Question de M. GÉRARD Alain (Finistère - RPR) publiée le 27/01/1999

M. Alain Gérard appelle l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur la nécessité de reconnaître, à titre exceptionnel, le caractère de catastrophe naturelle à la tempête d'une violence extrême qui s'est abattue sur le port de Loctudy dans la nuit du 20 décembre 1998, détruisant toute la flotille des bateaux de pêche et endommageant les navires de plaisance. Le fait que la tempête soit depuis 1990 un événement naturel assurable ne saurait dispenser l'Etat de toute intervention, dès lors qu'on est en présence d'un agent naturel d'intensité anormale. Reconnaître à titre exceptionnel le caractère de catastrophe naturelle à la tempête du 20 décembre 1998 - comme ce fut le cas pour celle d'octobre 1987 restée dans beaucoup de mémoires - permettrait d'indemniser les dommages matériels et immatériels subis au-delà de la couverture des risques déjà prévue contractuellement pour les véhicules maritimes.

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Réponse du ministère : Outre-mer publiée le 17/02/1999

Réponse apportée en séance publique le 16/02/1999

M. Alain Gérard. Dans la nuit du 20 décembre 1998, vers cinq heures du matin, une tempête d'une rare violence, avec
des vents enregistrés à plus de 170 kilomètres à l'heure, a frappé le port de Loctudy, dans le Finistère. Plusieurs
témoins ont décrit une véritable scène d'Apocalypse : le vent soulevait les bateaux et les projetait les uns contre les
autres.
Cette tempête a également occasionné de très gros dégâts dans d'autres ports finistériens, tels Sein, Douarnenez,
Roscoff et Le Tinduff.
S'agissant du port de Loctudy, quarante-quatre bateaux de pêche, canots et navires côtiers ont été endommagés. Le
montant des dégâts subis par les bateaux a été évalué à 5 millions de francs. Quatre-vingt-dix patrons et matelots ne
peuvent plus exercer leur métier par suite de l'immobilisation pour réparation de leur navire ou d'une sortie de flotte. Les
installations du port de plaisance ont été également durement frappées puisque le montant des dégâts est évalué à 4
millions de francs.
Comme nous le savons, la garantie pour catastrophe naturelle est écartée pour des véhicules maritimes, car on
considère, dans leur cas, qu'elle est assimilée à un risque ordinaire et donc déjà prévue contractuellement.
L'application de cette réglementation conduit à priver la tempête qui s'est abattue de la reconnaissance du caractère de
catastrophe naturelle.
Véritable poumon de l'économie locale, le port de pêche - donc les marins - de Loctudy a subi un préjudice très
important, et les ressources des pêcheurs se voient sérieusement compromises pour une longue période.
De l'avis des experts, la conjugaison de la direction nord, nord-est des rafales avec la marée haute et l'intensité
inattendue de la tempête expliquent l'ampleur exceptionnelle des dommages causés. Il y a donc bien une situation
exceptionnelle, face à laquelle il me paraît légitime de trouver des réponses exceptionnelles.
Je rappelle que la tempête du mois d'octobre 1997, qui avait eu des conséquences un peu similaires, avait été reconnue
comme catastrophe naturelle. Je souhaite donc savoir si l'Etat est aussi soucieux qu'hier de venir en aide à ceux que la
tempête a durement éprouvés et quel dispositif il entend mettre en place pour que les marins-pêcheurs puissent être
rapidement secourus, au-delà des simples garanties contractuelles, lorsque, d'évidence, c'est tout un pan de l'économie
locale qui se trouve durement touché.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer. Monsieur le sénateur, vous venez de rappeler les
circonstances de la tempête qui a touché le port de Loctudy, le 20 décembre dernier, et qui a détruit des bateaux de
pêche et des bateaux de plaisance. Mme Lebranchu, élue proche de ce secteur, évoquait d'ailleurs ce point avec moi,
tout à l'heure.
Vous souhaitez voir reconnaître à titre exceptionnel l'état de catastrophe naturelle, comme ce fut le cas en 1987. Mais,
depuis cette date, est intervenue la loi du 25 juin 1990, qui modifie le code des assurances. Cette loi stipule que les
contrats d'assurance garantissant les dommages d'incendie à des biens situés en France ainsi qu'au corps des
véhicules terrestres à moteur ouvrent droit à la garantie de l'assuré contre les effets du vent dus aux tempêtes,
ouragans et cyclones sur les biens faisant l'objet de tels contrats.
En conséquence, depuis l'entrée en vigueur de la loi, les dommages causés par les effets du vent ne peuvent donner
lieu à indemnisation dans le cadre d'une reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle. En outre, sont également
exclus du bénéfice de l'indemnisation les navires, en mer comme dans les ports.
Tel est l'état de la législation. Cette dernière ne permet donc pas d'envisager, dans les conditions que vous indiquiez, la
prise en compte de la notion de catastrophe naturelle. Néanmoins, la procédure de reconnaissance de l'état de
catastrophe naturelle s'applique aux dommages et aux chocs mécaniques liés à l'action des vagues, uniquement si
ceux-ci concernent des biens terrestres. Un dossier a été élaboré par le préfet du Finistère. Il a été soumis le 11 février
à la commission interministérielle chargée de constater l'état de catastrophe naturelle. La commission a souhaité
recueillir des éléments supplémentaires, et le dossier devrait être réexaminé le 10 mars.
J'ajoute enfin que l'Etat est intervenu auprès des compagnies d'assurances et des collectivités locales pour faciliter
l'indemnisation des dommages causés aux navires et l'application de mesures sociales en faveur des salariés.
Tels sont, monsieur le sénateur, les éléments de réponse que je souhaitais vous apporter.
M. Alain Gérard. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Gérard.
M. Alain Gérard. Je vous remercie des précisions que vous venez de m'apporter, monsieur le secrétaire d'Etat. Je
regrette néanmoins que les navires se trouvant dans le port, à l'eau, ne puissent pas bénéficier des mêmes
dispositions. Il suffirait qu'ils soient sur le quai, en réparation, par exemple, pour donner lieu à une indemnisation.
J'avoue qu'il y a là un peu d'incohérence, le garage du bateau étant tout naturellement le port. Or, une voiture se trouvant
sur un parking et n'ayant rien à faire là est indemnisée. C'est pourquoi j'ai attiré l'attention du Gouvernement sur le
caractère exceptionnel de cette situation.
Votre réponse ne me satisfait pas pleinement, monsieur le secrétaire d'Etat. Je déplore que les navires présents dans
le port ne puissent faire l'objet d'une indemnisation légitime. J'aurais souhaité - et j'insiste sur ce point - que, comme en
1987, le caractère de catastrophe naturelle soit enfin reconnu. Peut-être aurions-nous pu alors trouver quelques
dispositions pour répondre aux attentes des marins-pêcheurs.

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