Question de M. MOULY Georges (Corrèze - RDSE) publiée le 17/01/2001

M. Georges Mouly attire l'attention de Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité sur le double problème de discrimination que connaissent les personnes handicapées du point de vue de leur situation financière. Le premier problème est celui de l'application de la notion de " retour à meilleure fortune ", qui entraîne une possibilité de récupération des sommes versées au titre de l'allocation compensatoire pour tierce personne (ACTP) dès lors que l'héritage, au décès de leurs parents, modifie leur situation fiscale, ce qui n'est pas le cas des bénéficiaires du revenu minimum d'insertion (RMI) en situation comparable. Le second est celui de la prise en compte de l'allocation adulte handicapée dans l'appréciation de ressources pour l'attribution de l'allocation veuvage. Il lui demande quelles mesures elle envisage de prendre pour supprimer ces deux dispositions dont souffre la population handicapée et, plus généralement, toutes autres mesures pour offrir une véritable compensation du handicap à cette partie de la population.

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Réponse du ministère : Emploi publiée le 07/02/2001

Réponse apportée en séance publique le 06/02/2001

M. Georges Mouly. Il y a environ un mois, madame le ministre, lors d'une émission que j'ai
suivie avec un réel intérêt, Trans Europe Express, un de mes collègues député vous a posé une
question qui, vous ne l'avez pas caché, a suscité de votre part une certaine surprise, et vous
vous étiez engagée à l'examiner plus précisément.
Cette question, à laquelle nous sommes tous confrontés sur le terrain dès lors que nous nous
penchons sur les nombreuses difficultés que rencontrent les handicapés dans la vie de tous les
jours, est celle du remboursement de l'allocation compensatrice pour tierce pesonne par ses
bénéficiaires dès lors que leur situation fiscale se modifie, en particulier lorsqu'ils deviennent
héritiers au décès de leurs parents, en application du principe de « retour à meilleure fortune ».
Cette réglementation, qui peut surprendre si on la compare par exemple à celle qui est
appliquée aux bénéficiaires du revenu minimum d'insertion, lesquels n'ont rien à rembourser en
pareille situation, pénalise non seulement les handicapés eux-mêmes, mais aussi leurs
parents, qui ont souvent économisé toute leur vie pour améliorer le sort de leurs enfants après
leur mort.
Cette discrimination n'est cependant pas la seule dont souffre la population handicapée,
comme le montre la prise en compte de l'allocation aux adultes handicapés dans l'appréciation
des ressources pour l'attribution de l'allocation veuvage, créée en 1980 et modifiée par la loi de
financement de la sécurité sociale en 1999.
L'article R. 81-527 du code de la sécurité sociale exclut désormais la prise en compte des
avantages versés au titre de l'aide sociale pour l'attribution de l'allocation supplémentaire et de
l'allocation de compensation accordée aux aveugles et grands infirmes travailleurs. Il y a là, me
semble-t-il, une contradiction avec l'article R. 356-6 du code de la sécurité sociale prévoyant la
priorité des droits à l'allocation veuvage lorsque le conjoint survivant est titulaire de l'allocation
aux adultes handicapés.
Troisième exemple de l'inadaptation de la réglementation à la population handicapée : le
passage du statut de personnes handicapées à partir de l'âge de soixante ans au statut de
personne âgée. Chacun sait en effet que les prestations légales servies au titre de l'allocation
vieillesse n'ont pas les mêmes caractéristiques et sont pénalisantes à bien des égards. A titre
d'exemple, on peut mentionner le caractère récupérable de l'allocation supplémentaire du fonds
national de solidarité alors que l'allocation aux adultes handicapés n'est pas soumise à cette
règle, récupération post mortem remise en cause, il est vrai, par le rapport Sueur sur la
prestation spécifique dépendance.
Madame le ministre, je pourrais citer d'autres exemples concernant les ressources des
personnes handicapées, mais je m'en tiens à ceux que j'ai évoqués pour vous demander si vous
comptez aller dans le sens que, vous le savez, nombreux nous sommes à souhaiter vous voir
