Question de M. BOYER André (Lot - RDSE) publiée le 03/04/2003

M. André Boyer appelle l'attention de M. le Premier ministre sur la nécessité impérieuse de défendre nos services publics dans les négociations de l'accord général du commerce des services (AGCS) au sein de l'Organisation mondiale du commerce (OMC). La conférence ministérielle de Doha en décembre 2001 a arrêté les étapes techniques de ces négociations, en fixant au 31 mars 2003 la date de remise des offres de libéralisation de services. Malgré les affirmations répétées du commissaire européen au commerce, selon lesquelles les services publics et l'exception culturelle ne seront pas concernés, les propositions de la commission, préparées en concertation avec les Etats membres et dévoilées le 5 février dernier, inquiètent comme en attestent l'appel récent en faveur d'un moratoire de 200 élus européens, nationaux et locaux ou celui de nombreuses ONG et organisations syndicales. Premier exportateur et importateur de services, l'Union européenne peut avoir intérêt à cet accord mais il serait inacceptable que celui-ci aboutisse à l'affaiblissement de nos services publics, élément central de la cohésion sociale et territoriale, au démantèlement du modèle social européen ou encore de la capacité des collectivités à adopter des politiques publiques locales. II lui demande que soient rapidement données les précisions nécessaires sur la position du gouvernement français et le mandat de la commission européenne dans la négociation de l'AGCS et qu'en raison de son importance, soit organisé un débat au Parlement sur ce sujet décisif.

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Transmise au Ministre de l'économie, des finances et de l'industrie


Réponse du Ministre de l'économie, des finances et de l'industrie publiée le 15/05/2003

De nouvelles négociations sur le commerce des services ont été lancées le 1er janvier 2000 à l'Organisation mondiale du commerce (OMC) et sont partie intégrante de l'agenda du développement de Doha. Troisième exportateur mondial de services, la France a de nombreux intérêts à participer activement à ces négociations, qui visent à réduire les effets défavorables de certaines mesures, anciennes ou nouvelles, sur le commerce des services, en promouvant les intérêts de tous les participants et en assurant l'équilibre global des droits et obligations. Dans le cadre de ces négociations, le souci de préserver les services publics n'est pas nouveau. A la demande de plusieurs Etats membres, dont la France, il a été pris en compte par le négociateur communautaire lors de la négociation de l'accord général du commerce des services (AGCS) pendant le cycle d'Uruguay qui nous a amenés pour l'essentiel à consolider notre droit existant à l'époque. L'Union européenne a fait figurer dans son offre une disposition précisant que, dans tous les Etats membres, les services considérés comme services publics sur le plan national ou local peuvent faire l'objet de monopoles publics ou de droits exclusifs réservés à des fournisseurs privés. L'offre de libéralisation de l'Union n'a comporté d'engagements que dans le secteur privé, concurrentiel et marchand à l'exclusion de l'ensemble du service public. Elle a en outre consolidé à l'OMC les dispositions déjà en vigueur au titre de notre droit, et qui permettent à des prestataires de services originaires de pays tiers de s'installer ou d'exercer dans notre pays, sous certaines conditions très précises (exigences de qualification, de déontologie, par exemple ; limitations quantitatives dans le secteur de la santé afin de préserver nos instruments de régulation de l'offre). L'AGCS n'exclut a priori aucun secteur. Alors que, dans un certain nombre de cas, des activités se partagent entre services publics et services privés, l'exclusion formelle des services publics requerrait un consensus sur le champ et la définition qui serait difficile à trouver. Chaque Etat, chaque membre de l'OMC a sa conception du service public, au-delà de la seule définition des services gouvernementaux figurant dans l'AGCS. C'est pourquoi la préservation des services publics repose fondamentalement sur le mécanisme de négociation par listes positives et limitations de l'AGCS reconduit pour les négociations en cours. De par ce mécanisme, aucun membre ne peut se voir contraint à privatiser un service public contre son gré, ni à l'offrir à la concurrence. Les ouvertures réalisées correspondent à la situation effective prévalant chez un membre, et souhaitée par celui-ci, de par la possibilité de limiter le champ de l'ouverture selon une définition propre, de poser des limitations en termes d'accès au marché ou de traitement national. La nouvelle négociation en cours, prévue par les accords de Marrakech, conduit la France à réaffirmer ces mêmes principes. L'Union européenne étant déjà très ouverte dans le domaine des services, nous ne sommes pas hostiles à ce que cette négociation couvre un large champ de secteurs. Encore faut-il que nos attentes soient prises en compte, afin que les politiques d'encouragement à la diversité culturelle et les services publics ne soient pas remis en cause dans le cadre de cette négociation. La France veillera à ce que l'Union européenne n'offre pas la libéralisation de ses services publics tels qu'ils sont conçus et protégés dans l'Union, le degré de libéralisation atteint au plan interne ou communautaire constituant notre élément de référence à l'OMC, et à ce que soient préservés les équilibres trouvés dans le cadre de l'accord général du commerce des services. Ces préoccupations ont déjà été intégrées dans la négociation en cours et dans la participation de l'Union européenne. Celle-ci s'est abstenue de présenter à ses partenaires des demandes de libéralisation dans les secteurs sensibles de l'éducation (à l'exception d'une demande très spécifique aux Etats-Unis), de la santé, de la culture et ne consent aucune offre nouvelle en la matière. L'élaboration de l'offre communautaire intègre la nécessité de préserver l'intégrité des politiques de service public nationales et européennes, avec le souci constant de la convergence et de l'homogénéité des exercices conduits dans le cadre national, européen et multilatéral. Le Gouvernement s'attache au dialogue et à l'explication auprès des élus et des représentants de la société. Des réunions d'information et de discussion sur les négociations du cycle de Doha sont organisées par le ministre délégué au commerce extérieur avec ces représentants, associant des parlementaires. Le Gouvernement confirme son attachement à informer la représentation nationale de l'évolution de l'ensemble de la négociation du cycle de Doha.

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