Question de M. HAMEL Emmanuel (Rhône - RPR) publiée le 23/03/2000

M. Emmanuel Hamel attire l'attention de Mme le garde des sceaux, ministre de la justice, sur le rapport de la commission sur l'amélioration du contrôle extérieur des établissements pénitentiaires, qui lui a été remis le 6 mars dernier, analysé aux pages 25 et 26 du Bulletin quotidien du 8 mars 2000 et dans lequel la commission l'invite " à édicter, par voie circulaire, des directives générales aux parquets sur la politique pénale concernant les infractions commises en prison, ainsi que sur les suicides et les décès qui y surviennent. " Il aimerait savoir si elle entend édicter une telle circulaire. Quand le sera-t-elle et quel sera son contenu. Dans l'espoir d'atteindre quels objectifs ?

- page 1027


Réponse du ministère : Justice publiée le 21/12/2000

Réponse. - La garde des sceaux, ministre de la justice, fait connaître à l'honorable parlementaire sa volonté de voir les infractions commises en milieu carcéral recevoir, tout comme les infractions commises sur l'ensemble du territoire national, une réponse pénale rapide et adaptée et rappelle à l'honorable parlementaire l'attention toute particulière portée au problème du suicide en détention. Concernant en premier lieu la conduite de l'action publique pour les infractions commises en milieu carcéral, que ce soit au préjudice des détenus ou des personnels qui y travaillent, il importe de préciser que les établissements pénitentiaires ne constituent en aucun cas une zone de non-droit et que les procureurs de la République territorialement compétents y exercent pleinement l'ensemble des pouvoirs qui leur sont dévolus quant à la recherche et à la poursuite des infractions pénales. Ainsi les plaintes, dénonciations et signalement relatifs à des faits survenus en détention et susceptibles de recevoir une qualification pénale font-ils l'objet d'une enquête systématique dès lors qu'ils sont portés à la connaissance du procureur de la République. Pour la conduite de ces enquêtes, les officiers de police judiciaire agissant sous la direction et l'autorité du procureur de la République instrumentent leurs procédures conformément aux dispositions du code de procédure pénale. En effet, la circonstance que le lieu de commission de l'infraction soit un établissement pénitentiaire ne constitue pas un obstacle à l'accomplissement de l'ensemble des actes de police judiciaire nécessaires à la manifestation de la vérité, qu'il s'agisse de perquisitions, de saisies, de prélèvement dans le cadre d'opérations de police scientifique, de réquisitions en vue d'un examen médical, pour rechercher par exemple toute trace de violences ou d'atteintes sexuelles, d'auditions et même d'extraction de détenus en vue d'un placement en garde à vue dans des locaux de la police nationale ou de la gendarmerie nationale. Toutefois, certaines infractions méritent une attention particulière. Ainsi, les violences commises en milieu carcéral justifient tout particulièrement une réponse judiciaire ferme et rapide. D'une part, les personnels pénitentiaires, qui accomplissent leur mission dans des conditions difficiles, ne doivent pas être exposés à des violences perpétrées par des détenus. D'autre part, les personnes incarcérées doivent exécuter leur privation de liberté dans des conditions strictement conformes à la loi et à la dignité de la personne humaine, qui excluent tout recours illégitime à la force. Les procureurs de la République veillent en conséquence à ce qu'il leur soit rendu compte sans délai de la survenance de tels faits, diligentent les enquêtes nécessaires, en se déplaçant sur les lieux lorsque la situation leur paraît le commander, et appliquent en ce domaine les principes du traitement en temps réel des procédures pénales, au besoin en recourant à la procédure de comparution immédiate. Par ailleurs, afin de lutter contre la consommation de drogues au sein des établissements pénitentiaires, les procureurs de la République ont été invités à mettre en uvre des opérations de contrôle lors du déroulement des parloirs, en lien avec les services pénitentiaires compte tenu du retentissement possible de telles opérations sur le climat en détention. Il a été fixé un cadre juridique précis pour le déroulement de ce type d'opérations, qui ne peuvent s'exercer que sous la direction du procureur de la République, sur le fondement des articles 41, alinéa 1 et 78-2, alinéa 2 du code de procédure pénale. Une méthodologie rigoureuse a été préconisée, tenant au choix du lieu, à la durée des opérations, et à l'information qui doit être dispensée en direction des détenus et des visiteurs. En second lieu, l'augmentation des suicides en détention a conduit le ministère de la justice à mettre en place plusieurs dispositifs de nature à mieux appréhender ce phénomène. Sur la base du rapport d'un groupe de travail, un plan d'action a été défini en 1997 rassemblant à la fois des mesures d'application immédiate édictées par voie de circulaire (I) et un programme expérimental (II). I. La circulaire du garde des sceaux du 29 mai 1998 comporte le rappel de dispositions réglementaires et la mise en uvre de mesures nouvelles de nature à avoir un impact sur la prévention. Le risque de passage à l'acte étant plus important dans les jours suivant l'incarcération, cette circulaire prévoit d'informer le détenu arrivant sur son parcours carcéral, de le mettre en mesure de prendre une douche et de favoriser son hygiène corporelle et plus généralement de favoriser un temps d'échange avec la personne incarcérée afin de repérer rapidement une situation particulière et de limiter l'angoisse générée par la perte des repères. Elle préconise également d'assurer pendant la détention, une observation particulière