aménagement du territoire pourront soutenir tous les projets de diversification qui apparaîtront sur le territoire.
M. Georges Mouly. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Mouly.
M. Georges Mouly. Monsieur le ministre, je tiens à vous remercier - ce n'est pas une formule - de votre réponse
précise et substantielle.
J'ai en mémoire le débat sur le projet de loi visant à transformer le GIAT en entreprise ; j'avais d'ailleurs voté ce texte.
J'ai conscience - c'est un constat que l'on ne peut que faire au demeurant et je l'ai souligné dans mon intervention - des
difficultés que connaît actuellement l'industrie de l'armement. On ne fait pas ce qu'on veut en ce domaine.
J'ai donc écouté avec grand intérêt les éléments de votre réponse, qui sont de première importance à mes yeux, en
particulier pour l'élu que je suis du département de la Corrèze.
Je n'ai jamais douté, monsieur le ministre, de la volonté des gouvernements en matière de défense et des secteurs qui
s'y rattachent.
Je n'ai pas davantage douté, j'ai déjà eu l'occasion de vous le dire, de votre propre volonté dans le secteur qui est le
vôtre.
Je note que cette volonté du Gouvernement et la vôtre aboutissent à des résultats que chacun peut apprécier, et que,
pour ma part, j'apprécie, s'agissant notamment de l'extension de l'école de gendarmerie, et des travaux qu'elle induira,
et de l'arrivée de nouveaux gendarmes.
J'ai noté avec intérêt la volonté du Gouvernement de travailler en symbiose avec les collectivités territoriales.
Enfin, j'ai retenu que le site de Tulle était préservé. C'est, vous l'imaginez, appréciable à l'époque où, comme je l'ai dit
dans mon intervention, d'autres sites seront touchés.
Monsieur le ministre, je tiens à vous remercier encore une fois pour cette réponse circonstanciée, substantielle et
intéressante à certains égards.

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