Question de M. KAROUTCHI Roger (Hauts-de-Seine - RPR) publiée le 20/09/2001

M. Roger Karoutchi appelle l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur les circuits clandestins de vente d'armes en France. Les malheureux incidents qui se sont déroulés il y a quelques jours à Béziers ont brutalement rappelé à l'opinion publique l'existence d'un marché d'armes lourdes, sur fond de recyclage international, dans certains de nos quartiers. Pourtant, le phénomène n'est pas nouveau. Il rappelle que le 30 novembre 2000 onze lance-roquettes provenant de l'armée serbe ont été saisis dans un garage automobile de Nanterre (Hauts-de-Seine). Quelques semaines plus tard, quatre armes similaires ont été retrouvées à Vaujours (Seine-Saint-Denis). Depuis plusieurs années, des pistolets-mitrailleurs, fusils d'assauts, pains explosifs, dynamite et autres détonateurs circulent ainsi librement et impunément dans nos cités. Dès lors, tout un chacun peut, monnayant quelques milliers de francs, obtenir un véritable arsenal de guerre. Face à ce constat, il s'inquiète des faibles moyens mis à disposition de l'office central pour la répression du trafic des armes, munitions, des produits explosifs et des matières nucléaires, biologiques et chimiques, et ce malgré les préconisations inverses d'un rapport de 1997, rédigé par un haut fonctionnaire de la police nationale. Par conséquent, il souhaiterait connaître les mesures qu'entend mettre en oeuvre le Gouvernement pour lutter efficacement contre ce périlleux marché clandestin qui alimente nos banlieues en matériel de guerre.

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Réponse du ministère : Intérieur publiée le 17/01/2002

En France, les aspects du trafic d'armes à feu sont très diversifiés et ses dimensions tellement variables qu'il paraît difficile d'en dresser des archétypes. Il est toutefois possible d'établir ses traits dominants. Le marché clandestin des armes est alimenté essentiellement non par des trafics organisés à très grande échelle, mais par une multitude de sources d'approvisionnement. On relève notamment les vols commis au préjudice des particuliers, lors de transports, chez les armuriers détaillants ou dans les locaux d'organismes autorisés à détenir des armes ou munitions (associations sportives agréées, etc.), le commerce des armes transformées artisanalement ou encore les cessions sans régularisation entre collectionneurs qui génèrent un véritable trafic de " fourmis ". Cette circulation se traduit bien souvent par une multiplicité d'achats et de ventes réalisés pour une ou plusieurs armes et le plus souvent au hasard des rencontres et des disponibilités. Il est fréquent qu'une même arme change de mains à plusieurs reprises au gré des circonstances. Par ailleurs, les armes en provenance de pays en situation de conflit ou des pays qui ne possèdent pas encore de contrôle ou de réglementation suffisante entraînent un nouveau phénomène de trafic qui trouve son origine dans la libre circulation des biens et des personnes en Europe. Cet approvisionnement prend souvent la forme de la contrebande individuelle qui permet à des personnes séjournant à l'étranger d'introduire illégalement des armes en France où ces dernières trouvent aisément acquéreur. Les enquêtes menées n'ont jamais révélé des réseaux professionnels structurés au pouvoir financier suffisant et bénéficiant d'un enrichissement constant en ce domaine ou des organisations dont l'activité serait dissimulée derrière la façade d'opérations commerciales régulières. Si certaines affaires mettent en cause traditionnellement le banditisme, leurs études montrent que le négoce illégal de ces matériels fait d'échanges, de prêts de transactions diverses sont le corollaire de toutes les activités liées à ce milieu. La répression de cette forme de délinquance est rendue difficile par sa diversité. Néanmoins, les résultats obtenus sont loin d'être négligeables et de nombreuses infractions à la législation sur les armes sont régulièrement constatées. A cet effet, l'activité de répression est largement menée au plan national par l'Office central pour la répression du trafic des armes, explosifs et matières sensibles, par la Division nationale antiterroriste lorsque lesdits trafics relèvent d'agissements liés au terrorisme, par l'Office central pour la répression du banditisme lorsqu'ils sont le fait d'organisations ou de groupes criminels dont les actions tiennent du grand banditisme (vols à main armée, attaques de fourgons blindés, etc.), et au plan régional par les dix-neuf services régionaux de police judiciaire et la direction régionale de la police judiciaire à Paris. Ces services spécialisés de la direction centrale de la police judiciaire ont saisi au cours de l'année 2000 près de 8 500 armes à feu dont vingt-six lance-roquettes et une cinquantaine de fusils d'assaut de type Kalachnikov. En outre, de nombreuses armes à feu sont découvertes ou saisies soit à l'occasion d'enquêtes conduites par les services de police ou de gendarmerie, quelquefois avec la collaboration des services spécialisés, soit de façon incidente ou encore lors des contrôles ou des fouilles réalisées à l'entrée du territoire national sur les personnes ou dans les véhicules par les services douaniers. A cet égard, la loi sur la sécurité quotidienne, promulguée le 15 novembre dernier, prévoit, en particulier pour prévenir et lutter contre les infractions à la législation sur les armes et explosifs, la possibilité pour les services de police et de gendarmerie de visiter les véhicules automobiles et donc de faire ouvrir les coffres. Ainsi, au cours de l'année 2000, l'ensemble des services de police, de gendarmerie et de douanes ont diligenté 22 000 procédures pour port ou détention illicite d'armes de toutes catégories et de tous types, mettant en cause 16 000 personnes. Pour accroître l'efficacité des services chargés de veiller au respect de la législation sur les armes, l'Office central pour la répression du trafic des armes, explosifs et matières sensibles (OCRTAEMS), qui dépend de la direction centrale de la police judiciaire, a été chargé de centraliser à des fins opérationnelles toutes les informations visant notamment le domaine des armes (trafic, détention, etc.) et de mener les investigations complexes sur ces trafics. Correspondant privilégié de tous les services de police et de gendarmerie ainsi que des divers ministères et administrations concernés, il a en charge l'animation de la lutte contre cette forme de délinquance. Un plan de renforcement et de modernisation de cet office est actuellement en cours. Il se traduira par un renfort conséquent en effectifs et en moyens matériels ainsi que par la poursuite de la modernisation du fichier national des explosifs. De plus, par circulaire du 5 septembre 2001, les préfets et procureurs de la République ont été chargés de définir et de prescrire la mise en oeuvre d'actions ciblées contre la délinquance criminelle qui développe une économie souterraine et contribue à désorganiser socialement certains quartiers. Enfin, la loi n° 2001-1062 du 15 novembre 2001 relative à la sécurité quotidienne complète le code de procédure pénale par les articles 78-2-2 et 76-1 destinés à renforcer la lutte contre le terrorisme en accroissant notamment les moyens de lutte contre les trafics d'armes et de munitions et en facilitant la recherche d'infractions en matière d'armes et d'explosifs. Dans les conditions qu'ils déterminent, l'article 78-2-2 permettra la fouille des véhicules et l'article 76-1 permettra les perquisitions, visites domiciliaires et saisies de pièces à conviction sans l'assentiment de la personne chez laquelle elles ont lieu. Ces dispositions sont prévues pour une durée allant jusqu'au 31 décembre 2003. Avant cette date, le Parlement sera saisi d'un rapport d'évaluation sur leur application.

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