Question de M. BLIN Maurice (Ardennes - UC) publiée le 20/01/1999

M. Maurice Blin attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la pêche sur la réforme du régime de fonds structurels tendant à exclure de ses interventions les scieries agricoles. Les scieries sont parmi les premiers employeurs en milieu rural, notamment dans les zones forestières qui couvrent aujourd'hui 27 % du territoire national. Elles mobilisent une ressource sylvicole abondante et renouvelable mise à la disposition de l'industrie du bois. Pour répondre aux perspectives ouvertes par le rapport Bianco qui pourraient permettre un fort développement de l'emploi en zone rurale, les scieries ont besoin de réaliser de forts investissements. Ceux-ci devraient être accompagnés par les aides notamment communautaires et nationales prévues dans les zones éligibles à ce type d'actions. Dans ces conditions, il est essentiel que la réforme annoncée du régime des fonds structurels européens n'écarte pas du bénéfice de ses interventions, dans son volet sylvicole, les scieries implantées en milieu rural. Comment le ministre compte-t-il intervenir auprès des instances communautaires pour défendre et développer un facteur économique essentiel au développement rural ?

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Réponse du ministère : Équipement publiée le 17/02/1999

Réponse apportée en séance publique le 16/02/1999

M. Maurice Blin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, une réforme du régime des
interventions des fonds structurels européens est en préparation. Elle tendrait, nous dit-on, à supprimer les dotations
pour les investissements en scierie dans les zones qui bénéficiaient jusqu'à présent de ce soutien.
Or, les scieries participent largement à l'équilibre de l'emploi et de l'activité dans les zones rurales. Elles emploient 500
000 salariés et, selon les conclusions du rapport Bianco établi en prévision du projet de loi de modernisation forestière
qui devrait être déposé devant le Parlement cette année, elles pourraient en créer 100 000 autres, à condition que le
système financier actuellement en vigueur soit maintenu.
Je rappelle que la filière bois emploie 2,5 % de la population active, soit plus que la sidérurgie ou l'automobile et qu'elle
assure un chiffre d'affaires de l'ordre de 435 milliards de francs.
Le sciage nécessite des investissements lourds : 1 franc d'investissement pour 1 franc de chiffre d'affaires. Les
entreprises à caractère familial, qui sont les plus nombreuses, n'ont que peu de fonds propres et disposent d'une marge
insuffisante, en raison de la pression de la concurrence internationale, pour investir à la hauteur de l'enjeu que
représente la mobilisation d'une ressource forestière qui recouvre plus de 27 % de notre territoire.
Malgré ce handicap, ce secteur reste l'un des plus dynamiques puisque les montants investis grâce aux aides
européennes, nationales ou régionales ont été de 530 millions de francs en 1994, 611 millions de francs en 1995 et 701
millions de francs en 1996 pour les entreprises de six salariés et plus.
Sans un concours externe, qui représente en moyenne 13 % à 20 % de l'investissement, les banques, qui constituent
l'unique source de financement hors subvention, refusent aujourd'hui de s'engager, en raison des difficultés financières
provoquées par les crises qui ont, hélas ! secoué le secteur en 1992, en 1993 et en 1996.
Pourtant, ce secteur dispose d'atouts considérables du fait du travail important accompli auprès des prescripteurs pour
développer l'emploi du bois, matériau de confort et renouvelable. Ces atouts pourraient générer un fort courant
d'investissement.
Pour terminer, je présenterai trois brèves observations.
Tout d'abord, le maintien du soutien de l'Union européenne dont le sciage a bénéficié jusqu'ici est d'autant plus légitime
que cette dernière affecte une aide aux pays de l'Europe de l'Est candidats à l'entrée dans l'Union et dont les
entreprises sont directement concurrentes des nôtres.
Ensuite, plusieurs pays européens - la Suède, la Finlande, l'Allemagne et l'Autriche - pratiquent une politique en
trompe-l'oeil : pas d'aide à l'intérieur de leurs frontières mais une aide à l'extérieur. Leurs industries ont en effet toutes
les facilités, outre la proximité, pour acquérir les entreprises implantées dans les pays d'Europe centrale et orientale et
conforter de ce fait leur place en Europe.
Enfin, la France consacre, selon le rapport Bianco, entre quatre et dix fois moins d'argent public à sa forêt que
l'Allemagne ou la Suisse. Avec ou sans l'appui de l'Europe, elle devra de toutes les manières accroître son effort
financier d'environ 1 milliard de francs au bénéfice de la filière bois.
Cet effort trouverait naturellement sa place, me semble-t-il, dans les prochains contrats de plan Etat-région. Le
