Question de M. GOUTEYRON Adrien (Haute-Loire - RPR) publiée le 22/10/1998

M. Adrien Gouteyron attire l'attention de Mme le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement sur les menaces que fait peser sur l'activité du granulat - et de ce fait sur le bâtiment et travaux publics - le projet de création, en vue de financer la lutte contre les risques naturels d'inondation, d'une redevance portant sur la modification du régime des eaux. Il lui rappelle que, selon les professionnels concernés, il n'est pas démontré que les activités extractives en lit majeur des cours d'eau auraient des incidences sur les risques d'inondation. On peut même se demander si, bien régulées, elles ne concourent pas à la prévention de ces risques. Il lui demande donc, d'une part, de donner son avis sur les arguments avancés par la profession, arguments fondés sur de nombreuses études scientifiques présentes à ses services. Il lui demande, d'autre part, de préciser sa position sur le fait que l'administration prétend d'un côté n'accorder d'autorisations d'exploitation qu'au terme d'une instruction démontrant que les impacts d'exploitation sont maîtrisés, et accompagne toujours son autorisation de prescriptions détaillées propres à garantir ce résultat, et de l'autre voudrait instaurer des redevances au motif que ces impacts ne sont pas maîtrisables.

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Réponse du ministère : Aménagement du territoire publiée le 19/11/1998

Réponse. - Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement a pris connaissance, avec intérêt, de la question concernant les conséquences de la mise en place de la redevance pour modification du régime des eaux (MRE). Le principe d'une redevance de ce type résulte de l'application de la loi sur l'eau de 1946 (article 14) et du décret d'application du 14 septembre 1996 (article 18). En vertu des dispositions de ces textes, les agences de l'eau sont autorisées à percevoir des redevances sur les personnes publiques ou privées, " soit qu'elles contribuent à la détérioration de la qualité de l'eau, soit qu'elles effectuent des prélèvements dans la ressource en eau, soit qu'elles modifient le régime des eaux dans tout ou partie du bassin ". L'objet d'un projet de décret est donc d'instaurer cette troisième redevance, seule l'assiette des deux premières ayant été définie par le décret de 1966. Comme cela a été annoncé à l'occasion du conseil des ministres du 9 septembre dernier, le Gouvernement souhaite mettre en uvre dans notre pays une fiscalité écologique qui permettra une meilleure application du principe polleur-payeur. Dans le domaine de l'eau, la décision a été prise, lors du conseil des ministres du 20 mai 1998, d'appliquer le principe " pollueur-payeur " à l'ensemble des activités susceptibles de perturber le régime des eaux. Ces activités sont celles qui peuvent aggraver les inondations, mais aussi déstabiliser les berges et le fond des cours d'eau, abaisser le niveau des nappes phréatiques ou en accroître la vulnérabilité aux pollutions et contribuer à la dégradation irréversible des écosystèmes aquatiques. A ce titre, les extractions de matériaux en lit majeur, qui fragilisent et peuvent déstabiliser la structure de la rivière (tant au niveau du lit majeur que du lit mineur), sont apparues comme un fait générateur incontestable d'une modification du régime des eaux et dans un certain nombre de cas de risques d'inondation. Cette activité, même conduite avec précaution et suivie d'une remise en état des lieux, crée des excavations plus ou moins importantes dans la vallée, au voisinage des cours d'eau. En cas de crue importante, ces excavations peuvent créer un risque de modification de l'écoulement général de la crue et de déplacement brutal du chenal principal, la succession de plans d'eau auprès de la rivière pouvant constituer, de fait, un prédécoupage pour un nouveau lit. Quand elles existent, les digues de protection de ces plans d'eau peuvent également constituer un obstacle à l'écoulement et contribuer à une réduction du champ d'expansion des crues. En outre, si la crue les franchit, des travaux très importants doivent alors être engagés pour ramener la rivière dans son lit initial lors de la décrue. D'autres effets peuvent également être craints tels que la destruction de la végétation alluviale, la sape des berges en lit mineur, l'abaissement des nappes et des étiages, l'exposition des nappes aux pollutions accidentelles, notamment en période d'inondation, la suppression de la couche de filtrage des eaux de ruissellement. Des actions correctives correspondantes peuvent s'imposer pour restaurer les lits et les berges, reconstituer la ligne d'eau ou pour améliorer la protection des nappes contre les pollutions. Comme l'a indiqué le Conseil d'Etat en 1994, ces actions, comme plus généralement celles qui concernent la prévention des inondations, ne peuvent être financées par les agences de l'eau que grâce à la création d'une redevance spécifique, assise sur les activités évoquées mais également sur toutes celles qui génèrent, d'une façon significative, une imperméabilisation des sols, des modifications hydrauliques ou une réduction du champ d'expansion des crues. Une telle solution, conforme aux principes du système de gestion de l'eau en France, paraît plus équitable que l'utilisation du produit des redevances recouvrées au titre de la pollution ou du prélèvement sur la ressource auprès des consommateurs d'eau ou des activités industrielles. Enfin, la mise en uvre de cette nouvelle mesure sera précédée d'une large concertation avec les représentants des élus et des organisations professionnelles, avec les administrations concernées et au sein des comités de bassin. Elle devra se faire avec progressivité pour atteindre, en début de VIIIe programme des agences de l'eau, le niveau d'environ 3 % du montant actuel des redevances perçues par les agences de l'eau. Les modalités d'intégration de cette mesure dans la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP), dont la création a été annoncée par le Gouvernement le 22 juillet, seront également examinées. Sur le rendement total de cette mesure, estimé à environ 290 millions de francs en valeur actuelle, un peu moins de 12 % concerneraient l'activité d'extraction de granulats et, pour l'essentiel, les bassins de Loire-Bretagne, Rhin-Meuse, Adour-Garonne et Rhône-Méditerranée-Corse. En conséquence, il convient de souligner la très faible incidence financière prévisible de cette mesure sur les entreprises d'extractions de granulats, de même que l'absence de distorsion de concurrence qu'elle provoquera dans une profession dont le marché intérieur est captif.

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