Question de M. CHARASSE Michel (Puy-de-Dôme - SOC) publiée le 04/02/1999

M. Michel Charasse indique à Mme le garde des sceaux, ministre de la justice, qu'à la suite des récentes déclarations du ministre de l'intérieur sur la sécurité intérieure et les problèmes des mineurs délinquants, plusieurs agents de l'Etat, ayant la qualité de magistrat du siège ou du parquet, et s'exprimant es-qualité - filmés parfois par la télévision jusque dans leur cabinet du palais de justice -, ont commenté les déclarations du ministre, la plupart du temps d'ailleurs pour les critiquer et pour combattre ses projets. Les intéressés, en participant activement aux polémiques sur les sujets en cause, se sont donc comportés, en la circonstance, comme d'ailleurs dans bien d'autres occasions, comme s'ils étaient entièrement libres d'apprécier, de commenter et de critiquer la politique du Gouvernement, et comme s'ils participaient directement à la confection de la loi. Dans ces conditions, il lui demande de bien vouloir lui faire connaître : 1º depuis quand, et en vertu de quel texte, qui ne pourrait que résulter d'une révision de la Constitution, les agents de l'Etat soumis au statut des magistrats ont le droit de participer, es-qualité, à un débat législatif, alors que cette prérogative ne relève, jusqu'à plus ample informé, que du Gouvernement et du Parlement ; 2º comment ces nombreuses prises de position publiques, qui ne leur ont été demandées par aucune autorité qualifiée, peuvent-elles se concilier avec les devoirs statutaires des magistrats, et notamment le devoir de discrétion, de réserve et de neutralité qui, jusqu'à plus ample informé, est lui aussi toujours en vigueur, sauf s'il a été abrogé en catimini ; 3º dans l'hypothèse où les textes ci-dessus rappelés seraient toujours en vigueur, quelles conséquences elle pense tirer, sur le plan disciplinaire, de ces manquements graves et, plus généralement, quelle est sa conception de la responsabilité des magistrats - élément important des réformes en cours - et du devoir de réserve, de discrétion et de neutralité qu'ils sont tenus d'observer, mais dont ils se dispensent de plus en plus sans, apparemment, encourir la moindre sanction.

- page 344


Réponse du ministère : Justice publiée le 15/07/1999

Réponse. - Le garde des sceaux, ministre de la justice, fait connaître à l'honorable parlementaire que l'obligation de réserve incombant aux magistrats en vertu de l'article 10 de l'ordonnance nº 58-1270 du 22 décembre 1958 modifiée portant loi organique relative au statut de la magistrature ne constitue pas une obligation au silence, les magistrats bénéficiant, comme tous les citoyens, des libertés d'opinion et d'expression qui sont les corollaires de leur indépendance. L'obligation de réserve ne fait pas obstacle en particulier à ce que les magistrats expriment, dans le cadre notamment de l'exercice de leurs droits syndicaux, des opinions sur la législation en vigueur ou en préparation. Selon la jurisprudence dégagée par les instances disciplinaires au cours des dernières années, l'obligation de réserve impose aux magistrats de s'exprimer de façon prudente et mesurée, de s'abstenir de toute expression outrancière qui serait de nature à faire douter de leur impartialité ou à porter atteinte au crédit et à l'image de l'institution judiciaire. Au regard de ces principes, il n'est pas apparu que les récentes prises de position d'un certain nombre de magistrats à l'égard de la politique menée par le ministre de l'intérieur constituent des manquements à l'obligation de réserve.

- page 2439

Page mise à jour le