Question de M. LEROY Philippe (Moselle - UMP) publiée le 26/12/2002

M. Philippe Leroy attire l'attention de Mme la ministre déléguée aux affaires européennes sur certains risques économiques de la politique de lutte contre le tabagisme. La promotion de la santé par la lutte contre le tabagisme excessif est une priorité et, en ce sens, les actions du gouvernement, notamment par le biais de la fiscalité, ne sont pas contestables. Néanmoins, au plan économique, cette politique n'est pas sans conséquence pour le commerce de proximité, en particulier pour les buralistes établis dans un département transfrontalier. L'alourdissement de la fiscalité sur les tabacs risque d'amener une clientèle de plus en plus nombreuses à s'approvisionner au delà des frontières où les prix de vente sont déjà largement inférieurs aux prix français. De fait, les buralistes subiront une baisse conséquente de leur chiffre d'affaires, tant sur les tabacs que sur l'ensemble des produits dérivés. A terme, se pose donc la question de la pérennité de ces commerces essentiels à la vie d'un quartier citadin ou d'une zone rurale. Les différentiels de taxation ne répondent pas aux principes directeurs de la construction européenne, alors même que les politiques de santé font de plus en plus l'objet d'une réflexion à l'échelon européen. Il lui demande de lui préciser les mesures envisagées en matière d'harmonisation de la fiscalité liée aux politiques de santé d'une manière générale, et celles qui auront plus particulièrement pour objectif de préserver la survie des commerces de proximité dans les zones frontalières.

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Réponse du Ministère délégué aux affaires européennes publiée le 05/05/2005

La lutte contre le tabagisme est l'une des priorités du Président de la République et du Gouvernement en matière de santé publique. Pour autant, le Gouvernement est sensible à l'impact des mesures de lutte contre le tabagisme pour le commerce de proximité, tout particulièrement dans les zones frontalières. La législation européenne concernant le commerce de tabac établit un équilibre délicat entre la liberté de commerce garantie dans le cadre du marché intérieur et les politiques nationales de lutte contre le tabagisme. Le Gouvernement considère que cet équilibre est aujourd'hui insatisfaisant. Les directives européennes soumettant les tabacs manufacturés à une accise harmonisée n'interdisent pas aux Etats membres d'utiliser la fiscalité pour poursuivre les objectifs de santé publique qu'ils se sont fixés. Les niveaux minimaux d'accises sont cependant inadaptés aux prix pratiqués par des Etats comme la France ou la Grande-Bretagne. D'autre part, les règles sur la limitation des achats de tabac par les particuliers dans d'autres Etats membres sont aujourd'hui peu satisfaisantes et encouragent le trafic transfrontalier. L'article 9 de la directive 92/12 établissant à 800 cigarettes le seuil à partir duquel les Etats peuvent considérer que les cigarettes sont détenues par un particulier à des fins commerciales apparaît trop élevé. Le Gouvernement, conscient de ce problème, a diffusé un mémorandum sur le tabac le 28 novembre 2003. Dans ce mémorandum, la France propose d'étudier avec ses principaux voisins et la Commission européenne les modalités d'un aménagement de la législation en vigueur permettant de renforcer la lutte contre le tabagisme et ses conséquences en termes de santé publique. Les autorités françaises ont proposé : une modification du mécanisme de taxation, pour permettre un resserrement rapide des écarts des fiscalités constatés entre les différents marchés nationaux, avec notamment une réévaluation très significative du taux minimal communautaire de l'accise applicable aux cigarettes ; une modification du régime des ventes à distance de tabacs, afin de lutter contre les fraudes qui conduisent certains opérateurs, situés dans les Etats membres où les prix sont les plus bas, à développer les envois de tabacs achetés à distance par les consommateurs situés dans les Etats membres où les prix sont les plus élevés ; une modification des dispositions de la directive 92/12/CEE, qui permettent actuellement aux particuliers d'un Etat membre d'aller acquérir et de rapporter, par leurs propres moyens et à des fins de consommation personnelle des tabacs acquis dans un autre Etat membre ; enfin, le gouvernement français a proposé que la réglementation communautaire favorise une plus grande implication des fabricants dans la lutte contre les trafics illicites, notamment en matière de traçabilité des flux des produits du tabac. En avril dernier, la Commission a présenté un rapport relatif à l'application des articles 7 à 10 de la directive 92/12/CEE relative au régime général, à la détention, à la circulation et aux contrôles des produits soumis à accise, ainsi qu'une proposition de directive du Conseil modifiant ce texte. Dès lors que les produits du tabac sont universellement reconnus comme des produits dangereux pour la santé, la France souhaite que, au terme de la négociation qui vient de s'ouvrir à Bruxelles sur la révision de la directive 92/12/CEE, le régime des ventes à distance de tabacs manufacturés soit mieux encadré et que la faculté pour les particuliers d'acquérir du tabac dans un autre Etat membre puisse être restreinte avec l'instauration d'un seuil obligatoire. La détention desdits produits devrait être réputée détention commerciale ou vente à distance dès le dépassement du seuil, sauf si le particulier démontre que ces produits sont destinés à un usage purement privé. Ces dispositions viseraient notamment à conforter les politiques nationales de santé publique par le biais d'une hausse importante de la fiscalité et des prix de vente publics. Il convient par ailleurs de rappeler que, au plan interne, le Gouvernement a mis en place un ensemble de mesures en faveur de la profession des débitants de tabac à l'occasion de l'augmentation des prix du tabac justifiée par la politique de santé publique de lutte contre le tabagisme, notamment des jeunes, intervenue le 5 janvier dernier. Il a notamment arrêté un plan d'aide de 150 millions d'euros en 2004 en faveur des buralistes, afin d'augmenter leur rémunération et de compenser une partie de la perte de leur revenu lié au tabac.

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