Question de M. MADRELLE Philippe (Gironde - SOC) publiée le 03/05/2001

M. Philippe Madrelle appelle l'attention de Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité sur les conséquences de la situation de grande précarité dans laquelle se trouvent les associations intermédiaires. Faute de moyens, ces associations ne peuvent plus jouer leur rôle en faveur de l'insertion des personnes en difficulté. C'est ainsi qu'en Aquitaine, qui compte quarante-huit structures implantées tant en milieu urbain qu'en milieu rural, huit associations ont dû fermer. Les associations intermédiaires qui ne peuvent effectuer l'accompagnement social sont pénalisées par rapport aux entreprises de travail temporaire d'insertion qui bénéficient, elles, d'une subvention d'Etat et d'une exonération des charges sociales. En conséquence, il lui demande de bien vouloir lui préciser les mesures qu'elle compte prendre afin que les associations intermédiaires puissent bénéficier d'un traitement équitable et remplir ainsi au mieux leur mission d'insertion.

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Réponse du ministère : Droits des femmes publiée le 30/05/2001

Réponse apportée en séance publique le 29/05/2001

M. Philippe Madrelle. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, au moment même où partout en France on s'apprête à célébrer le centenaire de la loi 1901, rappelant ainsi le rôle essentiel joué par les associations dans la construction du lien social, il m'apparaît très important de souligner les dangereuses difficultés auxquelles sont actuellement confrontées les associations intermédiaires oeuvrant en faveur de l'insertion.
La loi du 29 juillet 1998 d'orientation relative à la lutte contre les exclusions avait fait naître de légitimes espérances chez les responsables des associations intermédiaires, qui ont, à leur actif, une expérience et un savoir-faire reconnus, assurant ainsi non seulement un rôle social de premier plan, mais également un rôle économique non négligeable.
A titre d'exemple, la région Aquitaine, que nous connaissons bien l'un et l'autre, madame la secrétaire d'Etat, compte quarante-huit structures implantées tant en zone urbaine qu'en zone rurale, ce qui permet une couverture homogène du territoire et des relations étroites avec les entreprises.
Vous me permettrez de rappeler que la loi du 29 juillet 1998 dote le secteur de l'insertion d'un solide statut inscrit dans l'article L. 322-4-16-3 du code du travail, qui précise : « L'association intermédiaire assure l'accueil des personnes mentionnées à l'article L. 322-4-16 ainsi que le suivi et l'accompagnement de ses salariés en vue de faciliter leur insertion sociale et de rechercher les conditions d'une insertion professionnelle durable. »
Il n'y a pas d'ambiguïté : la loi définit bien le rôle de l'association intermédiaire, qui agit concrètement afin que chaque personne en situation de précarité puisse développer ses potentialités, améliorer son statut social et reconquérir ainsi une citoyenneté à part entière.
Mais, face à cette définition, aucun moyen financier n'a été prévu pour réaliser l'accompagnement social, comme c'est le cas pour les entreprises d'insertion et les entreprises de travail temporaire d'insertion - qui bénéficient, elles, d'une subvention d'Etat. Non seulement la loi n'accorde pas de moyens suffisants, mais en plus elle limite les possibilités d'intervention en secteur marchand, principale source de financement de cet accompagnement.
Moins de deux ans après ces nouvelles mesures, le bilan est sans appel. C'est ainsi que l'on constate une baisse de l'insertion et du nombre de personnes prises en charge dans les associations intermédiaires, la fermeture de nombreuses associations - sept en Aquitaine -, la chute du nombre des contrats de travail, le licenciement du personnel encadrant.
Alors que les personnes accueillies cumulent les handicaps, exigeant alors un accompagnement social plus lourd qu'auparavant, les associations intermédiaires s'interrogent sur le caractère dérisoire des moyens financiers qui leur sont accordés. Et n'oublions pas que la baisse de l'activité des associations intermédiaires réduit d'autant leurs moyens financiers, interrompant ainsi les parcours d'insertion et aggravant l'exclusion de trop nombreuses personnes, qui vont devenir victimes de cette loi pourtant conçue pour les aider !
Face à ce paradoxe et à ce douloureux constat, les associations intermédiaires se sont regroupées. C'est ainsi que, le 23 mars 2001, l'Union nationale des associations intermédiaires a été créée, regroupant plus de cent trente associations intermédiaires sur l'ensemble du territoire.
Les responsables de ce collectif ont été reçus au ministère de l'emploi et de la solidarité par le cabinet de Mme Guigou.
