Question de M. MOULY Georges (Corrèze - RDSE) publiée le 03/10/2000

M. Georges Mouly attire l'attention de Mme le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation sur le problème des métiers d'art, dont les difficultés sont toujours importantes pour au moins trois raisons : la complexité de leur définition juridique et fiscale ; la complexité de leur rentabilisation alors que, par définition, le coût de revient des produits, au vu des heures de travail passées, est élevé, enfin la complexité posée par l'investissement et la transmission du savoir-faire, qui, si rien n'est fait rapidement, entraînera la disparition prochaine de plusieurs d'entre eux. Il lui demande en conséquence si elle envisage de réformer prochainement la législation ou la réglementation régissant les métiers d'art, en leur accordant des avantages fiscaux semblables à ceux des artistes, en prévoyant des mesures d'accompagnement spécifiques, ou en améliorant l'aide à l'apprentissage, et ce afin de redonner une chance à ce domaine qui constitue, par bien des aspects, un irremplaçable élément du patrimoine national.

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Réponse du ministère : Petites et moyennes entreprises publiée le 17/01/2001

Réponse apportée en séance publique le 16/01/2001

M. Georges Mouly. Monsieur le secrétaire d'Etat, chacun sait que les métiers d'art occupent
une place particulière dans le monde des entreprises, tant à Paris que dans les régions.
Pourtant, la définition de ces métiers reste très difficile. En effet, il n'existe pas, à ma
connaissance, de liste exhaustive et ils recouvrent des matières, des activités, des
techniques aussi différentes que la pierre, le bois, les végétaux, et beaucoup d'autres. Dans
mon seul département, on estime que sont ainsi concernées huit cent à mille entreprises,
soit mille cinq cents à deux mille personnes.
Or une entreprise d'art, et c'est l'une de ses caractéristiques, n'est que très difficilement
rentable. En effet, la complexité du travail, la spécificité de l'oeuvre réalisée et, avant tout, le
temps passé à la réalisation ne peuvent être qu'imparfaitement pris en compte,
commercialement parlant, ce qui conduit ces entreprises à effectuer une facturation ne
répondant pas, la plupart du temps, au strict coût de revient réel engagé. Et c'est bien normal
puisque l'artisan d'art est un artiste et que sa créativité ne peut se mesurer comme celle des
autres artisans. Quand est organisé tel ou tel festival de musique ou de théâtre, la prestation
proposée est estimée à un coût qui ne prend pas en compte le travail personnel accompli tout
au long de sa vie par un musicien ou par un comédien. Il en va de même d'un tailleur de
pierre, d'un souffleur de verre, d'un potier ou d'un graveur, qui fournit et commercialise cette
chose diffuse et insaisissable qu'est le talent.
D'où la difficulté, pour ces entreprises, d'établir une stratégie commerciale, d'investir, de
transmettre le savoir-faire, de former des compagnons afin de favoriser la créativité
personnelle pour que notre société, si elle voit le triomphe des technologies les plus
poussées - et c'est heureux ! - n'oublie pas la richesse de la tradition gestuelle.
Monsieur le secrétaire d'Etat, ma question est donc la suivante : est-il possible d'envisager
une modification - c'est plus facile à énoncer qu'à réaliser, j'en conviens - de la législation et
de la réglementation régissant ces métiers, qui sont aussi des arts ? Ne pourrait-on, par
exemple, accorder aux artisans d'art les mêmes avantages fiscaux qu'aux artistes-interprètes
? Ne pourrait-on encore prévoir des mesures d'accompagnement pour contribuer au maintien
de certaines activités, comme cela se fait pour certaines activités agricoles ? Ne pourrait-on
enfin améliorer les aides à l'apprentissage pour faciliter tant la formation que la reprise des
entreprises ? Voilà autant de points, monsieur le secrétaire d'Etat, qui, selon moi, méritent
une réponse de la part de l'ensemble des décideurs, c'est-à-dire les collectivités locales, les
chambres consulaires, mais avant tout l'Etat.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. François Patriat, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à
l'artisanat et à la consommation. Monsieur le sénateur, j'ai beaucoup apprécié votre plaidoyer
en faveur des métiers d'art qui, vous avez raison de le dire, participent à l'image emblématique
de la France, parfois même à sa capacité exportatrice, et qui, dans le même temps, au-delà
du savoir-faire et du talent qu'ils développent, concourent aussi à l'aménagement du territoire,
à son développement et à son maintien.
A la fin de votre propos, vous avez évoqué le problème des collectivités locales. Je sais que,
dans votre département, les artisans d'art, qui savent à la fois innover et transmettre un
savoir-faire, sont nombreux.
J'ai souvent coutume d'opposer, à titre personnel, cette réelle économie, qui repose sur la
transmission de nombreux talents, à l'économie virtuelle dont on parle aujourd'hui.
Elu local comme vous, je préside une communauté de communes, et j'ai créé une maison de
pays, qui est d'abord et avant tout la maison des artisans d'art.
L'aide de l'Etat et celle des collectivités locales doivent être complémentaires, et ce dans la
formation, dans la transmission. C'est à cet égard que j'ai rencontré à plusieurs reprises - et
hier soir encore -, tant à Paris qu'en province, le président de la SEMA, la société
d'encouragement aux métiers d'art.
Le Gouvernement, en particulier le secrétariat d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au
commerce, à l'artisanat et à la consommation, consacre tous les ans un budget spécifique
important à soutenir des actions en faveur des métiers d'art, qui prennent en compte, dans
une grande diversité de métiers, à la fois la dimension de la création et celle des savoir-faire,
à la fois traditionnels et novateurs.
