Question de Mme DERYCKE Dinah (Nord - SOC) publiée le 04/11/1998

Mme Dinah Derycke souhaite attirer l'attention de M. le secrétaire d'Etat à la santé sur le statut des praticiens exerçant dans les centres d'orthogénie. Le décret du 27 mars 1993 confère aux établissements publics de santé la possibilité de recruter des médecins en qualité de praticiens contractuels. L'arrêté du 17 janvier 1995 précise quant à lui le niveau de rémunération des praticiens exerçant des missions spécifiques, comme l'interruption volontaire de grossesse. Or ces mesures réglementaires ne sont que rarement mises en oeuvre. En effet, un grand nombre de médecins exerçant dans les centres d'orthogénie continuent de le faire au titre de vacataire. De ce fait, ils perçoivent une rémunération très faible, n'ont droit ni aux congés payés ni aux congés formation. Il s'agit la plupart du temps de médecins militants, qui ne pourront bientôt plus pallier le manque d'intérêt de leurs collègues pour ce travail mal reconnu. Seuls les hôpitaux de Paris, Tours, Grenoble, Chambéry et, depuis peu, Roubaix ont contractualisé leurs praticiens en centre d'orthogénie. L'exemple de Roubaix lui paraît porteur d'espoir et recèle de nouvelles perspectives. Après une grève de vingt jours, les médecins du centre d'orthogénie du CHU de Roubaix ont obtenu de devenir contractuels et de bénéficier d'une augmentation du nombre de demi-journées de travail ainsi que d'un droit à la formation. Ces dispositions permettront aussi aux praticiens d'exercer une activité préventive. La planficiation prend ainsi une place importante : l'Etat s'est d'ailleurs engagé à financer les heures travaillées pour le compte de la planification en cas de défaillance du conseil général, dont c'est la compétence. Dans le seul département du Nord, 15 centres d'orthogénie attendent l'extension de cette solution à leur cas. Il s'agit simplement d'appliquer les règlements en vigueur, il s'agit surtout de veiller à garantir le droit des femmes. Ces centres, confrontés au désintérêt du corps médical et à une absence de volonté de la part de la hiérarchie administrative hospitalière, voient en effet leurs missions très sérieusement remises en jeu. Constatant l'excellence de l'accord roubaisien, elle souhaite savoir s'il entend prendre des dispositions afin d'étendre cette solution exemplaire à l'ensemble des centres d'orthogénie et lever ainsi les menaces pesant sur leur bon fonctionnement et leur pérennité.

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Erratum : JO du 19/11/1998 p.3726


