Question de M. HAMEL Emmanuel (Rhône - RPR) publiée le 16/09/1999

M. Emmanuel Hamel attire l'attention de Mme le garde des sceaux, ministre de la justice, sur le programme national de prévention du risque suicidaire dans les prisons élaboré en 1996 par un groupe de travail de l'administration pénitentiaire, expérimenté en 1997 dans onze établissements pénitentiaires et généralisé en mai 1998, analysé page 11 du journal Le Monde du 2 juin 1999. Il lui demande si elle peut lui indiquer quel est à ce jour le bilan de la mise en place de ce programme et aimerait savoir si le nombre de suicides de détenus a diminué depuis deux ans dans les établissements pénitentiaires. Quelles mesures sont prises pour en réduire le nombre qui a plus que doublé en dix ans.

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Réponse du ministère : Justice publiée le 25/05/2000

Réponse. - Le garde des sceaux, ministre de la justice, fait connaître à l'honorable parlementaire qu'elle porte une attention toute particulière au problème du suicide en détention. Depuis 1990, l'administration pénitentiaire est confrontée à une augmentation sensible du nombre de suicides en milieu carcéral. Le taux pour 10 000 détenus est passé de 11,81 en 1990 à 21,31 en 1998. Après avoir atteint le nombre de 138 suicides en 1996, on constate une légère baisse en 1997 et 1998, respectivement 125 et 119 cas de suicide. Au 31 décembre 1999, 125 détenus s'étaient donné la mort en établissement pénitentiaire. Afin d'apporter une réponse adaptée à ce problème, un groupe de travail a été constitué. Il s'est d'abord attaché à définir les principes généraux d'une politique de prévention fondée sur le respect de la personne suicidaire. Il a ensuite consacré ses études à l'analyse des données sociodémographiques et des analyses cliniques de la psychopathologie suicidaire afin de déterminer les personnes, les lieux et les moments à risque. Sur la base de son rapport, un plan d'action a été défini en 1997 rassemblant à la fois des mesures d'application immédiate édictées par voie de circulaire (I) et un programme expérimental (II). I. La circulaire du garde des sceaux de mai 1998 comporte le rappel de dispositions réglementaires et la mise en uvre de mesures nouvelles de nature à avoir un impact sur la prévention : le détenu arrivant doit être informé sur son parcours carcéral tant par le greffe judiciaire que par le personnel de direction et les travailleurs sociaux le plus rapidement possible ; dès l'arrivée, il est mis en mesure de prendre une douche et d'assurer son hygiène corporelle par la mise à disposition d'un nécessaire de toilette et de linge de corps ; pendant la détention, une observation particulière des détenus présentant un risque suicidaire important doit être assurée notamment la nuit. Les détenus commettant un acte auto-agressif (auto-mutilation, grève de la faim, tentative de suicide) font l'objet d'une prise en charge globale fondée sur le dialogue, l'observation et un suivi somatique. Le taux de suicides au quartier disciplinaire étant nettement plus élevé que dans le reste de la détention, il a été rappelé que le placement en prévention devait être exceptionnel ; il a été également demandé de veiller à une prise en charge individualisée, rapide et globale des personnes concernées. Des actions complémentaires sont ainsi engagées à l'égard de leur famille, de leurs codétenus et des personnels présents au moment du passage à l'acte. II. Dans le cadre du programme expérimental, 11 sites pilotes ont été retenus en fonction de leur répartition sur le territoire national, de leur catégorie, de leur taille, du nombre des suicides perpétrés ces dernières années et du contexte local. Tous les types d'établissements étaient représentés afin que l'évaluation de l'expérience puisse servir de base à l'éventuelle généralisation du dispositif. Ces établissements ont construit leur dispositif sur la base de trois axes de travail : en matière d'accueil, il a été décidé de formaliser une procédure d'accueil individualisé, de rédiger une plaquette d'information du détenu et de développer les relations avec les associations spécialisées ; sur le plan de l'observation, chaque site devait engager une réflexion sur l'amélioration de la prévention et du suivi des détenus présentant un risque suicidaire ; enfin, l'organisation des quartiers disciplinaires devait être repensée : réorganisation du service des agents, désignation d'un premier surveillant référent, procédure particulière de mise en prévention et mise en conformité des cellules avec les règles d'hygiène et de sécurité. Ce dispositif a fait l'objet d'une évaluation sur un mode original. Un comité national d'évaluation a été constitué en septembre 1998. Il était non seulement composé de représentants des différentes catégories des personnels pénitentiaires : chefs d'établissement, correspondants régionaux, conseillers d'insertion et de probation, psychologue, magistrat, premier surveillant et surveillants, mais également d'un médecin, d'une infirmière et d'un responsable associatif. Il s'agissait ainsi de prendre pleinement en compte la complexité du suicide et de souligner la nécessité d'une action conjointe de la direction générale de la santé et de l'administration pénitentiaire. Ce comité a rendu ses conclusions en mai 1999 et a observé que, même partielle, l'expérimentation a démontré la pertinence des orientations retenues. En conclusion, il a proposé de généraliser le dispositif aux établissements pénitentiaires connaissant un fort taux de suicides. L'analyse partielle des suicides survenus au 1er décembre 1999 a permis de dégager plusieurs thèmes de travail. D'une part, il convient d'approfondir les études réalisées en 1996, par la définition de nouveaux outils statistiques et un recensement précis des expériences étrangères. D'autre part, il a été décidé de renforcer les actions concernant la prise en compte des familles des personnes décédées et de réfléchir aux conditions et au régime de vie des quartiers disciplinaires eu égard à l'augmentation du nombre de suicides dans ces lieux. D'ores et déjà, au titre des mesures nouvelles, vingt-cinq millions de francs seront consacrés à l'amélioration des conditions de vie des personnes incarcérées en 2000 dont une partie financera le programme de prévention du suicide. En matière de ressources humaines, six emplois de surveillants seront créés à la maison d'arrêt de Fleury-Mérogis afin d'améliorer l'accueil des détenus. Cinq psychologues seront recrutés dans les maisons d'arrêt de Fleury-Mérogis, Marseille-Baumettes, Paris-La Santé, Fresnes et Loos. Ils assureront une mission de soutien aux personnels de surveillance dans leurs missions quotidiennes notamment dans la prise en charge des détenus présentant des troubles du comportement. Dix emplois de premier surveillant seront créés afin de renforcer l'encadrement des personnels en service de nuit et rendre ainsi plus efficace l'action des secours en cas de passage à l'acte suicidaire. Par ailleurs, 2,8 millions de francs ont été prévus sur le budget de l'administration pénitentiaire pour l'amélioration matérielle des quartiers sensibles et pour les actions de sensibilisation du personnel et de prise en charge des détenus, notamment au moment de leur incarcération.

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