Question de M. ARTHUIS Jean (Mayenne - UC) publiée le 12/01/2001

Question posée en séance publique le 11/01/2001

M. Jean Arthuis. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre mais, en son absence, je
l'adresserai à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Ce matin, M. le Premier ministre a annoncé les grandes lignes du projet gouvernemental appelé
finalement « prime pour l'emploi ».
Je veux saluer l'imagination sémantique du Gouvernement, imagination au service de
l'apaisement des crispations, peut-être même des déchirements au sein de sa majorité.
M. Henri Weber. Faut pas rêver !
M. Jean Arthuis. Permettez-moi d'exprimer au moins deux motifs de satisfaction.
Tout d'abord, le Sénat a été entendu. (Vifs applaudissements sur les travées de l'Union
centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants. - M. le Premier ministre pénètre à cet
instant dans l'hémicycle.)
M. Jacques Mahéas. Qui a saisi le Conseil constitutionnel ? Pas nous ! M. le président. Je
salue l'arrivée de M. le Premier ministre au banc du Gouvernement, qui se fera sans doute un
plaisir de vous répondre, monsieur Arthuis.
M. Jean Arthuis. Dans ce cas, puis-je me permettre de reprendre ma question, depuis le
début, monsieur le président ?
M. le président. Je vous en prie.
M. Jean Arthuis. Monsieur le Premier ministre, vous avez annoncé ce matin les grandes lignes
de votre projet appelé « prime pour l'emploi ». Je veux saluer votre imagination sémantique au
service de l'apaisement des crispations, des déchirements au sein de votre majorité.
Je voudrais, monsieur le Premier ministre, exprimer au moins deux motifs de satisfaction.
Le premier, c'est que le Sénat a été entendu. Nous avons, il est vrai, sur proposition de notre
commission des affaires sociales et de notre commission des finances, voté trois fois la
création d'un crédit d'impôt en faveur des foyers les plus modestes : en octobre, lors de la
discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, en novembre, lors
de l'examen du projet de loi de finances pour 2001, et en décembre, lors de l'examen du projet
de loi de finances rectificative pour 2000.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. J'ignorais que vous apparteniez à la majorité ! (Rires sur les
travées socialistes.)
M. Jean Arthuis. A trois reprises, nous avons voté un dispositif de crédit d'impôt, monsieur
Dreyfus-Schmidt !
Deuxième motif de satisfaction, l'architecture globale de notre fiscalité sur le revenu est
heureusement préservée avec, d'une part, le maintien d'une CSG proportionnelle dotée d'une
assiette large et, d'autre part, un impôt sur le revenu progressif.
J'ai, en fait, plusieurs interrogations, monsieur le Premier ministre.
Refusant tout dialogue en fin d'année, le Gouvernement s'est donc finalement rallié à la
proposition du Sénat et va soumettre au conseil des ministres un projet de loi à la fin de ce
mois. Après l'autisme, l'urgence ! Votre méthode, monsieur le Premier ministre, est-elle bien
l'illustration du respect que vous portez au Parlement ?
M. Jacques Mahéas. Il ne fallait pas saisir le Conseil constitutionnel !
M. Jean Arthuis. Après avoir fait miroiter de belles promesses...
M. Henri Weber. Nous allons les tenir !
M. Jean Arthuis. ... à des millions de Français aux revenus modestes, pouvez-vous
aujourd'hui, devant la représentation nationale, leur garantir que ce qui leur a été promis leur
sera versé ?
Pouvez-vous nous confirmer que le coût de ce dispositif restera conforme à ce qui a été voté
par le Parlement dans le cadre de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité
sociale pour 2001 ?
Enfin, comment allez-vous régler certains petits problèmes ? Il me semble bien que la
déclaration d'impôt sur le revenu va devoir être modifiée avant même que le Parlement ait pu se
prononcer sur le projet de loi annoncé. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de
l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées
du RDSE.)

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Réponse du ministère : Premier ministre publiée le 12/01/2001

