Question de Mme HEINIS Anne (Manche - RI) publiée le 30/10/1998

Mme Anne Heinis attire l'attention de Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité sur le drame familial que constitue la maladie d'Alzheimer. A l'occasion de la Journée mondiale consacrée à cette maladie, le 21 septembre dernier, l'accent a été mis sur le poids de la prise en charge des malades qui repose actuellement presque exclusivement sur l'entourage et la famille, alors que seuls sont remboursés les soins médicaux, à vrai dire, peu coûteux. En réponse à une question posée par l'un de ses collègues sénateur, en avril dernier, M. le secrétaire d'Etat à la santé avait ainsi conclu : " Je vous dirai très franchement que pour le moment, notre pays ne fait pas face à cette affection qui engendre bien des malheurs dans les familles et suscite un désarroi très profond. " En effet, l'hébergement en maison de retraite médicalisée devient souvent inéluctable et le coût en est très élevé, environ 12 000 francs par mois. Certes, une réduction d'impôt peut être accordée, mais seulement pour les personnes de plus de 70 ans et dans la limite de 15 000 francs. Par ailleurs, la prestation spécifique dépendance (PSD), réservée aux personnes de plus de 60 ans, ne peut, en tout état de cause, être attribuée au-delà d'un plafond de ressources (de 11 700 francs pour un couple), ce qui exclut évidemment toute une catégorie de population dont les revenus sont peu supérieurs, mais ne peuvent cependant pas assumer une telle charge. Au moment où le Gouvernement s'engage sur le financement du pacte civil de solidarité dont le coût en allégements fiscaux est estimé entre 6 et 7 milliards de francs par le président de la commission des lois de l'Assemblée nationale, coût auquel il faudra inévitablement ajouter pour les régimes de retraite, celui des pensions de réversion, elle lui demande si ces charges supplémentaires ne sont pas déraisonnables par rapport à une meilleure prise en charge d'un drame qui concerne entre 350 000 et 400 000 personnes et leurs familles.

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Réponse du ministère : Commerce extérieur publiée le 20/11/1998

