Question de M. TRÉGOUËT René (Rhône - RPR) publiée le 13/09/2001

M. René Trégouët attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur le grave problème de la prolifération des armes de guerre dans nos banlieues. Un récent fait divers tragique dans le sud de la France a en effet démontré que la possession d'armes de guerre au pouvoir destructeur très puissant, telles que les lance-roquettes ou des fusils d'assaut Kalachnikov, n'était plus limitée au milieu du grand banditisme mais s'était étendue dans les sphères de la petite et moyenne délinquance. Cette évolution particulièrement préoccupante vient encore d'être confirmée par la découverte récente, dans la banlieue de Lyon, d'une cache contenant un stock important d'armes de guerre, dont des lance-roquettes. Le trafic de ces armes de guerre, et des armes en général, a pris une ampleur telle qu'il se déroule parfois de manière à peine dissimulée, sous le regard des habitants des banlieues concernées qui ne peuvent que constater l'impuissance des forces de l'ordre à intervenir pour y mettre un terme. Une telle situation, qui est à rapprocher de la montée de la criminalité enregistrée depuis ces derniers mois, n'est plus tolérable car elle menace les fondements même de notre Etat de droit et de notre démocratie. Le premier devoir de l'Etat est en effet d'assurer partout la protection des personnes et des biens et de garantir le droit fondamental à la sécurité pour tous nos concitoyens. Il lui demande, en conséquence, quelles mesures immédiates et énergiques le Gouvernement entend, en concertation étroite avec les collectivités locales, prendre pour s'attaquer à la racine de ce mal, démanteler ces filières internationales très organisées et mettre un coup d'arrêt à ce trafic d'armes qui alimente de manière intolérable la montée de la criminalité dans notre pays.

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Réponse du ministère : Intérieur publiée le 27/12/2001

Les aspects du trafic d'armes à feu, en France, sont très diversifiés et ses dimensions sont variables au point qu'il paraît difficile d'en établir un archétype précis. Il est cependant possible d'en dégager les principales caractéristiques. Le marché clandestin des armes est alimenté essentiellement non par des trafics organisés à grande échelle, mais par une multitude de sources d'approvisionnement. Il s'agit particulièrement de vols commis au préjudice de particuliers, lors de transports, chez les armuriers détaillants ou dans les locaux d'organismes autorisés à détenir des armés ou munitions (associations sportives agréées, etc.), le commerce des armes transformées artisanalement ou encore les cessions sans régularisation entre collectionneurs qui génèrent un véritable trafic de " fourmis ". La circulation des armes à feu se traduit fréquemment par une multiplicité d'achats et de ventes réalisés pour une ou plusieurs armes et le plus souvent au hasard des rencontres et des disponibilités. Bien souvent, une même arme change de mains à plusieurs reprises au gré des circonstances. D'autre part, un nouveau phénomène de trafic est apparu avec les armes en provenance de pays en situation de conflit ou des pays qui ne possèdent pas encore de contrôle ou de réglementation suffisante, et qui trouve son origine dans la libre circulation des biens et des personnes en Europe. Dans ces pays, la contrebande individuelle permet à des personnes y séjournant de s'approvisionner et d'introduire illégalement en France des armes qui trouvent aisément acquéreur. Les enquêtes effectuées n'ont jamais mis à jour l'existence de réseaux professionnels structurés au pouvoir financier suffisant et bénéficiant d'un enrichissement régulier en ce domaine ou des organisations dont l'activité serait dissimulée derrière la façade d'opérations commerciales régulières. Si le banditisme est le dénominateur commun de certaines affaires, l'étude de ces dernières révèle que le négoce illégal de ces matériels fait d'échanges, de prêts de transactions diverses est le corollaire de toutes les activités liées à ce milieu. Bien que la répression de cette forme de délinquance soit rendue difficile par sa diversité, les résultats obtenus sont loin d'être négligeables et de nombreuses infractions à la législation sur les armes sont régulièrement constatées. A cet effet, l'activité de répression est largement menée au plan national par l'Office central pour la répression du trafic des armes explosifs et matières sensibles, par la Division nationale anti-terroriste lorsque lesdits trafics relèvent d'agissements liés au terrorisme, par l'Office central pour la répression du banditisme lorsqu'ils sont le fait d'organisations ou de groupes criminels dont les actions tiennent du grand banditisme (vois à main armée, attaques de fourgons blindés, etc.), et au plan régional par les dix-neuf services régionaux de police judiciaire et la direction régionale de la police judiciaire à Paris. Ces services spécialisés de la direction centrale de la police judiciaire ont saisi au cours de l'année 2000 près de 8 500 armes à feu dont 26 lance-roquettes et une cinquantaine de fusils d'assaut de type Kalachnikov. Par ailleurs, de nombreuses armes à feu sont découvertes ou saisies soit à l'occasion d'enquêtes conduites par les services de police ou de gendarmerie quelquefois avec la collaboration des services spécialisés soit de façon incidente ou encore lors des contrôles ou des fouilles réalisées à l'entrée du territoire national sur les personnes ou dans les véhicules par les services douaniers. L'ensemble des services de police, de gendarmerie et de douanes ont ainsi diligenté au cours de l'année 2000, 22 000 procédures pour port ou détention illicite d'armes de toutes catégories et de tous types, mettant en cause 16 000 personnes. Dans le but d'améliorer l'efficacité des services chargés de veiller au respect de la législation sur les armes, l'office central pour la répression du trafic des armes, explosifs et matières sensibles (OCRTAEMS), qui dépend de la direction centrale de la police judiciaire, a été chargé de centraliser à des fins opérationnelles toutes les informations visant notamment le domaine des armes (trafic, détention, etc.). Correspondant privilégié de tous les services de police et de gendarmerie ainsi que des divers ministères et administrations concernés, il a en charge l'animation de la lutte contre cette forme de délinquance. Le renforcement et la modernisation de cet office, actuellement en cours, prévoit un renfort conséquent en effectifs (une vingtaine de personnes environ) et la modernisation de ses moyens matériels. En outre la loi relative à la sécurité quotidienne qui vient d'être adoptée par le Parlement renforce les moyens juridiques d'intervention de la justice et des services de la police et de la gendarmerie nationales en matière de lutte contre le terrorisme, dont certaines mesures sont élargies aux infractions en matière d'armes et d'explosifs : visite des véhicules sur réquisition du Parquet, perquisitions et visites domiciliaires et saisies de pièces à conviction sans l'assentiment des personnes chez lesquelles elles ont lieu sur décision du juge des libertés à la demande du Parquet, élargissement des incriminations en matière de financement du terrorisme.

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