Question de M. CAZALET Auguste (Pyrénées-Atlantiques - RPR) publiée le 31/10/2002

M. Auguste Cazalet expose à M. le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat que, si de remarquables réussites architecturales ont couronné le succès de la construction publique en France, nombre de malfaçons ou de défauts de conception affectent musées, bibliothèques, lycées ou hôpitaux de la République et que l'on attribue en général ces problèmes aux insuffisances du maître d'ouvrage public. Selon la Cour des comptes, en effet, trop de projets immobiliers se caractérisent par leur imprécision et leur instabilité, une défaillance dans la programmation et une maîtrise financière insuffisante des opérations. Il est souvent reproché au code des marchés publics et aux règles de la comptabilité publique d'enserrer les différents intervenants dans une complexité inutile et handicapante. Il souhaiterait attirer son attention sur de récentes études qui ont par ailleurs démontré comment le cloisonnement des tâches et la dilution des responsabilités induits par les règles de la commande publique viciaient le système. Celui-ci aurait donc besoin d'une plus grande souplesse, d'une intégration accrue des compétences et de pouvoir désigner un unique responsable pour l'ensemble d'un projet. Le recours au partenariat public privé (PPP), dont il existe des exemples réussis à l'étranger et même en France, permettrait d'y parvenir. Il lui demande de bien vouloir lui indiquer les mesures qu'il envisage de prendre afin de faire évoluer le cadre juridique et les pratiques de l'organisation de la construction publique.

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Réponse du Secrétariat d'Etat à la réforme de l'État publiée le 20/11/2002