Réponse du ministère : Santé publiée le 11/11/1998

Réponse apportée en séance publique le 10/11/1998

Mme Dinah Derycke. Je souhaite attirer l'attention de M. le secrétaire d'Etat à la santé sur le statut des praticiens
exerçant dans les centres d'orthogénie.
Le décret du 27 mars 1993 confère aux établissements publics de santé la possibilité de recruter des médecins en
qualité de praticiens contractuels. L'arrêté du 17 janvier 1995 précise quant à lui le niveau de rémunération des
praticiens exerçant des missions spécifiques, comme l'interruption volontaire de grossesse. Or ces mesures
réglementaires ne sont que rarement mises en oeuvre.
En effet, un grand nombre de médecins exerçant dans les centres d'orthogénie continuent de le faire à titre de
vacataires. De ce fait, ils perçoivent une rémunération très faible et n'ont droit ni aux congés payés ni aux
congés-formation. Il s'agit, la plupart du temps, de médecins militants, qui ne pourront bientôt plus pallier le manque
d'intérêt de leurs collègues pour ce travail mal reconnu.
A ce jour, seuls les hôpitaux de Paris, Tours, Grenoble, Chambéry et, depuis peu, Roubaix ont contractualisé leurs
praticiens en centres d'orthogénie. L'exemple de Roubaix me paraît porteur d'espoir et ouvre de nouvelles perspectives.
Après une grève de vingt jours, les médecins du centre d'orthogénie du centre hospitalier universitaire de Roubaix ont
obtenu de devenir contractuels et de bénéficier d'une augmentation du nombre de demi-journées de travail, ainsi que
d'un droit à la formation.
Ces dispositions permettront aussi aux praticiens d'exercer une activité préventive. La planification prend ainsi une
place importante : l'Etat s'est d'ailleurs engagé à financer les heures travaillées pour le compte de la planification en cas
de défaillance du conseil général, compétent en cette matière.
Dans le seul département du Nord, quinze centres d'orthogénie attendent l'extension de la mise en oeuvre de cette
solution à leur cas. Il s'agit simplement d'appliquer les règlements en vigueur, il s'agit surtout de veiller à garantir le droit
des femmes. Ces centres, confrontés au désintérêt du corps médical et à une absence de volonté de la part de la
hiérarchie administrative hospitalière, voient en effet leurs missions très sérieurement remises en cause.
Compte tenu de l'excellence de l'accord roubaisien, je souhaite savoir, monsieur le secrétaire d'Etat, si vous entendez
prendre des dispositions afin d'étendre l'application de cette solution exemplaire à l'ensemble des centres d'orthogénie,
ce qui premettrait de lever les menaces pesant sur leur bon fonctionnement et leur pérennité.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé. Madame le sénateur, je vous remercie d'attirer notre attention sur
le statut de praticiens bien délaissés, ceux qui exercent dans les centres d'orthogénie.
Les dispositions réglementaires permettent effectivement de recruter comme contractuels - ils le demeurent, hélas !
trop longtemps - à temps plein ou à temps partiel, les praticiens pratiquant des interruptions volontaires de grossesse,
les IVG.
Ces dispositions sont d'autant plus nécessaires que, dans les établissements publics de santé, les structures
pratiquant des IVG rencontrent des difficultés pour maintenir et renouveler leurs effectifs de praticiens. En effet, très peu
de praticiens statutaires acceptent d'effectuer des interruptions volontaires de grossesse.
Il est exact qu'encore trop peu d'établissements publics de santé utilisent ces possibilités réglementaires, et je me
félicite comme vous qu'une telle solution ait pu être mise en oeuvre au centre hospitalier de Roubaix, à la suite de la
grève que vous avez évoquée.
Le Gouvernement est conscient des difficultés que pose, là comme ailleurs, le recrutement des personnels. Elles
constituent aujourd'hui un frein à l'égal accès des femmes, sur l'ensemble du territoire, aux centres d'orthogénie.
Ainsi, l'article 76 de la loi de lutte contre les exclusions précise que la mise en place des permanences d'accès aux
soins - les PASS - dans les établissements de santé doit comprendre notamment l'installation de permanences
d'orthogénie adaptées aux besoins des personnes en situation de précarité. Cela signifie, pour le moins, que des
horaires particuliers soient prévus.
Conscients de la diversité des situations locales, conscients de la sous-estimation des difficultés de fonctionnement
des centres d'orthogénie, conscients enfin des disparités d'emploi qui existent entre les praticiens exerçant dans les
établissements de santé, Martine Aubry et moi-même avons chargé le professeur Nisand d'une mission d'étude sur la
situation des centres d'IVG.
Sur la base des conclusions de ce rapport, qui nous sera remis dans quelques semaines, avant la fin du mois de
décembre 1998, le Gouvernement prendra les mesures nécessaires au bon fonctionnement de ces structures. En
particulier, celles-ci devront être adaptées aux attentes des populations les plus démunies.
Il sera alors temps de considérer la situation de l'ensemble des centres d'orthogénie et de dresser un très nécessaire
bilan, dont nous ne manquerons pas de vous faire part, madame le sénateur.
Mme Dinah Derycke. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme Derycke.
Mme Dinah Derycke. Monsieur le secrétaire d'Etat, je suis enchantée de votre réponse. J'ai notamment appris avec
intérêt qu'une mission d'étude remettra bientôt un rapport sur les structures pratiquant l'IVG. Je ne doutais d'ailleurs pas
de votre volonté de revoir le fonctionnement de ces centres.
Vous avez évoqué les « praticiens délaissés », mais il existe aussi des centres délaissés. Peut-être faudra-t-il un jour
faire en sorte que ces services soient pleinement reconnus au sein de l'hôpital et dotés notamment d'un chef de service.
(M. le secrétaire d'Etat opine.)
En effet, je rappelle que le législateur a tranché. Les décrets ont été pris, et il n'est pas normal, dans un Etat de droit,
que l'on ne puisse pas avoir accès concrètement aux droits que la loi a prévus. De plus, l'IVG est une conquête des
femmes, qu'il est de notre devoir de préserver.
Je serai bien entendu très attentive, monsieur le secrétaire d'Etat, à l'évolution de ce dossier.

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