Réponse apportée en séance publique le 11/01/2001

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre, que je remercie de participer à nos
travaux.
M. Lionel Jospin, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les
sénateurs, après vous avoir présenté mes meilleurs voeux, je voudrais m'excuser auprès de M.
le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie qui s'apprêtait à vous répondre et qui
connaît l'ensemble de ce dossier sur lequel nous avons travaillé ensemble avec Mme la
secrétaire d'Etat au budget et Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité, y compris durant
les fêtes de fin d'année. M. Fabius présentera d'ailleurs, avec Mme la ministre de l'emploi et de
la solidarité, le dispositif précis, mardi prochain au matin, au retour du voyage au Japon qu'il
doit effectuer avec le ministre de l'économie et des finances allemand. Il me pardonnera sans
doute l'acte de discourtoisie que je semble commettre à son endroit puisque c'est par
courtoisie que je veux m'adresser moi-même à M. Arthuis et au Sénat.
Mais j'interviens aussi parce que l'interpellation de M. Arthuis comporte un aspect politique - je
dis bien « politique » et non pas « polémique ».
Je voudrais vous dire très simplement, monsieur le sénateur, que nous n'en serions pas là si
l'opposition n'avait pas saisi le Conseil constitutionnel.
M. Jacques Mahéas. Très bien !
M. Jean-Pierre Schosteck. C'était notre droit !
M. Lionel Jospin, Premier ministre. Je le dis simplement parce que vous vous êtes permis de
demander si les promesses que nous avons fait miroiter auprès de millions de gens seront
tenues ! (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste
républicain et citoyen. - Exclamations sur les travées des Républicains et Indépendants, du
RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
MM. Serge Vinçon et Jean Chérioux. C'était notre droit !
M. Lionel Jospin, Premier ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, je parle non pas de
droit mais de politique ! Le droit n'est pas en cause. J'ai été interpellé sur le plan politique et je
réponds !
Etait-ce vraiment cette mesure destinée à huit millions ou neuf millions de personnes aux
revenus modestes, salariés, mais aussi agriculteurs et travailleurs indépendants, que vous
aviez envie de signaler à la censure possible du Conseil constitutionnel ?
M. Jean Delaneau. Nous n'avons fait qu'exercer notre droit !
M. Lionel Jospin, Premier ministre. En tout cas, une chose est certaine : si, au-delà de votre
droit que je ne mets pas du tout en cause, vous n'aviez pas saisi le Conseil constitutionnel,
aujourd'hui, en janvier, ces personnes commenceraient à percevoir les premiers versements,
car cette mesure était bien calibrée. (Applaudissements sur les travées socialistes, sur celles
du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Marcel Debarge. Très bien !
M. Jean Chérioux. Et la Constitution ?
M. Lionel Jospin, Premier ministre. Je réponds aux questions qui me sont posées, y compris
sur le « miroitement des promesses » et sur le fait que nous les tiendrons ou pas. Bien sûr,
nous les tiendrons !
Pourquoi, pendant les fêtes de fin d'année et au lendemain, lorsque nous avons repris le travail -
nous ne l'avons d'ailleurs pas vraiment cessé - avons-nous eu du mal à trouver un dispositif
technique pour aboutir au même résultat ? Précisément parce que nore mesure censurée - je
ne discute pas cette censure - était bien conçue et bien calibrée. Il a donc été difficile de
trouver un instrument, une technique sans danger et qui permette d'aboutir au même résultat :
incitation à l'emploi, apport de revenus supplémentaires...
M. Jean-Pierre Schosteck. En respectant la Constitution !
M. Lionel Jospin, Premier ministre. ... au bénéfice de personnes à faibles revenus. Nous
avons fait un choix après un débat.
Ce qui me frappe c'est que, au cours de ces derniers jours, la discussion a été menée au sein
de la majorité sur des propositions, sur des approches. C'est nous qui avons animé le débat et
c'est encore nous qui tiendrons ces promesses concrètes. Elles seront tenues selon le principe
que j'ai indiqué et selon des modalités qui vous seront précisées.
Leur coût sera naturellement conforme à ce qui a été indiqué parce que nous sommes tenus
par nos engagements budgétaires et que nous respectons le projet de loi de finances qui a été
adopté.
Quant au fait que les déclarations d'impôts vont être très rapidement modifiées sur l'initiative du
ministre de l'économie et des finances, alors même que la loi n'est pas votée par le Parlement,
vous ne pouvez pas, monsieur le sénateur, avancer deux arguments contradictoires. Vous ne
pouvez pas à la fois vous inquiéter de savoir si ces personnes toucheront les sommes qu'elles
s'attendaient à percevoir et nous demander de ne pas prendre immédiatement les décisions,...
M. Jean-Jacques Hyest. Ce n'est pas dans la loi !
M. Jean Chérioux. On n'a jamais dit cela !
M. Lionel Jospin, Premier ministre. ... pour modifier les feuilles de déclaration d'impôts, alors
que nous disposons des revenus, notamment familiaux, qui nous permettent d'intégrer cette
disposition.
M. Serge Vinçon. Et le Parlement, ce n'est pas rien !
M. Lionel Jospin, Premier ministre. Je regrette que vous ayez freiné cette démarche. (Vives
protestations sur les travées de l'Union centriste.)
M. Jean Arthuis. Oh non !
M. Jean Chérioux. Vous auriez dû suivre le Sénat !
M. Lionel Jospin, Premier ministre. Nous avons trouvé une méthode pour atteindre notre
objectif.
Au-delà des débats théologiques et idéologiques sur telle ou telle approche, ce qui est sûr c'est
que le Gouvernement confirme que des sommes significatives seront versées aux salariés
modestes et aux autres personnes à ressources modestes dans ce pays, favorisant par là
même le retour à l'emploi. Ainsi, nous servons à la fois une bonne vision sociale et l'activité
économique de notre pays ! (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Jean Chérioux. Le plus simple était de suivre les propositions du Sénat !
M. le président. Monsieur le Premier ministre, appréciant votre présence parmi nous,
exceptionnellement je vous ai laissé parler plus de deux minutes trente. (Sourires.)

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