Réponse apportée en séance publique le 19/11/2002

M. le président. La parole est à M. Auguste Cazalet, auteur de la question n° 79, adressée à M. le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat.
M. Auguste Cazalet. Monsieur le secrétaire d'Etat, vous êtes chargé de conduire la réforme de l'Etat et de son administration. Les objectifs que vous vous êtes assignés sont clairs : mieux traiter le citoyen ; rechercher, pour l'exercice de chaque mission publique, le mode d'organisation qui soit le plus efficace et le moins coûteux financièrement ; engager un effort de simplification. J'y souscris totalement.
Peut-on, dans un pays marqué par une forte soumission aux règles de droit public qui fait primer la légalité sur le souci d'efficacité et prive la gestion publique d'une vision programmatique à moyen et à long terme, mener à bien une telle démarche ? Oui, à condition d'être capable de se remettre en cause et de s'adapter.
L'analyse critique dont l'organisation de la construction publique a fait l'objet est assez pédagogique.
Durant le constat qu'en dépit de remarquables réussites architecturales, nombre de malfaçons ou de défauts de conception affectaient nos bâtiments publics, il devenait plus que jamais nécessaire de s'interroger sur l'utilité et sur l'efficacité des procédures.
L'on a souvent reproché au code des marchés publics et aux règles de comptabilité publique d'enfermer le déroulement d'un projet public dans un véritable carcan. Mais il a aussi fallu se rendre à l'évidence que ce dont la construction publique souffrait le plus, c'était des règles que lois et décrets avaient successivement édictées, aboutissant à une fragmentation des tâches à l'excès et à une dilution des responsabilités. Que l'Opéra Bastille soit aujourd'hui enserré dans des filets, de peur que de lourds panneaux mal agrafés ne tombent sur les passants, ou que le besoin d'un second scanner se fasse sentir à l'hôpital européen Georges-Pompidou sans que l'on sache où l'installer, cela laisse songeur...
Coordination défaillante entre équipementiers, maîtrise d'ouvrage et maîtrise d'oeuvre ; impossibilité de désigner un responsable parce que la faute est née d'une communication insuffisante entre plusieurs intervenants : il est clair que l'organisation de la construction publique aurait besoin d'une plus grande souplesse, d'une intégration accrue des compétences et de la possibilité de désigner un responsable unique.
La formule du partenariat entre les secteurs public et privé répond aux nécessités de l'amélioration du système et aux exigences de la puissance publique. L'efficacité de tels montages, courants à l'étranger, a été démontrée ; quelques administrations françaises y ont même eu recours pour certains projets phares.
Dans un contexte de restrictions budgétaires et au moment où les capacités de financement de l'Etat montrent leurs limites, il serait utile de réintroduire une culture d'efficacité et de savoir faire évoluer nos cadres juridiques et nos pratiques. C'est aussi cela, la réforme !
Je serais heureux que vous m'indiquiez, monsieur le secrétaire d'Etat, la voie que vous envisagez de prendre.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat. Monsieur le sénateur, vous avez ô combien raison de souligner que l'exigence de simplification et de clarification des responsabilités, de réduction des délais, d'efficacité, est au coeur de la réforme de l'Etat.
Vous avez également raison, s'agissant plus spécifiquement des constructions publiques, de dénoncer les lourdeurs inhérentes au code des marchés publics, à la comptabilité publique, au foisonnement des contrôles, à la « dilution des responsabilités », pour reprendre votre excellente formule. Vous évoquez, vous inspirant de ce qui existe chez certains de nos voisins, la possibilité d'aller davantage dans le sens d'un partenariat entre secteurs public et privé.
Je me dois de vous rappeler que, au-delà d'une apparence technique, les enjeux de la construction publique sont tout à fait essentiels : enjeux économiques, d'abord, puisque c'est l'un des leviers essentiels du secteur du bâtiment ; enjeux administratifs, ensuite, puisque, évidemment, de la qualité des constructions dépend en partie la capacité du service public à remplir ses missions ; enjeux culturels et architecturaux, encore, et c'est pourquoi le ministère de la culture est particulièrement vigilant ; enjeux éthiques, aussi, car nous ne devons jamais oublier que l'une des raisons de la lourdeur des processus, c'est que le service public se doit d'être transparent et de se prémunir contre les tentations de la corruption ou du clientélisme ; enjeux, enfin, de la maîtrise des coûts, qui nous poussent à être plus performants et à faire du mieux possible à budget constant, afin de tenir compte des intérêts de nos contribuables.
Vous le constatez, la question est très complexe. C'est pourquoi elle concerne plusieurs de mes collègues du Gouvernement. Le ministre de l'équipement, M. Gilles de Robien, et le ministre de la culture, M. Jean-Jacques Aillagon, s'occupent de la question relative à la maîtrise d'ouvrage public. Mes collègues du ministère des finances, MM. Francis Mer et Alain Lambert, ont pour leur part la charge d'étudier la révision du code des marchés publics. Je peux vous assurer que M. Jean-Paul Delevoye et moi-même, qui sommes chargés de la réforme de l'Etat, avons relayé la préoccupation qu'ont exprimée de très nombreux élus inquiets de constater une certaine forme de paralysie et un délai de plus en plus important entre l'annonce d'une construction publique et sa mise en oeuvre. La réduction des délais est certainement l'une des clefs qui permettront de restaurer la crédibilité de l'action publique dans notre pays.
C'est pourquoi M. Jean-Paul Delevoye et moi-même, qui sommes en train de préparer les ordonnances en matière de simplification administrative, avons prévu d'introduire dans ces textes deux volets spécifiques.
Le premier concerne la levée de certains verrous législatifs dans le code des marchés publics, car il faut reconnaître que celui-ci - qui a été préparé un peu hâtivement par nos prédécesseurs, sur l'initiative, notamment, de Laurent Fabius - soulève plus de problèmes qu'il n'en résout, particulièrement en raison de la complexité de la nomenclature.
M. Alain Gournac. Exactement !
M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat. Il nous faut donc le refondre afin de faciliter la commande publique.
Le second volet vise à lever certains obstacles - que vous avez soulignés avec raison - liés au concept de maîtrise d'ouvrage public. Certains textes récents, concernant la sécurité intérieure ou la justice, introduisent des assouplissements intéressants, sur lesquels j'attire votre attention, qui permettront notamment de répondre au défi de la construction en matière d'immobilier pénitentiaire ou de modernisation des commissariats et des gendarmeries.
Toutefois, il s'agit encore d'exceptions : avant de les généraliser, il faudra étudier l'ensemble des questions que j'évoquais à l'instant. S'agissant de sujets d'une importance aussi considérable, vitale même pour les secteurs professionnels concernés, une phase de concertation étroite avec les entreprises, petites et grandes, du BTP est nécessaire. Car l'un des soucis des élus locaux est de préserver la possibilité de faire appel aux entreprises locales, autant que faire se peut, et d'éviter que ne s'instaure un monopole des grands groupes.
N'oublions pas non plus les architectes, qui sont chargés de la qualité du bâti, ainsi que les bureaux d'étude. Vous avez évoqué à ce propos certains exemples savoureux qui montrent que l'on n'est jamais assez vigilant en la matière.
Après cette phase de concertation, qui devra bien entendu respecter l'obligation de préserver la libre concurrence dans le cadre du marché européen, nous serons en mesure de répondre avec davantage de précision à votre excellente question, monsieur le sénateur.
M. le président. La parole est à M. Auguste Cazalet.
M. Auguste Cazalet. Monsieur le secrétaire d'Etat, je prends acte de votre réponse.
Comme nombre des ministres que vous avez cités, j'ai été maire durant de très longues années, ce qui me permet de vous dire - et je saurai vous le rappeler - qu'il s'agit d'un vaste programme ! M. le président. Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures.

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