Question de M. GRIGNON Francis (Bas-Rhin - UMP) publiée le 02/04/2003

M. Francis Grignon attire l'attention de M. le ministre de la culture et de la communication sur le projet de transposition en droit français de la directive européenne n° 2001-29 du 22 mai 2001 relative à " l'harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information " par une modification du code de la propriété intellectuelle. Les conditions de cette transposition peuvent avoir, selon l'option choisie, de graves conséquences pour l'enseignement supérieur et la recherche. En effet, cette directive européenne offre la possibilité d'exempter l'enseignement supérieur et la recherche du paiement des droits et de toute compensation financière. Cette position correspond au choix effectué par la plupart des États de l'Union européenne, elle est aussi celle du ministère de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. Les universités s'acquittent déjà de la redevance pour les photocopies, ce qui représente un montant de 2,4 millions d'euros en 2002. Ajouter le droit d'auteur et les droits voisins pour les documents numériques alourdirait les charges financières des universités, et les établissements se tourneraient vers leur ministère de tutelle pour un abondement proportionnel de leurs dotations. En outre, l'accès des chercheurs, enseignants-chercheurs et des étudiants aux documents numériques risquerait de se voir limité. A la lumière de ces éléments, il lui demande de bien vouloir lui indiquer quelle est la position du ministère de la culture et de la communication sur les conditions de cette transposition.

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Réponse du Ministère de la culture et de la communication publiée le 30/04/2003

Réponse apportée en séance publique le 29/04/2003

M. le président. La parole est à M. Francis Grignon, auteur de la question n° 228, adressée à M. le ministre de la culture et de la communication.

M. Francis Grignon. Monsieur le ministre, tout d'abord, permettez-moi de vous remercier de vous être déplacé pour répondre à cette seule question, qui sera courte, concise et précise.

M. le président. Le Sénat apprécie beaucoup la présence des ministres aux séances de questions orales. Je suis heureux de leur en faire part et de les remercier, car ce n'était pas le cas dans le passé.

Veuillez poursuivre, mon cher collègue.

M. Francis Grignon. Ma question porte sur le projet de transposition en droit français de la directive européenne n° 2001-29 du 22 mai 2001 relative à l'harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information par une modification du code de la propriété intellectuelle.

Les conditions de cette transposition peuvent avoir, selon l'option choisie, de graves conséquences pour l'enseignement supérieur et la recherche.

En effet, cette directive européenne pourrait offrir la possibilité d'exempter l'enseignement supérieur et la recherche du paiement des droits et de toute compensation financière. Cette position correspond au choix effectué par la plupart des Etats de l'Union européenne ; c'est aussi celle du ministère de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche.

Les universités acquittent déjà la redevance pour les photocopies, laquelle a atteint un montant de 2,4 millions d'euros en 2002. Ajouter les droits d'auteur et les droits voisins pour les documents numériques alourdirait les charges financières des universités ; dès lors, les établissements se tourneraient bien évidemment vers leur ministère de tutelle pour un abondement proportionnel de leurs dotations.

En outre, l'accès des chercheurs, enseignants-chercheurs et des étudiants aux documents numériques risquerait d'être limité.

Compte tenu de ces éléments, monsieur le ministre, je souhaiterais que vous nous indiquiez la position du ministère de la culture et de la communication sur les conditions de cette transposition.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Jacques Aillagon, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le président, j'estime qu'il est du devoir des ministres de se rendre au Sénat pour répondre aux questions de la représentation nationale. Pour ma part, je le fais toujours très volontiers, en toute amitié.

Monsieur le sénateur, la propriété littéraire et artistique ne doit pas être considérée comme l'ennemi de l'enseignement et de la recherche. Au contraire, dans la mesure où elle assure aux productions de l'esprit, c'est-à-dire de la recherche, protection et juste rémunération, elle en est le complément.

Ainsi, l'introduction, dans la loi de transposition de la directive du 22 mai 2001, d'une exception pédagogique de caractère général au profit des établissements d'enseignement supérieur, ne peut, à mes yeux, être envisagée, car elle serait incompatible, dans la lettre comme dans l'esprit, avec cette directive et certains traités internationaux, comme l'accord relatif aux droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce. En effet, l'ensemble de ces textes interdisent toute exception générale de nature à porter atteinte à l'exploitation normale des oeuvres ou à causer un préjudice injustifié aux intérêts légitimes des ayants droit.

Sur le plan économique, une telle initiative serait de nature à spolier les créateurs, les auteurs, les chercheurs de leur droit de propriété en associant d'ailleurs à cette spoliation ceux qui produisent les oeuvres ou les éditent.

La prise en compte des besoins réels des établissements d'enseignement supérieur ne peut, de mon point de vue, résulter que d'un dialogue, pouvant déboucher sur des conventions, entre les représentants des universités - sans doute sous la tutelle de leur ministère - et les ayants droit. Au cours des années récentes, ces derniers ont démontré leur disponibilité à conclure des accords avec le ministère chargé de l'éducation et de la recherche ; ils ont tous consenti, à cette occasion, des efforts de modération concernant les rémunérations.

Au demeurant, le Gouvernement est pleinement conscient des préoccupations des établissements d'enseignement supérieur. C'est pourquoi, avec mes collègues Luc Ferry, Xavier Darcos et Claudie Haigneré, j'ai mis en place des groupes de travail conjoints associant les représentants des ayants droit et les représentants des différents secteurs de l'enseignement supérieur.

Ces groupes de travail doivent permettre de trouver une voie adéquate pour parvenir, avant la fin de cette année, à un juste équilibre entre le respect des droits de propriété littéraire et artistique et les intérêts publics.

Monsieur le sénateur, je sens que ma réponse va vous décevoir mais il ne faut pas oublier que les chercheurs trouvent dans l'édition de leurs travaux une source de rémunération. Si tous ceux qui en sont les destinataires bénéficient d'emblée de mesures d'exemption, qui demain financera ces travaux ?

C'est la raison pour laquelle il nous faut garder une juste mesure entre l'ouverture de la documentation à l'enseignement supérieur et le respect scrupuleux du droit des auteurs, qui est l'un des fondements du droit français.

M. le président. La parole est à M. Francis Grignon.

M. Francis Grignon. Même si l'exemption générale est impossible - je l'ai bien compris, monsieur le ministre -, vous avez néanmoins pris en compte le problème et trouvé des mesures qui permettront d'adoucir un peu les contraintes des universités.

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