Réponse apportée en séance publique le 19/11/1998

Mme Anne Heinis. Ma question, qui s'adresse à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité, porte sur le drame
familial que constitue la maladie d'Alzheimer.
A l'occasion de la journée mondiale consacrée à cette maladie, le 21 septembre dernier, l'accent a été mis sur le poids
de la prise en charge des malades, qui repose actuellement presque exclusivement sur l'entourage et la famille, alors
que seuls sont remboursés les soins médicaux, à vrai dire peu couteux par rapport à la prise en charge.
En réponse à une question posée par l'un de nos collègues, M. Vasselle, en avril dernier, M. le secrétaire d'Etat à la
santé avait ainsi conclu : « Je vous dirai très franchement que, pour le moment, notre pays ne fait pas face à cette
affection qui engendre bien des malheurs dans les familles et suscite un désarroi très profond ».
En effet, à un certain stade, l'hébergement en maison de retraite médicalisée devient souvent inéluctable et le coût en
est très élevé, environ 12 000 francs par mois. Ce coût est en effet un peu plus important dans les établissements qui
reçoivent des personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer, car celles-ci nécessitent une surveillance constante.
Certes, une réduction d'impôt peut être accordée, mais seulement pour les personnes de plus de soixante-dix ans et
dans la limite de 15 000 francs.
Par ailleurs, la prestation spécifique dépendance, la PSD, réservée aux personnes de plus de soixante ans, ne peut, en
tout état de cause, être attribuée au-delà d'un plafond de ressources de 11 700 francs pour un couple, ce qui exclut
évidemment toute une catégorie de population dont les revenus sont un peu supérieurs, mais qui ne peuvent cependant
pas assumer une telle charge.
Dans l'état actuel des recensements, le nombre des personnes touchées par la maladie d'Alzheimer est estimé entre
350 000 et 400 000 personnes. C'est important ! Aussi, je comprends bien que le problème de la prise en charge de
ces personnes ne puisse être résolu en une seule fois. Il s'agit d'une maladie invalidante qui, assez rapidement, induit
des phénomènes d'arriération mentale. Il convient donc de s'en préoccuper.
Monsieur le secrétaire d'Etat, ne pourrait-on envisager l'octroi d'aides progressives à l'hébergement, des mesures de
réduction d'impôts plus importantes, ou l'élévation, voire la disparition, des seuils actuels qui limitent les aides de façon
drastique ?
J'ai peine à croire que, à l'heure où l'on envisage de trouver quelque 6 milliards à 7 milliards de francs de crédits pour les
bénéficiaires du PACS - si celui-ci est voté - nous ne puissions pas prévoir un financement pour un début de prise en
charge de ces malades, dont le nombre est malheureusement appelé à augmenter. En effet, cette maladie touche
majoritairement des personnes d'un certain âge et, comme notre population vieillit, tant qu'on n'aura pas trouvé de
thérapie adaptée, le nombre de malades augmentera en proportion.
Monsieur le secrétaire d'Etat, ne serait-il pas possible d'envisager un début de prise en charge des frais considérables
que supportent les familles obligées de garder leur malade chez elles alors qu'elles n'ont pas réellement les moyens de
les soigner, surtout si l'entourage est peu nombreux ? Ces malades ont besoin d'être constamment surveillés et aidés,
et leurs proches se sentent rapidement coupables de ne pas leur apporter tous les soins nécessaires.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jacques Dondoux, secrétaire d'Etat au commerce extérieur. Madame la sénateur, je voudrais d'abord vous
présenter les excuses de Mme Aubry, qui m'a chargé de vous communiquer sa réponse.
Il est vrai, madame la sénateur, que les personnes atteintes de maladies neurodégénératives de type Alzheimer sont
principalement prises en charge par les familles. Environ 500 000 familles seraient concernées. Même si ce problème
ne touche pas que des personnes âgées, la France, comme les autres pays européens, y sera, sauf progrès
thérapeutique majeur, de plus en plus confrontée dans les prochaines années en raison du vieillissement de sa
population.
Comme vous le rappelez, madame la sénateur, il existe des dispositifs d'aide pour ces familles comme pour toute
situation de handicap ou de dépendance. Permettez-moi de vous les rappeler.
Il s'agit d'abord des prestations d'aide sociale, à savoir l'allocation aux adultes handicapés et l'allocation compensatrice,
attribuée lorsque cette forme de handicap frappe une personne avant soixante ans, ce qui, hélas ! est parfois le cas, ou
la prestation spécifique dépendance, la PSD, lorsque cette pathologie affecte une personne ayant soixante ans et plus.
A cet égard, je tiens à vous préciser qu'un couple peut bénéficier d'une aide au titre de la prestation spécifique
dépendance si ses ressources dépassent 11 700 francs, cette somme étant le plafond pour une personne seule.
Les familles peuvent aussi bénéficier des prestations de l'assurance maladie adaptées à la gravité de ces maladies.
Ainsi, une exonération des charges patronales de sécurité sociale est attribuée pour l'emploi d'une aide à domicile dès
lors qu'un malade se trouve dans l'obligation de recourir à l'assistance d'une tierce personne et qu'il bénéficie de
l'allocation compensatrice tierce personne, de la majoration pour tierce personne, de la PSD, d'une pension de retraite
ou d'invalidité ou pour la seule raison qu'il est âgé de soixante-dix ans ou plus.
Vous le savez, ce dernier chef d'exonération en fonction de l'âge fait actuellement l'objet d'une proposition de
