Question de M. PEYRAT Jacques (Alpes-Maritimes - RPR) publiée le 06/09/2001

M. Jacques Peyrat appelle l'attention de M. le secrétaire d'Etat à la défense, chargé des anciens combattants, sur l'état actuel de l'officialisation de la date de la cessation de la guerre en Algérie. En effet, la date du 19 mars 1962, qui fut celle du cessez-le-feu appliqué dans le département français d'Algérie, fait suite aux accords d'Evian qui ont été ratifiés unilatéralement par la France le 18 mars 1962. Or, le Gouvernement provisoire de la République algérienne n'a pas obtenu pour autant la fin des violences. De mars à novembre 1962, le cessez-le-feu n'étant pas appliqué, ce sont 155 000 personnes qui furent assassinées, soit un nombre six fois plus important que le nombre de morts comptabilisés au cours des combats. Cette période floue et transitoire fut dramatique pour les Européens d'Algérie, pour nos soldats, ainsi que pour des milliers de harkis. De plus, la loi n° 74-1044 du 9 décembre 1974, reconnaissant la qualité de combattant aux anciens d'Algérie, établit que la date légale de la fin des combats est le 2 juillet 1962. Enfin, il rappelle à M. le secrétaire d'Etat que lors du 24e Congrès national de la FNACA (Fédération nationale des anciens combattants d'Algérie, Maroc et Tunisie), le 1er octobre 2000, il déclarait que " la démocratie, c'est le droit d'exprimer son opinion ", et que vous ne souhaitez pas " diviser sur cette question le monde combattant ", mais " arriver à quelque chose qui nous rassemble ". Or, depuis trois ans, une commission, mise en place à l'initiative du Gouvernement, réfléchit sur la création d'un mémorial national de la guerre d'Algérie. En conséquence, il lui demande à quelle conclusion la réflexion de cette commission a abouti, afin de mettre fin à la division du monde combattant, et quand le Gouvernement entend prendre ses responsabilités sur le choix de cette date essentielle.

- page 2851


Réponse du ministère : Anciens combattants publiée le 25/10/2001

Pour ce qui concerne le choix du 19 mars comme date officielle de commémoration de la fin de la guerre d'Algérie et des combats en Tunisie et au Maroc, il convient en premier lieu de rappeler qu'aucune des dates proposées ne fait pour l'instant l'unanimité, qu'il s'agisse de la date officielle retenue pour le début du conflit (31 octobre 1954), de celle de la mise en oeuvre du cessez-le-feu, lendemain de la signature des accords d'Evian (19 mars 1962), de celle de l'indépendance de l'Algérie (2 juillet 1962) ou encore de celle qui correspond à l'inhumation d'un soldat inconnu à la nécropole de Notre-Dame-de-Lorette (16 octobre 1977). Si, le 19 mars marque bien la date officielle, fixée par les accords d'Evian, du cessez-le-feu en Algérie, cette guerre, par sa spécificité historique et ses drames, par le climat passionnel et douloureux qui s'y rattache, a trop longtemps suscité malaises, ambiguïtés et non-dits. Pour tous, ce fut la guerre. Pour tous ce furent la violence, les haines, les peurs, les souffrances, le rejet, l'incompréhension, les silences. S'il convient désormais d'inscrire durablement l'évocation de cette guerre dans la mémoire collective française, cela doit être accompagné d'un indispensable acte de réconciliation et de concorde nationale. Or, tel n'est pas en effet le contexte de rassemblement, nécessaire à l'officialisation d'une date commémorative nationale, comme en témoigne l'adoption, à l'unanimité parlementaire, des journées du 11 novembre, du souvenir de la déportation, du 8 mai et plus récemment encore, de la journée nationale, le 16 juillet, à la mémoire des victimes des crimes racistes et antisémites de l'Etat français et d'hommage aux " Justes " de France. Le Premier ministre, qui s'est montré favorable à la poursuite de l'oeuvre de mémoire pour que les traumatismes puissent être surmontés dans l'unité nationale, observait qu'un progrès sensible avait été fait dans cette voie avec l'adoption par le Parlement, à l'unanimité, de la loi du 18 octobre 1999 qualifiant de guerre le conflit d'Algérie de 1954 à 1962. Il a reconnu néanmoins que la commémoration d'une date officielle unique pour la guerre d'Algérie ne pouvait, en l'absence d'accord entre les associations du monde combattant, être opérée sans susciter des oppositions qui iraient à l'encontre du but poursuivi. Toutefois, si les conditions ne sont toujours pas réunies, le dossier continue d'évoluer. Des initiatives diverses ont ainsi été prises par des groupes politiques au Parlement et par des députés et sénateurs à titre individuel. Ces initiatives demandent à être confirmées par un débat législatif. En tout état de cause, le secrétaire d'Etat tient à rappeler que le Gouvernement a décidé d'être présent non seulement le 16 octobre mais aussi le 19 mars, lorsque des cérémonies sont organisées dans les départements. Il entend pour sa part travailler, non pas à diviser, mais à rechercher l'unanimité dans le respect de la souffrance liée aux événements de l'" après-19 mars " et de la souveraineté nationale. Il est donc nécessaire pour que la France assume lucidement son histoire, de rassembler et de favoriser l'unité nationale qui sera confortée par l'édification, quai Branly, à Paris d'un mémorial national d'Afrique du Nord, qui sera inauguré en 2002, à la mémoire de la totalité des soldats français ayant combattu pendant ce conflit et sur lequel seront inscrits tous les noms des combattants de l'armée française " morts pour la France " y compris, ceux des harkis. Ce mémorial est l'aboutissement des travaux de la commission chargée par le Gouvernement d'en proposer l'élaboration, le secrétaire d'Etat rappelle à l'honorable parlementaire que cette commission n'avait pas pour but de proposer une date de souvenir et de recueillement pour la guerre d'Algérie.

- page 3390

Page mise à jour le