J'aimerais obtenir aujourd'hui des précisions quant à la possibilité de répondre favorablement aux principales revendications portées par le collectif : financement de l'accompagnement social effectué par les associations intermédiaires ; abrogation des limites d'intervention en secteur marchand ; nécessaire clarification du rôle des différentes tutelles, à savoir l'Agence nationale pour l'emploi, la direction générale de l'action sociale et la direction départementale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle.
Nous sommes bien d'accord pour considérer que ces différentes propositions ne remettent pas en cause l'esprit de la loi de lutte contre les exclusions. Mais elles introduisent une nécessaire réflexion sur le devenir des associations intermédiaires au sein du secteur de l'insertion par l'activité économique.
Mme Guigou connaît et apprécie, je le sais, la compétence, le sérieux et le dévouement des responsables de ce secteur. Aussi lui ferai-je confiance, ainsi qu'au Gouvernement, pour leur donner les moyens d'accomplir leur noble mission et les rassurer.
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle. Monsieur le sénateur, vous alertez Mme Guigou sur les difficultés rencontrées par les associations intermédiaires et sur la fragilité de la situation financière de certaines d'entre elles.
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité est tout à fait consciente de cette fragilité, qui s'explique par une baisse sensible de leur activité en 2000 - de 25 % en moyenne - laquelle tient à plusieurs facteurs.
J'évoquerai, tout d'abord, la limitation des mises à disposition en entreprise à 240 heures par an et par salarié, et à un mois calendaire - cela auprès d'un même employeur - renouvelable une fois après accord de l'ANPE. Ces nouvelles règles résultent de la mise en oeuvre de la loi de lutte contre les exclusions.
Je mentionnerai, ensuite, les difficultés du public accueilli par ces associations, difficultés qui nécessitent la mise au point de parcours d'insertion complexes, en amont de la mise à disposition.
J'évoquerai, enfin, les problèmes spécifiques rencontrés par les organismes intervenant en zone rurale, qui sont souvent les seules structures à prendre en charge le public en grande difficulté.
Par ailleurs, lors de la première lecture devant le Sénat du projet de loi de modernisation sociale, le Gouvernement a déposé un sous-amendement - adopté par votre Haute Assemblée - conduisant à supprimer la restriction au mois calendaire pour les mises à disposition chez un même employeur, ce qui conduit à ne retenir désormais qu'une seule limite aux mises à disposition auprès d'un même employeur, fixée à 240 heures par an. Cela devrait faciliter l'activité de ces associations.
Je tiens à rappeler que la mise à disposition dans les collectivités locales et auprès des associations n'est pas assujettie à ces limites.
Ainsi que vous le savez, le Gouvernement est particulièrement attentif au suivi individualisé qui peut être offert aux personnes les plus en difficulté. C'est pourquoi Mme Guigou est attachée à favoriser la prise en compte du travail d'accueil et d'accompagnement des personnes en très grande difficulté qu'effectuent notamment les associations intermédiaires et, plus largement, l'ensemble des structures d'insertion par l'économique.
Dans le cadre du nouveau programme de lutte contre les exclusions, la fonction accompagnement devrait désormais faire l'objet d'une aide spécifique dans les associations d'insertion.
Il convient également de développer l'utilisation de l'accompagnement social individualisé, en mobilisant les DDASS et en aidant les associations intermédiaires à élaborer des projets.
L'application récente des dispositions de la loi de 1998 concernant l'agrément demandé à l'ANPE ne semble pas appeler de modifications de procédure : dans l'ensemble, cet agrément s'effectue dans de bonnes conditions. La plupart des associations intermédiaires ont désormais conclu avec l'agence locale pour l'emploi une convention de coopération qui précise les modalités d'intervention de chacun des organismes et doit ainsi permettre une meilleure connaissance respective ainsi qu'une adaptation aux besoins et au contexte local.
Tels sont, monsieur le sénateur, les éléments de réponse que je pouvais vous apporter, au nom d'Elisabeth Guigou.
M. Philippe Madrelle. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Madrelle.
M. Philippe Madrelle. Je vous remercie, madame la secrétaire d'Etat, de cette réponse, qui comporte des éléments encourageants.
Il est vraiment nécessaire de conforter la place et le rôle de ces associations intermédiaires. Le gouvernement de Lionel Jospin, en faisant adopter la loi du 28 juillet 1998 relative à la lutte contre les exclusions, a ouvert plus largement que jamais la route de la solidarité, et je crois que ces associations intermédiaires font partie intégrante de ce noble dispositif.

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