adopter. Plus généralement, peut-on espérer passer, comme le préconise le rapport Sueur,
d'une logique d'aide sociale à une logique de droit garanti ?
En matière de reconnaissance légitime du handicap, il s'agit en effet de traduire concrètement
dans les faits et la réglementation un droit garanti, reconnu par l'évaluation de la déficience par
la COTOREP. La reconnaissance devrait de ce fait ouvrir légitimement droit à une
compensation du handicap, à la différence du principe d'octroi d'allocations de subsidiarité,
même au-delà de 60 ans, la déficience ne cessant naturellement pas avec le passage au
troisième âge.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur le sénateur, vous
soulevez d'importantes questions et c'est bien volontiers que j'y réponds.
La récupération en cas de retour à meilleure fortune est fréquente dans le registre de l'aide
sociale, et c'est dans ce registre que s'inscrit l'allocation compensatrice pour tierce personne.
C'est la raison pour laquelle je souligne, monsieur le sénateur, que l'on ne peut pas trouver une
réponse particulière pour l'allocation compensatrice pour tierce personne. Il faut étudier le
problème général de la récupération sur héritage posé par les prestations d'aide sociale.
Je veux souligner aussi que la récupération en cas de retour à meilleure fortune n'est pas mise
en oeuvre de façon systématique et qu'elle est étroitement encadrée. Elle suppose l'intervention
de la commission d'admission à l'aide sociale, sous le contrôle, en première instance, des
commissions départementales et, en appel, de la commission centrale d'aide sociale. La
jurisprudence de ces instances s'est toujours efforcée de limiter étroitement l'application de la
disposition en cause.
L'allocation de veuvage, instituée par la loi du 17 juillet 1980, est, quant à elle, conçue pour
permettre aux veufs et aux veuves de bénéficier d'une aide temporaire, afin de pouvoir, dans les
meilleures conditions possibles, s'insérer ou se réinsérer dans la vie professionnelle lorsqu'ils
ont assumé les charges familiales du foyer et se retrouvent sans ressources suffisantes au
décès de leur conjoint.
Il est exact que, lorsque la personne bénéficie de l'allocation aux adultes handicapés, celle-ci
est prise en compte dans le calcul des ressources pour l'ouverture du droit à l'allocation
veuvage.
Cela s'explique par l'appartenance de ces deux prestations à la catégories des minima sociaux,
ces deux minima sociaux ayant pour objectif d'assurer à des catégories différentes - les veufs,
les veuves ou les personnes handicapées - un revenu minimum. Dès lors, leur cumul n'est
admis que dans certaines limites.
Je veux dire ici que, parce que la situation des personnes handicapées est pour moi une priorité
et parce qu'elle constitue, on le voit, un problème général, j'ai l'intention de revenir bientôt avec
vous sur ces questions puisque le Gouvernement a décidé d'ouvrir le chantier de la réforme de
la loi du 30 juin 1975 d'orientation en faveur des personnes handicapées. L'examen de ce texte
sera l'occasion, justement, de réévaluer les différents dispositifs concourant à
l'accompagnement et à la prise en charge des personnes handicapées, et, je l'espère, de les
améliorer.
M. Georges Mouly. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Mouly.
M. Georges Mouly. Madame le ministre, je vous remercie de votre réponse et des précisions
que vous avez bien voulu m'apporter.
La récupération n'est pas systématique, je le reconnais, mais elle est toujours regrettable.
Pour ce qui concerne l'allocation veuvage, j'ai noté votre volonté de prendre des mesures
favorisant la réinsertion dans la vie professionnelle.
L'allocation aux adultes handicapés est certes prise en compte dans le calcul de l'allocation
veuvage, et on retrouve là, me semble-t-il, la distinction en matière de minima sociaux entre la
logique d'aide sociale et la logique du droit garanti préconisé par le rapport Sueur.
Enfin, je serai attentif, comme chacun d'entre nous, à la prochaine réforme de la loi d'orientation
concernant les personnes handicapées. Ce texte suscite beaucoup d'espoirs.

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