Gouvernement est-il prêt à l'entendre ? Telle est la question que je souhaitais vous poser, monsieur le ministre.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Monsieur le sénateur, c'est bien
volontiers que je vous réponds à la place de M. Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche, qui, à l'heure présente,
est au Conseil supérieur d'orientation pour la pêche à son ministère.
L'activité de sciage, qui emploie environ 18 000 personnes, contribue grandement au maintien d'un tissu rural vivant et
dynamique. Elle permet par ailleurs de valoriser l'importante ressource forestière de notre pays et elle fournit un
matériau renouvelable dont l'utilisation est très profitable à la collectivité. C'est pourquoi le ministère de l'agriculture et
de la pêche, par le biais de divers mécanismes - aide aux investissements matériels et immatériels, financement de la
recherche liée au matériau bois et de la promotion de l'utilisation du bois dans la construction - favorise le
développement de cette filière.
La Communauté européenne intervient également pour le développement de cette filière, dans le cadre des objectifs 5
a, visant à accélérer l'adaptation des structures agricoles, et 5 b, tendant à promouvoir le développement des zones
rurales, grâce aux fonds structurels.
Dans le cadre de l'objectif 5 a, qui s'applique à toute la France, la communauté cofinance l'aide à la mécanisation de
l'exploitation forestière qui est attribuée par le ministère de l'agriculture et de la pêche. Les scieries sont toutefois
exclues du bénéfice des fonds structurels relevant de l'objectif 5 a.
Dans le cadre de l'objectif 5 b, qui concerne environ la moitié du territoire national, la communauté cofinance l'aide à la
modernisation des scieries attribuée par le ministère de l'agriculture et de la pêche et par certains conseils régionaux.
Ces aides permettent à un secteur actuellement peu rentable de réaliser mieux et plus vite les investissements souvent
lourds, dont il a besoin pour se développer.
Dans le cadre de la réforme générale de la politique agricole commune, la Commission européenne a proposé un
nouveau règlement relatif aux interventions du FEOGA, le Fonds européen d'orientation et de garantie agricole, en
matière de développement rural, qui regroupe l'ensemble des mesures précédemment réparties dans de nombreux
règlements. Les objectifs 5 a et 5 b n'y sont plus distingués, et la rédaction actuelle exclut totalement les scieries du
bénéfice des aides du FEOGA, car elle reprend en fait celle de l'ancien objectif 5 a.
Cette situation paraît inacceptable, tant la contribution des scieries au développement rural est importante, au même
titre que celle des industries agricoles et alimentaires.
C'est pourquoi, aussi bien dans les groupes de travail de la commission que du conseil, la délégation française, lorsque
ce sujet est abordé, intervient pour demander que les scieries soient réintégrées dans le règlement relatif aux
interventions du FEOGA en matière du développement rural.
De plus, lors de la réunion informelle des ministres de l'agriculture organisée par la présidence autrichienne à
Saint-Wolfgang du 20 au 22 septembre 1998, M. Louis Le Pensec, prédécesseur de M. Jean Glavany a
personnellement évoqué ce sujet dans les termes suivants : « Je souhaite relever un paradoxe : l'Union européenne
participe au financement des installations de transformation de produits agricoles mais omet les industries de première
transformation du bois. Cet oubli m'apparaît regrettable alors même que des soutiens modestes à des petites et
moyennes entreprises pourraient, en valorisant la production, renforcer la viabilité de cette filière et créer des emplois,
en particulier dans les zones rurales fragiles. »
Une suite positive n'a pas encore été donnée à cette demande, mais les services du ministre de l'agriculture et de la
pêche poursuivent leurs interventions pour obtenir le maintien des aides aux scieries dans les dispositifs
communautaires en faveur du développement rural, comme vous le souhaitez, monsieur Blin.
M. Maurice Blin. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Blin.
M. Maurice Blin. Monsieur le ministre, je suis satisfait de constater la détermination du Gouvernement s'agissant de la
défense d'un dossier qui me paraît d'une importance capitale, en particulier pour l'avenir de l'emploi en milieu rural, le
plus rare et le plus difficile, très souvent, à maintenir.
Pour que cette détermination trouve son écho et toute son efficacité, j'ajouterai simplement qu'il me semblerait
souhaitable que la loi sur la modernisation forestière, dont l'élaboration devrait suivre le rapport Bianco, rapport au
demeurant plein d'intérêt, soit examinée et présentée au Parlement dans les plus brefs délais.

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