Question de M. RAFFARIN Jean-Pierre (Vienne - RI) publiée le 06/04/2001

Question posée en séance publique le 05/04/2001

M. Jean-Pierre Raffarin. Ma question s'adresse à M. le ministre l'agriculture, mais elle pourrait, au fond, s'adresser à l'ensemble du Gouvernement.
Nous faisons un constat : la société française mésestime la crise de l'élevage. Or, il faut prendre la dimension de cette crise.
C'est évidemment une crise économique. Dans une région comme la mienne, Poitou-Charente, le trou financier se chiffre en centaines de millions de francs !
Je pense aux emplois, à toutes ces entreprises agricoles qui voient leur haut de bilan diminuer, leur capital fondre, et je me pose la question de la succession et de l'installation des jeunes.
C'est aussi une crise des territoires, une crise des paysages. Que vont devenir nos bocages, nos gâtines ?
M. René-Pierre Signé. Tchernobyl !
M. Jean-Pierre Raffarin. Vous pouvez plaisanter ! J'ai rencontré 300 éleveurs ce week-end ! Je les ai vus pleurer ! Alors ne mésestimez pas cette crise ici ! (Vifs applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.) Respectez la dignité de ceux qui ont des enfants à qui l'on demande aujourd'hui dans les écoles le métier de leur papa !
M. René-Pierre Signé. N'en rajoutez pas trop !
M. Jean-Pierre Raffarin. Respectez cette situation dramatique parce que, au-delà de la crise des paysages, au-delà de la crise économique, il y a encore la crise morale ! (Marques d'approbation sur les mêmes travées.)
M. René-Pierre Signé. Démago !
M. Jean-Pierre Raffarin. Je vous remercie d'ailleurs, monsieur le ministre de l'agriculture, de certaines de vos paroles et de la lettre que vous avez envoyée aux éleveurs, empreintes d'une compréhension sans laquelle aucune issue n'est possible.
Monsieur le ministre, mardi dernier, répondant ici à mon collègue Henri de Richemont, vous avez dit que vous pourriez peut-être obtenir plus de moyens si la société française prenait davantage conscience de la crise. Et si les autres départements ministériels, eux aussi, prenaient conscience de cette crise ? C'est votre responsabilité aujourd'hui, monsieur le ministre : faites en sorte que la cause de l'élevage, - de son développement, de sa relance, de sa défense - devienne une grande cause nationale.
Tous ensemble, nous avons réussi à faire de la lutte contre les conséquences de la tempête une cause nationale. Faisons en sorte que la crise de l'élevage soit perçue comme une crise nationale, afin que l'on trouve des moyens supplémentaires. En effet, 1,4 milliard de francs, soit 46 millions de francs pour une région comme la mienne, c'est largement insuffisant !
M. René-Pierre Signé. Ce ne sera jamais assez !
M. Jean-Pierre Raffarin. Tous ensemble, droite et gauche confondues, créons ce rapport de force dans la société pour que l'on comprenne que l'élevage a aujourd'hui besoin de moyens et, au-delà de la solidarité financière, faisons exister ce message d'amitié que nos éleveurs attendent. Aujourd'hui, offrons aux éleveurs ces gestes du coeur, ces signes d'amitié qui sont une façon de leur dire : votre crise, c'est aussi la nôtre !

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Réponse du ministère : Agriculture publiée le 06/04/2001

Réponse apportée en séance publique le 05/04/2001

M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Monsieur le sénateur, vous dites que la société française mésestime la crise de l'élevage. Au fond, c'est l'un des paradoxes de ce genre de situation, car, si l'opinion manifeste un grand désarroi et même une grande désapprobation, voire une grande colère, devant les abattages de troupeaux, c'est la même opinion qui est à l'origine d'une chute de la consommation de viande bovine qui fait que nous avons des surplus partout !
M. Jean Chérioux. Ne sous-estimez pas le rôle des médias ?
M. René-Pierre Signé. M. Raffarin l'ignore !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Les médias ont leur part de responsabilité, comme nous tous, sans doute, monsieur le sénateur.
Cela dit, je veux bien croire que le désarroi, la détresse, le désespoir, la désespérance, des éleveurs français aujourd'hui méritent notre solidarité. Mais - je l'ai dit à plusieurs reprises - au-delà de la solidarité financière, dont je vais effectivement dire un mot, il y a aussi cette solidarité morale, presque affective, que nous devons leur témoigner.
Monsieur le sénateur, pour rencontrer aussi souvent que vous, sur le terrain, ces éleveurs et ces agriculteurs qui sont spécialisés dans l'élevage, je mesure moi aussi à quel point ils sont aujourd'hui désemparés, non seulement par cette succession, cette accumulation de crises et par les difficultés financières auxquelles ils sont confrontés, mais aussi par les questions qu'ils se posent : à quoi bon faire ce métier ? Pourquoi se donner tant de mal ? Comment imaginer l'avenir ? Vais-je pouvoir installer mon fils dans ces conditions ?
Alors, monsieur le sénateur, je n'ai pas de mal à le dire, au nom du Gouvernement : oui, nous devons manifester notre solidarité active à l'élevage ! Je l'ai d'ailleurs déjà fait moi-même, à ma façon, justement, me méfiant des médias quels qu'ils soient, en m'adressant directement aux éleveurs dans une lettre personnelle pour que cette solidarité non seulement financière mais aussi affective trouve sa traduction concrète.
Reste la solidarité financière. Monsieur le sénateur, 1,4 milliard de francs, dites-vous, ce n'est pas assez.
M. Jean-Pierre Raffarin. Non, en effet !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Monsieur Raffarin, ce n'est jamais assez ! Je l'ai dit, mais je le précise de nouveau, la limite de ce genre de solidarité financière, c'est ce que les autres catégories sociales françaises sont prêtes à faire et qui se traduit effectivement par des redéploiements financiers. De sorte que l'on peut abonder le budget du ministère de l'agriculture, mais dans la limite de ce que les autres ministères sont capables de redéployer comme financement !
M. Alain Gournac. Et les 35 heures !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Mais ce n'est jamais assez !
Je note avec satisfaction et plaisir que des collectivités territoriales, votre région, des départements veulent participer, mais, avant d'imaginer un prolongement des aides, je demande simplement qu'on les harmonise et qu'on les coordonne, y compris pour rester dans un cadre communautaire et ne pas risquer des refus d'apurement. Nous travaillerons ensemble dans ce sens.
Ce qui me paraît le plus important, c'est que ces 1,4 milliard de francs arrivent vite sur les comptes des exploitants, le plus vite possible, et c'est ce à quoi je vais m'employer dans les tout prochains jours ; c'est une question de semaines.

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