Question de M. GINÉSY Charles (Alpes-Maritimes - RPR) publiée le 23/08/2001

M. Charles Ginésy attire l'attention de M. le secrétaire d'Etat à la défense, chargé des anciens combattants, sur la discrimination entre les orphelins des victimes de la déportation établie par le décret n° 2000-657 du 13 juillet 2000, qui indique que " toute personne dont la mère ou le père a été déporté à partir de la France dans le cadre des persécutions antisémites durant l'Occupation et a trouvé la mort en déportation a droit à une mesure de réparation ". Toutefois, il a été instauré de fait une situation discriminatoire à l'égard de tous ceux qui sont morts pour la liberté de leur pays, qu'ils aient été victimes de persécutions antisémites, politiques, résistants ou fusillés. Il serait donc souhaitable et légitime que toutes dispositions nécessaires soient prises en vue de considérer les souffrances endurées par l'ensemble des orphelins de déportés en les indemnisant tous à égalité de traitement. C'est la raison pour laquelle il lui demande de bien vouloir lui préciser quelles suites le Gouvernement entend prendre afin de régler ce problème rapidement.

- page 2656


Réponse du ministère : Anciens combattants publiée le 25/10/2001

L'honorable parlementaire souhaite voir étendre aux orphelins de tous les déportés décédés en déportation les dispositions du décret n° 2000-657 du 13 juillet 2000 instituant une mesure de réparation pour les orphelins dont les parents ont été victimes de persécutions antisémites. Le secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants tient tout d'abord à rappeler que la France a mis en place, par les lois de 1948, une indemnisation en faveur de toutes les victimes de la déportation, dans le cadre du droit à réparation des anciens combattants et des victimes de guerre. Les déportés eux-mêmes, qu'ils soient politiques de nationalité française ou résistants sans condition de nationalité, ont été indemnisés en fonction de leur invalidité et des pensions ont été attribuées aux ascendants, aux veuves et aux orphelins de ceux qui sont morts dans les camps ou des suites des mauvais traitements subis. Le secrétaire d'Etat veut cependant souligner que la mesure sur laquelle l'honorable parlementaire appelle son attention est d'une toute autre nature. Elle s'inscrit dans le prolongement de la reconnaissance, d'une part, par le Président de la République le 16 juillet 1995, de la responsabilité de la France dans la déportation des Juifs partis de son territoire, d'autre part, de la mission Mattéoli, chargée en janvier 1997 par le Premier ministre d'alors " d'étudier les conditions dans lesquelles les biens immobiliers et mobiliers, appartenant aux Juifs de France, ont été confisqués ou d'une manière générale, requis par fraude, violence ou dol, tant par l'occupant que par les autorités de Vichy entre 1940 et 1944 ". Cette mission a été confirmée le 6 octobre 1997 par l'actuel Premier ministre. Après avoir évoqué la situation des orphelins de déportés juifs partis de France, qui pour des raisons de nationalité, que ce soit la leur ou celle de leur(s) parent(s) ont été tenus à l'écart de l'indemnisation prévue, dans ce cas, par la législation française ; la mission a alors proposé que, faisant abstraction de toute question de nationalité et de résidence, ces orphelins soient tous indemnisés de la même façon, par une mesure qui pourrait être le versement " d'une indemnité viagère pour ceux d'entre eux qui ne bénéficieraient pas déjà d'une indemnisation répondant au même objet ". Au vu des conclusions de cette mission, il est apparu au Gouvernement que la situation spécifique de la déportation d'hommes et de femmes à des fins d'extermination appelait une réponse particulière et il a donc tenu à ce que les orphelins des déportés juifs soient indemnisés pour réparer ce qui pouvait encore l'être, en estimant que la persécution particulière dont ils furent l'objet devait être prise en compte. C'est ainsi qu'a été promulgué le décret du 13 juillet 2000. Certains ont estimé que, dans ces conditions, l'indemnisation instituée en juillet dernier constituait une rupture d'égalité de traitement entre les différentes catégories d'orphelins de déportés. Le conseil d'Etat, saisi par plusieurs particuliers de recours sur ce point, contre le décret du 13 juillet 2000, a considéré, dans un arrêt rendu le 6 avril 2001, que ce texte ne constituait pas une rupture d'égalité de traitement, mais une réponse exceptionnelle à une situation exceptionnelle qui était celle d'une " politique d'extermination systématique qui s'étendait même aux enfants ". La spécificité de la Shoah, politique d'extermination d'une population considérée par les nazis comme le mal absolu, et comme devant être menée jusqu'à la " solution finale ", a conduit le Gouvernement à instaurer une compensation spécifique à l'irréparable. Cependant, il n'en demeure pas moins que la reconnaissance éternelle de la France s'adresse à tous les volontaires qui se sont engagés dans les combats douloureux et glorieux de la Résistance, ainsi qu'à leurs enfants, et dont les actions et le courage ont sauvé l'honneur de la France ainsi qu'à ceux de toutes les autres victimes du drame de la déportation.

- page 3389

Page mise à jour le