Question de M. del PICCHIA Robert (Français établis hors de France - UMP) publiée le 24/07/2003

M. Robert Del Picchia attire l'attention de M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie sur un rapport de l'ONG (Organisation non gouvernementale) américaine " Foreign Policy ". La première édition annuelle de l'indice de l'engagement pour le développement (IED) classe vingt et un pays riches en fonction de six critères : les aides internationales, la politique commerciale, les investissements dans les pays en développement, la politique migratoire, la contribution aux opérations de maintien de la paix et la défense de l'environnement. La France est classée en 14e position derrière les Pays-Bas, le Danemark et le Portugal. Il lui demande quelle interprétation de la politique d'aide au développement de la France doit être faite au regard de ce rapport, et quelles conséquences sur l'image de la France ce type de classement peut avoir.

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Réponse du Ministère délégué à la coopération et à la francophonie publiée le 18/09/2003

La revue Foreign Policy a publié une étude réalisée par le Center for Global Development, institut de recherche installé à Washington et spécialisé depuis sa création dans les questions de développement. L'approche qui sous-tend les analyses menées dans le cadre du programme Ranking the Rich est la suivante : l'aide n'est que l'un des facteurs qui influencent le développement des pays du Sud. Selon leurs auteurs, les politiques conduites par les pays industrialisés dans d'autres domaines auraient un impact équivalent, voire supérieur. En conséquence, la construction de l'indice de l'engagement pour le développement élaboré par cet institut prend en compte, outre les flux d'aide envers les pays en développement, les politiques commerciales, environnementales, migratoires, d'investissement et de maintien de la paix des vingt et un pays pour lesquels l'indice a été calculé. L'article publié dans la revue Foreign Policy a pour objectif d'alerter les pays riches et de sensibiliser leurs opinions publiques. Les commentateurs ont notamment relevé dans cette publication les bons résultats de trois pays (Pays-Bas, Danemark et Portugal) et inversement les résultats médiocres du Japon et des Etats-Unis. La France se trouve dans une position moyenne, sa note étant en particulier tirée vers le bas par l'appréciation portée sur sa politique migratoire. L'idée générale de ces travaux est intéressante : il est vrai que le développement de nos partenaires du Sud ne dépend pas exclusivement des aides financières qui leur sont apportées. Le thème de la cohérence globale des politiques des pays industrialisés dans ce domaine est d'ailleurs de plus en plus souvent évoqué dans les débats des bailleurs de fonds. La construction d'un indice global pour mesurer les efforts réalisés en faveur des pays en développement est donc séduisante. Elle est cependant d'une mise en oeuvre très délicate. En l'occurrence, le Center for Global Development s'est limité à une agrégation arithmétique d'éléments extrêmement hétérogènes, chacun d'entre eux résultant lui-même souvent d'une interprétation subjective et sujette à caution. L'approche quantitative par les montants d'aide accordés est comparativement moins sophistiquée, mais plus sûre. Elle doit donc rester le premier niveau d'analyse. C'est la raison pour laquelle le Président de la République et le Gouvernement l'ont utilisée pour fixer l'objectif d'une augmentation de 50 % de notre effort en cinq ans pour le porter à 0,50 % de notre produit intérieur brut. En 2002, l'aide publique au développement française a déjà augmenté et représente 0,36 % de notre richesse nationale, soit le meilleur taux des pays du G7 et plus que la moyenne des chiffres constatés au sein de l'Union européenne (0,34 %). Il convient bien sûr de ne pas limiter la réflexion à ce seul aspect, même s'il est fondamental. Les autres aspects à prendre en compte ne sont toutefois pas d'égale importance. La meilleure insertion des pays du Sud dans le commerce mondial est un facteur essentiel de leur développement économique. C'est pourquoi le Président de la République a lancé " l'initiative commerciale pour l'Afrique ", lors de la dernière conférence des chefs d'Etat Afrique-France, en proposant que des mesures soient prises au plan international pour faciliter cette insertion. Les progrès qui seront réalisés dans la mise en oeuvre de ces propositions auront un effet très positif pour les pays du Sud, pourtant la mobilisation de la communauté internationale autour de ces propositions ne pourra bien sûr pas être portée au crédit de notre pays dans un indice comme celui du Center for Global Development. De même, les flux d'investissements du Nord vers le sud sont effectivement un facteur important de développement. Mais ils sont le résultat de décisions individuelles des opérateurs économiques, dépendant des conditions qui leur sont offertes par les économies en développement et non, en tant que tels, une mesure de l'aide apportée par les gouvernements du Nord. Inversement, un indice quantitatif ne peut pas prendre en compte l'aide apportée par la France à ses partenaires pour améliorer les conditions proposées aux investisseurs, par exemple en améliorant la sécurité juridique par le biais de l'Organisation pour l'harmonisation du droit des affaires en Afrique (OHADA), fortement soutenue par notre pays. Au total, les travaux du Center for Global Development ont le grand mérite de rappeler la nécessité d'une vision d'ensemble de nos relations avec les pays en développement. En revanche, leurs résultats chiffrés paraissent devoir être appréciés avec une grande prudence en raison de leur caractère réducteur et de la part d'arbitraire contenue dans la méthode adoptée.

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