Question de M. MOREIGNE Michel (Creuse - SOC) publiée le 17/12/1998

M. Michel Moreigne attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la pêche sur l'avenir de la politique agricole commune (PAC). La Commission européenne propose une réforme dont l'objectif est de rapprocher l'agriculture européenne des prix pratiqués au niveau mondial. La baisse des prix garantis, notamment de la viande bovine, ne serait compensée que partiellement. Les éleveurs du grand Massif central sont vivement préoccupés par les conséquences prévisibles d'une telle réforme sur la politique d'installation des jeunes agriculteurs et sur l'avenir du maillage territorial des exploitations familiales dont on sait le rôle pour l'équilibre et le développement des zones fragiles du territoire. En effet, le nombre des exploitations familiales risque de chuter brutalement en raison d'une relance de la néfaste " course à l'agrandissement ". Les agriculteurs craignent également que le projet de la Commission de Bruxelles fasse progressivement disparaître les élevages de qualité, à l'herbe, en favorisant l'élevage intensif. Ils souhaitent que des mécanismes de gestion et de régulation du marché de la viande bovine soient maintenus, et qu'une maîtrise de la production s'accompagne d'un renforcement des aides en faveur de l'élevage extensif. Mais l'évolution de l'identité et du rôle social des agriculteurs combinée aux incertitudes d'une phase de profondes mutations bouleverse les repères et accroît les inquiétudes des éleveurs du " bassin allaitant ". Ainsi, relayant ces préoccupations, il lui demande que le projet de réforme de la PAC soit révisé de manière à reconnaître la spécificité du " bassin allaitant " et à assurer la pérennité de l'élevage bovin extensif dont le dynamisme est garant de la cohésion économique et sociale du territoire.

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Réponse du ministère : Agriculture publiée le 25/03/1999

Réponse. - Depuis la parution d'Agenda 2000, la France n'a cessé de marquer sa volonté de voir améliorées substantiellement les propositions de la Commission concernant la réforme de la politique agricole commune. Seul un accord équilibré, négocié dans le cadre d'un projet global relatif au financement du budget communautaire et répartissant équitablement les efforts à consentir entre tous les Etats membres, est susceptible d'emporter l'adhésion du gouvernement. Tout en affirmant l'importance de la fonction productive de l'agriculture, qui reste essentielle, le Gouvernerment considère en effet qu'il faut prendre en considération de nouvelles missions pour traduire, en termes concrets, l'identité agricole européenne : respect de l'environnement, amélioration de la qualité des produits, occupation du territoire et attentes légitimes des consommateurs. Parmi les différents points qui constituent l'ossature des propositions de la Commission dans le secteur de la viande bovine, quatre, essentiels pour la France, retiennent son attention. En tout premier lieu, la baisse des prix de 30 % présentée dans le paquet Santer ne peut constituer une stratégie adaptée au secteur de la viande bovine. Coûteux pour les éleveurs comme pour le budget communautaire, un tel niveau ne se justifie pas au plan économique. Le différentiel de prix avec les pays producteurs de l'hémisphère sud est tel qu'une baisse de prix même de 30 % ne saurait mettre la production communautaire en situation réellement concurrentielle sur le marché mondial. Une baisse des prix, sans doute nécessaire dans ce secteur pour redynamiser la consommation et prévenir d'importants excédents, doit être bien moindre et combinée avec des outils de maîtrise de l'offre. Par ailleurs, le maintien de l'intervention publique constitue un élément indispensable de gestion du marché, sauf à abandonner les éleveurs face aux accidents imprévisibles des échanges mondiaux. S'agissant des modalités de soutien, la compensation partielle prévue par la Commission est très insuffisante pour l'élevage allaitant, dont la situation figure pourtant parmi les plus fragiles. Or, la priorité à l'élevage extensif doit être préservée afin de contribuer à l'amélioration des terroirs, à la protection de l'environnement et à la qualité des productions. Il s'agit d'un des éléments clés de la réforme : la France ne saurait adhérer à un accord qui ne prévoirait pas d'amélioration de la compensation pour le troupeau allaitant. Sur tous ces points, la France attend une réorientation substantielle des propositions de la Commission. Enfin, la très grande latitude laissée par les enveloppes nationales de compensation ne peut qu'être source de graves distorsions entre Etats membres et entre éleveurs, qu'il convient impérativement d'éviter. Globalement, elle refuse les solutions contraires à la dynamique de l'intégration européenne, comme le cofinancement des aides de marché. En revanche, elle est disposée à examiner la réduction dans le temps des aides directes, selon des conditions à déterminer, pour réorienter la dépense agricole, dans le cadre des politiques de développement rural, dans le sens de l'emploi, de l'aménagement de l'espace rural et de la préservation de l'environnement. Cela prépare ainsi la PAC à des échéances décisives telles que les négociations commerciales de l'OMC et l'élargissement, mais aussi aux attentes multiples des agriculteurs et de la société. Ces propositions contribuent également, dans le cadre d'une série de mesures agricoles et non agricoles, à la solution du problème budgétaire et de la négociation globale Agenda 2000.

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