Question de M. TRÉGOUËT René (Rhône - UMP) publiée le 20/02/2003

M. René Trégouët attire l'attention de M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées sur un phénomène qui a tendance à se développer en médecine du travail. On note dans certaines branches professionnelles une tendance d'un certain nombre de médecins du travail à utiliser l'avis médical " Inaptitude totale à tout poste au sein de l'entreprise " de salariés. Cela débouche sur un problème sérieux pour de nombreuses petites et moyennes entreprises qui, face à ces avis d'inaptitude, n'ont d'autre choix que de licencier ces salariés qui vont ensuite contester cette mesure. Dans l'écrasante majorité des contentieux, les entreprises se voient condamnées pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse, ce qui aboutit à mettre en péril leur trésorerie et rejaillit sur la situation de l'ensemble du personnel. Or ces avis d'inaptitude ne peuvent être contestés que devant la juridiction administrative, qui est très lente, et l'éventuelle erreur de diagnostic du médecin du travail (l'inaptitude médicale totale est en réalité rarissime) n'est que très tardivement corrigée. D'aucuns parlent d'instrumentalisation par ces médecins du travail de ces avis d'inaptitude totale, ce qui aboutirait à un dévoiement de leur mission, qui est également celle d'assister et de conseiller l'employeur qui les rémunère. Un mécanisme de mise en cause de la responsabilité professionnelle des médecins du travail est-il envisageable ? Pour quelles raisons ?

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Transmise au Ministère des affaires sociales, du travail et de la solidarité


Réponse du Ministère des affaires sociales, du travail et de la solidarité publiée le 05/02/2004

L'honorable parlementaire a bien voulu attirer l'attention de M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité sur l'avis d'inaptitude à tout poste délivré par le médecin du travail, et plus généralement sur les recours possibles contre cet avis. La constatation de l'inaptitude du salarié à son poste de travail suit une procédure qui comporte deux examens médicaux espacés d'un délai de deux semaines au cours desquelles le médecin du travail peut prendre en compte les problèmes d'adaptation au poste de travail et commencer à envisager un reclassement dans l'entreprise (art. R. 241-51-1 du code du travail). A l'issue de cette procédure, le médecin du travail ne peut se limiter à faire le constat d'une inaptitude sans chercher à proposer des mesures individuelles telles que des mutations ou transformations de postes, propositions que l'employeur est tenu de prendre en considération, et, en cas de refus, celui-ci doit faire connaître les motifs qui s'opposent à ce qu'il y soit donné suite. En l'absence de propositions de reclassement de la part du médecin du travail, l'employeur doit solliciter auprès de lui de telles propositions. Cette procédure constitue une garantie pour le salarié de ne pas se voir, sauf dans le cas où le maintien à son poste entraîne un danger immédiat pour la santé ou la sécurité de l'intéressé ou celle des tiers, exclu de l'entreprise alors qu'existent des postes qu'il pourrait occuper. L'avis du médecin du travail qui serait considéré comme insuffisamment soutenu par des considérations sur les possibilités de mutation et de transformation de poste peut être porté devant l'inspecteur du travail pour réexamen de la situation. La saisine de l'inspecteur du travail peut être à l'initiative de l'employeur, comme à celle du salarié ; ainsi, l'employeur qui estimerait que l'avis d'inaptitude à tout poste ne tient pas compte de l'existence de certains postes dans l'entreprise peut, en ayant recours à l'inspecteur du travail, s'assurer de la validité de cette position. Seul le recours administratif devant l'inspecteur du travail contre l'avis délivré par le médecin du travail est possible, la décision administrative qui en résulte étant elle-même susceptible d'un recours juridictionnel devant le juge administratif. Il en découle que le juge judiciaire ne peut opérer le contrôle juridictionnel de l'avis du médecin du travail et qu'il ne peut ordonner une expertise judiciaire sur l'avis délivré par le médecin du travail. Dès lors, si le licenciement est prononcé par l'employeur sur le motif tiré de l'inaptitude du salarié et de l'impossibilité de reclassement qui en résulte, le salarié ne peut plus contester devant le juge du contrat l'avis du médecin du travail. L'aptitude constitue une question centrale pour la médecine du travail et la santé au travail en général. C'est pourquoi la réforme de la médecine du travail, après que la modernisation des structures et les mesures de renforcement de la démographie médicale auront été menées à bien, devra se poursuivre sur le terrain de l'aptitude.

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