des détenus présentant un risque suicidaire important, notamment la nuit et, à l'égard des détenus commettant un acte auto-agressif, quelle qu'en soit la nature (automutilation, grève de la faim, tentative de suicide), une prise en charge globale fondée sur le dialogue, l'observation et un suivi somatique. Le taux de suicides au quartier disciplinaire étant nettement plus élevé que dans le reste de la détention, il a été rappelé que le placement préventif en cellule disciplinaire prévu par l'article D 250-3 du code de procédure pénale devait être exceptionnel. Enfin, cette circulaire propose un dispositif innovant d'attention sur la période suivant une tentative de suicide réussie ou non, procédure s'appliquant tant à l'égard des détenus que des personnels de surveillance. II. Dans le cadre du programme expérimental, onze sites pilotes ont été retenus en fonction de leur répartition sur le territoire national, de leur catégorie, de leur taille, du nombre des suicides perpétrés ces dernières années et du contexte local. Tous les types d'établissements étaient représentés afin que l'évaluation de l'expérience puisse servir de base à l'éventuelle généralisation du dispositif. Ces établissements ont construit leur dispositif sur la base de trois axes de travail : en matière d'accueil, il a été décidé de formaliser une procédure d'accueil individualisé, de rédiger une plaquette d'information du détenu et de développer les relations avec les associations spécialisées ; sur le plan de l'observation, chaque site devait engager une réflexion sur l'amélioration de la prévention et du suivi des détenus présentant un risque suicidaire ; enfin, l'organisation des quartiers disciplinaires devait être repensée : réorganisation du service des agents, désignation d'un premier surveillant référent, procédure particulière de mise en prévention et mise en conformité des cellules avec les règles d'hygiène et de sécurité. Ce dispositif a fait l'objet d'une évaluation sur un mode original. Un comité national d'évaluation a été constitué en septembre 1998. Il était non seulement composé de représentants des différentes catégories des personnels pénitentiaires : chefs d'établissements, correspondants régionaux, conseillers d'insertion et de probation, psychologue, magistrat, premier surveillant et surveillants, mais également d'un médecin, d'une infirmière et d'un responsable associatif. Il s'agissait ainsi de prendre pleinement en compte la complexité du suicide et de souligner la nécessité d'une action conjointe de la direction générale de la santé et de l'administration pénitentiaire. Ce comité a rendu ses conclusions en mai 1999 et a observé que, même partielle, l'expérimentation a démontré la pertinence des orientations retenues. En conclusion, il a proposé de généraliser le dispositif aux établissements pénitentiaires connaissant un fort taux de suicides. L'analyse partielle des suicides survenus au 1er décembre 1999 a permis de dégager plusieurs thèmes de travail. D'une part, il convient d'approfondir les études antérieures, par la définition de nouveaux outils statistiques et un recensement précis des expériences étrangères. D'autre part, il a été décidé de renforcer les actions concernant la prise en compte des familles des personnes décédées et de réfléchir aux conditions et au régime de vie des quartiers disciplinaires eu égard à l'augmentation du nombre de suicide dans ces lieux. A cette fin, deux groupes de travail ont été mis en place. Le premier, commun aux directions des affaires criminelles et des grâces et de l'administration pénitentiaire, va s'interroger sur l'amélioration du dispositif d'accueil et de prise en charge des familles à la suite du suicide d'un détenu. Il conviendra de déterminer, tant au niveau des parquets que des établissements pénitentiaires, quelles sont les dispositions les plus à même d'assurer, dans les meilleurs délais, l'information des familles sur la survenance du suicide, le déroulement de l'enquête judiciaire, la localisation du corps du défunt et les résultats des expertises médico-légales. Le second est chargé de proposer de nouvelles normes du quartier disciplinaire en matière d'aménagements matériels et de régime de détention. Parallèlement, de nouvelles études statistiques ont été entreprises afin d'approfondir notre connaissance des détenus susceptibles de passer à l'acte et une enquête a été lancée auprès de plusieurs Etats européens afin de connaître les actions engagées à l'étranger. Les réponses sont en cours de dépouillement. D'ores et déjà, au titre des mesures nouvelles, 25 millions de francs seront consacrés à l'amélioration des conditions de vie des personnes incarcérées en 2000 dont une partie financera le programme de prévention du suicide. En matière de ressources humaines, six emplois de surveillants seront créés à la maison d'arrêt de Fleury-Mérogis afin d'améliorer l'accueil des détenus. Cinq psychologues seront recrutés dans les maisons d'arrêt de Fleury-Mérogis, Marseille-Baumettes, Paris-La Santé, Fresnes et Loos. Ils assureront une mission de soutien aux personnels de surveillance dans leurs missions quotidiennes notamment dans la prise en charge des détenus présentant des troubles du comportement. Dix emplois de premiers surveillants seront créés afin de renforcer l'encadrement des personnels en service de nuit et rendre ainsi plus efficace l'action des secours en cas de passage à l'acte suicidaire. Par ailleurs, 2,8 millions de francs ont été prévus sur le budget de l'administration pénitentiaire pour l'amélioration matérielle des quartiers sensibles et pour les actions de sensibilisation du personnel et de prise en charge des détenus, notamment au moment de leur incarcération.

- page 4375

Page mise à jour le