Question de M. GERBAUD François (Indre - RPR) publiée le 06/07/2000

M. François Gerbaud se fait l'écho, auprès de M. le Premier ministre des très vives inquiétudes que suscite dans notre pays l'annonce officielle de l'abandon total de l'énergie nucléaire civile par nos voisins allemands à l'horizon 2020. Certaines voix peu responsables commençant déjà à s'élever pour suggérer que la France fasse le même choix, il lui demande d'exprimer par avance son opposition claire et déterminée à une telle éventualité. Que ce soit en Allemagne même ou dans toute autre nation industrialisée, le choix allemand suscite malaise et polémique. A Berlin, madame Angela Merkel, présidente de l'union chrétienne démocrate CDU, a dénoncé la " contrainte idéologique " que le dispositif retenu faisait peser sur l'économie allemande, et assuré qu'il serait remis en cause dès le retour aux affaires de l'actuelle opposition au Chancellier Schröder. Nos voisins vont continuer à importer de l'énergie atomique et à exporter déchets radioactifs et matériel nucléaire. Avant de songer à s'aventurer sur la même voie, la France ne devrait-elle pas méditer ces contradictions ? L'abandon du nucléaire civil par notre pays n'est pas une option envisageable. La France importe aujourd'hui la quasi-totalité du pétrole et les neuf-dixièmes du gaz qu'elle consomme. Cette absence de ressources pétrolières fait naturellement du nucléaire le fondement même de notre indépendance énergétique : la part de l'atome dans la production totale d'énergie en France est actuellement de 80 %. L'équipement nucléaire civil patiemment mis en place dans notre pays représente un montant d'investissement colossal (800 milliards de francs). Le parc nucléaire français se caractérise par un très haut niveau de sûreté - internationalement reconnu - et procure à notre économie un surcroît de compétitivité irremplaçable. Sur un plan écologique, le nucléaire permet à la France d'être effectivement un des plus faibles émetteurs de gaz à effet de serre. Ce qui n'est pas le cas d'autres nations signataires des accords de Kyoto. Les 17 scénarios sur l'avenir de l'énergie au niveau mondial élaborés par le Conseil mondial de l'énergie soulignent tous que, compte tenu d'une relative stabilité des prix des énergies traditionnelles, le développement des " énergies nouvelles " (de substitution) sera grandement freiné par son coût très élevé. Monsieur le Premier ministre est-il prêt à donner à la représentation sénatoriale l'assurance que l'abandon du nucléaire civil ne fait en aucun cas partie de ses projets, et peut-il confirmer son attachement au programme d'équipement nucléaire " seconde génération " et aux efforts industriels menés dans le cadre de la mise en oeuvre du réacteur " EPR " (European Pressurized Reactor) ?

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Transmise au ministère : Industrie


Réponse du ministère : Industrie publiée le 14/09/2000

Réponse. - Les situations respectives de la France et de l'Allemagne ne sont pas comparables : la France retire 80 % de son électricité du nucléaire, l'Allemagne 30 %. Ces chiffres sont le résultat de choix politiques, économiques et scientifiques. La France ne possède pas de pétrole, très peu de gaz et ses gisements de charbon étaient déclinants dès les années 50 ; par ailleurs leur exploitation cessera en 2005. Il a fallu conquérir une indépendance énergétique. Pour l'avenir, la politique énergétique française est guidée par la volonté d'organiser un développement respectueux de l'environnement et soucieux du maintien d'un patrimoine industriel, technologique, et social que le nucléaire civil a contribué à bâtir. Le nucléaire demeure la composante majoritaire de la production d'électricité et le choix allemand d'abandon de cette énergie n'a que peu d'influence sur ce point. La France possède aujourd'hui un parc de production d'électricité compétitif et sûr, garant de l'indépendance énergétique et respectueux de l'environnement. Ce résultat est dû en grande partie au choix de l'option nucléaire, mais également aux programmes volontaristes d'équipement hydroélectrique et d'économies d'énergie. Le parc actuel de production d'électricité est jeune. Son renouvellement dépendra étroitement de la durée de vie des centrales actuelles. Une évaluation raisonnable de cette durée de vie montre un besoin de remplacer les capacités de production électrique à l'horizon 2010-2020. La France entend mettre à profit cette période de pause pour élargir le champ de ses options énergétiques. Le projet de réacteur EPR s'inscrit dans cette réflexion et les études techniques, économiques et financières continuent. Il est également du souci du Gouvernement de maintenir une expertise nationale dans le domaine de l'électronucléaire d'ici à la période de remplacement du parc actuel.

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