modification de la part du Gouvernement dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Il s'agit de
rééquilibrer les exonérations des charges de sécurité sociale afin de favoriser l'intervention de professionnels employés
par les associations d'aide à domicile. Celles-ci bénéficieront désormais d'une exonération à 100 % pour ce type
d'intervention, ce qui augmentera leur capacité d'action en faveur des personnes handicapées ou dépendantes,
notamment celles qui sont atteintes de la maladie d'Alzheimer.
Enfin, des mesures fiscales sont prévues, soit au titre des emplois familiaux, soit à celui de l'hébergement en service
de soins de longue durée ou en maison de retraite médicalisée pour les personne âgées de soixante-dix ans ou plus,
mesures auxquelles peut s'ajouter le bénéfice d'une demi-part supplémentaire pour les personnes titulaires de la carte
d'invalidité.
Ces aides doivent être encore améliorées pour être mieux adaptées au besoin d'aide et aux ressources financières de
la personne.
Au demeurant, des aides financières ne suffisent pas si elles ne peuvent être converties en services de qualité.
Afin de favoriser le maintien à domicile dans les meilleures conditions possibles, il est en effet essentiel d'agir très tôt
pour aider la personne et son entourage, car la charge physique et psychologique de ces pathologies est très lourde
pour les proches.
Il faut aussi que les intervenants à domicile soient suffisamment formés et que des solutions de relais, telles que
l'hébergement temporaire, soient envisagées.
Lorsque leur maintien à domicile devient impossible, ces personnes doivent être assurées d'une prise en charge
adaptée en établissement. Ceux-ci doivent évoluer en conséquence.
Il s'agit d'un défi majeur, que la réforme de leur système de tarification va nous permettre de relever en prenant mieux en
compte l'état des personnes, dans le respect des normes de qualité.
Ainsi, madame Heinis, les pouvoirs publics ont entrepris d'apporter des solutions adaptées à ce problème de santé
publique et à ses répercussions sociales et familiales. Cet effort sera poursuivi et amplifié, notamment à la suite de la
concertation en cours avec le secteur de l'aide à domicile et en réponse aux travaux des conférences de santé.
Mme Anne Heinis. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme Heinis.
Mme Anne Heinis. Monsieur le secrétaire d'Etat, j'ai écouté avec beaucoup d'attention votre réponse, dans laquelle
vous avez énuméré les différents systèmes d'aide, que nous connaissons tous. Permettez-moi de rappeler la réponse
faite par M. Kouchner voilà quelques mois : « Je vous dirai très franchement que, pour le moment, notre pays ne fait
pas face à cette affection qui engendre bien des malheurs dans les familles et suscite un désarroi très profond. »
Je comprends que vous me donniez une réponse administrative, qui est tout à fait exacte d'ailleurs, sur l'état des aides
accordées actuellement, mais c'est précisément parce que ces réponses administratives ne permettent pas de
répondre aux besoins que je me suis permise de poser ma question à Mme le ministre.
Je souhaite attirer son attention sur ce problème très douloureux, car, comme vous l'avez dit, monsieur le secrétaire
d'Etat, les cas risquent malheureusement de se multiplier.
Se pose ainsi le double problème d'une aide à la prise en charge à domicile des intéressés, leurs familles cherchant en
général à les garder le plus longtemps possible, et d'une aide à la prise en charge dans les maisons de retraite
spécialisées lorsque le maintien à domicile n'est plus possible.
Or la question de la qualification et de la formation peut être résolue, et cela relativement facilement, car le nombre des
personnels s'accroît. On constate en effet un certain développement des services d'aide à domicile, des services d'aide
ménagère, etc., et il existe de très nombreux projets de création de nouvelles maisons de retraite adaptées. Je peux
vous dire à cet égard que, si les aides étaient un peu plus importantes et si les conditions de création de ces maisons
de retraites faisaient l'objet d'une étude plus approfondie, celles-ci pourraient être bien plus nombreuses.
Une de ces maisons - elle est d'ailleurs privée - a été créée dans le département de la Manche. Elle rend d'énormes
services, mais, en tout état de cause, le coût mensuel de l'hébergement de la personne est de l'ordre de 12 000 à 12
500 francs, ce qui représente une dépense considérable pour de très nombreux budgets. Cette somme une fois réglée,
il ne reste à l'autre conjoint plus rien pour vivre. Il est en effet assez rare que la maladie touche les deux membres du
couple, et donc lorsque l'un est hébergé, l'autre doit conserver une habitation, régler les dépenses de la vie courante,
aller voir son conjoint, etc. Dans la pratique, les gens n'y arrivent pas.
C'est sur ce problème que je voulais appeler à nouveau l'attention de Mme la ministre, en lui demandant - même si je
comprends très bien que tout ne peut pas être pris en charge dès maintenant - d'étudier la mise en place d'un dispositif
plus large.
En effet, si nos pronostics les plus fâcheux se vérifient, c'est-à-dire si le nombre de malades touchés par la maladie
d'Alzheimer augmente dans les années qui viennent, plus on tardera, plus la situation sera difficile, car les sommes en
jeu seront plus importantes.
Je compte donc sur vous, monsieur le secrétaire d'Etat, pour faire passer mon message auprès de Mme le ministre de
l'emploi et de la solidarité et de M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

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