La société d'encouragement aux métiers d'art, association reconnue d'utilité publique, dont
les moyens de fonctionnement sont assurés par le secrétariat d'Etat aux petites et moyennes
entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation, développe également des
activités de soutien aux artisans d'art, pour la conservation et la promotion du patrimoine
technique culturel des métiers d'art, la formation aux métiers d'art, ainsi que l'information des
professionnels et le développement de leurs entreprises.
Les artisans d'art bénéficient des mesures décidées par le Gouvernement pour favoriser le
développement et la création des très petites entreprises.
Des programmes particuliers de soutien aux artisans d'art sont mis en place progressivement
dans les régions, avec l'aide des collectivités locales, comme vous l'évoquiez.
La création d'emploi dans ces métiers d'art est encouragée par des mesures spécifiques de
formation des jeunes et par un soutien actif aux chefs d'entreprise qui transmettent leur « tour
de main » à un apprenti.
Enfin, des actions toutes particulières de promotion sont multipliées pour pérenniser la
reconnaissance des métiers d'art en France et pour favoriser leur exportation à l'étranger.
J'ai récemment visité une entreprise de fabrication de vitraux d'art qui m'est chère. Ces
entreprises, qui sont très rares en France, doivent être conservées.
Au-delà de ce que M. Huwart et moi-même allons entreprendre afin de développer le marché à
l'export des métiers d'art français, ce sont les collectivités locales qui, en sauvegardant le
patrimoine, contribuent les premières à maintenir les métiers d'art. Ainsi, j'ai vu sur des
chantiers de restaurations d'églises romanes travailler des charpentiers, des tailleurs de
pierres, des restaurateurs de vitraux, des ébénistes, qui savent recréer avec talent ce
patrimoine pour lequel l'ensemble des concours publics doivent être réunis. Il s'agit d'un
soutien actif de la part de l'ensemble de la collectivité. M. le Premier ministre et M. le ministre
de l'économie, des finances et de l'industrie ont accepté d'élaborer une loi d'orientation pour
l'artisanat et la petite entreprise. Cette loi prendra en compte vos propositions relatives à
l'environnement financier et économique, à la formation et au statut qui doivent concerner tout
particulièrement ces métiers d'art.
Permettez-moi de citer un autre exemple qui m'a beaucoup étonné. Visitant hier le salon
Intersuc, j'ai pu me rendre compte des réalisations des artisans de bouche : la coupe de
France des métiers de bouche, pour laquelle concouraient des représentants de nombreux
pays, y compris les plus éloignés, tel le Japon, a constitué une véritable révélation pour moi.
J'ajoute que les métiers d'art font aussi appel aux technologies modernes. Ainsi, le président
de la SEMA, qui possède lui-même une entreprise extraordinaire de réhabilitation des
tapisseries, fait appel aux technologies les plus nouvelles et travaille avec l'ANVAR. Par
conséquent, derrière ces métiers, on retrouve le savoir-faire, la technique, les nouvelles
technologies, l'économie et l'emploi.
M. Georges Mouly. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Mouly.
M. Georges Mouly. Monsieur le secrétaire d'Etat, je n'ai pas eu l'occasion à ce jour de
saluer oralement votre nomination à la tête du secrétariat d'Etat aux petites et moyennes
entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation. Je le fais aujourd'hui,
souhaitant que, dans l'exercice de ces responsabilités, vous permettiez à ce secteur de
l'économie réelle de connaître le succès qu'il mérite.
J'avais apprécié la teneur, la rapidité et le caractère circonstancié de votre réponse à une
demande que j'avais formulée concernant les revenus du régime fiscal ouvrant le bénéfice de
l'allocation spécifique de solidarité. Je tiens à vous remercier de la réponse que vous avez
apportée à la question de ce jour, également précise et circonstanciée.
Vous reconnaissez bien évidemment l'importance du secteur des métiers d'art, importance
dont nous sommes tous conscients, surtout dans les départements ruraux. Vous avez
souligné l'aide nécessairement complémentaire accordée par l'Etat et par les collectivités
locales. Effectivement, nombre de départements - c'est notamment le cas du mien -
participent au maintien et au développement de l'artisanat d'art.
Vous avez rappelé le soutien à la création, à la formation, les mesures spécifiques, les
programmes particuliers, etc. Tout le volet des dispositions prises en faveur de l'artisanat d'art
n'est, à mon avis, pas suffisamment connu. Et je voudrais, en cet instant, vous féliciter d'avoir
convaincu M. le Premier ministre d'accepter que soit discuté un projet de loi d'orientation pour
l'artisanat et la petite entreprise.
M. Gérard Delfau. Très bien !
M. Georges Mouly. J'espère beaucoup, comme la plupart de mes collègues ici, de la
discussion de ce texte, qui nous donnera sans doute l'occasion de rappeler le problème des
artisans d'art.
M. François Patriat, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. François Patriat, secrétaire d'Etat. Je vous remercie, monsieur le sénateur, de vos
propos et je précise que le sujet des artisans d'art a passionné l'ensemble de mes
prédécesseurs. Ainsi, pour en avoir parlé avec Michel Crépeau et François Doubin, ainsi
qu'avec Marylise Lebranchu, je sais qu'ils se sont beaucoup penchés sur ce dossier. Il s'agit
bien là d'un sujet transpolitique, et je ne connais pas d'élu qui, aujourd'hui, n'étudie pas cette
question. J'espère, pour ma part, mener une action toute particulière en direction des métiers
d'art non seulement par le biais de la future loi d'orientation, mais aussi par un dialogue
constant avec ces artisans, afin de parvenir, si je peux m'exprimer ainsi, à faire du « cousu
main » en faveur de ces métiers.

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