Question de Mme DURRIEU Josette (Hautes-Pyrénées - SOC) publiée le 06/11/2003

Mme Josette Durrieu attire l'attention de M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer sur les difficultés rencontrées par les communes dans l'application du droit des enquêtes publiques, tant en termes de délai des enquêtes que de pouvoirs du commissaire enquêteur. Dans son département, se pose ainsi un problème de retard dans le dépôt des conclusions du commissaire enquêteur, à l'occasion de la création d'un équipement à usage commercial d'une superficie hors oeuvre nette supérieure à 10 000 mètres carrés. En l'espèce, il n'est pas possible d'obliger le commissaire enquêteur à rendre ses conclusions sur l'enquête publique dont il a la charge, dans des délais raisonnables, qui ne semblent pas clairement définis par les textes. D'une part, l'article 20 du décret n° 85-453 du 23 avril 1985 modifié applicable aux enquêtes dites de la " loi Bouchardeau " prévoit un délai d'un mois à compter de la date de clôture de l'enquête. D'autre part, le troisième alinéa de l'article 139 de la loi n° 2002-276 du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité, modifiant l'article L. 11-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, impose au commissaire enquêteur de rendre ses conclusions, dans un délai de six mois maximum après l'ouverture de l'enquête publique. Cette mesure visait bien à harmoniser les régimes des différents types d'enquête publique, mais l'article 20 du décret précité n'a pas été modifié en ce sens. Il convient de préciser que le délai retenu pour remettre les conclusions de toutes les enquêtes d'utilité publique, de quelque nature qu'elles soient, est de six mois maximum après le début de l'enquête comme le faisaient apparaître les débats et l'esprit du législateur le 17 février 2002. Il faut aussi préciser que le commissaire enquêteur ne devrait pas pouvoir s'affranchir des contraintes du délai et que, si tel était le cas, la réglementation devrait prévoir que toute conclusion non remise, dans les délais indiqués, serait réputée être un avis favorable au dossier. Il est maintenant urgent d'apporter ces précisions à la loi car de nombreuses collectivités locales voient des projets injustement bloqués, des emplois et des territoires menacés, par des comportements préjudiciables. Il faut aussi dénoncer une situation de responsabilité inexistante pour ce type de mission puisque le président du tribunal administratif, qui a nommé le commissaire enquêteur, n'a aucun moyen légal de faire respecter des délais raisonnables pour la remise du rapport.

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Transmise au Ministère de l'écologie et du développement durable


Réponse du Secrétariat d'Etat au développement durable publiée le 17/12/2003

Réponse apportée en séance publique le 16/12/2003

Mme Josette Durrieu. Ma question, qui s'adressait à M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer, concerne les difficultés rencontrées, notamment par les collectivités, dans l'application du droit des enquêtes publiques avec les commissaires enquêteurs. Je souhaite évoquer le problème des délais d'enquêtes publiques et des pouvoirs consentis aux commissaires enquêteurs.

Dans mon département, s'est récemment posé un problème - ce qui nous permet de mieux l'analyser - de retard dans le dépôt des conclusions du commissaire enquêteur à l'occasion d'un important projet, la création d'un équipement à usage commercial d'une superficie hors oeuvre nette de 10 000 mètres carrés. Pour entrer dans le détail, l'enquête d'utilité publique a commencé le 16 juin dernier et les conclusions ont été rendues le 15 novembre. Sans vouloir porter atteinte à l'indépendance reconnue des commissaires enquêteurs, il est bien évident que nous avons été, pendant ce délai, fort intrigués, d'abord, par l'allongement de la durée de l'enquête - deux semaines -, ensuite, par le non-rendu de ses conclusions au bout de trois mois. L'avis défavorable qui a été donné ne nous a pas surpris, car il avait été précédé de nombreux incidents.

En l'occurrence, on ne peut obliger le commissaire enquêteur à rendre ses conclusions sur l'enquête publique dont il a la charge dans des délais raisonnables, qui, apparemment, ne semblent pas bien définis dans les textes. D'une part, l'article 20 du décret n° 85-453 du 23 avril 1985 modifié applicable aux enquêtes dites de la loi Bouchardeau prévoit un délai d'un mois à compter de la date de clôture de l'enquête. Ce délai a largement été dépassé dans le cas que j'ai exposé. D'autre part, le troisième alinéa de l'article 139 de la loi n° 2002-276 du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité, modifiant l'article L. 11-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, impose au commissaire enquêteur de rendre ses conclusions dans un délai de six mois maximum après l'ouverture de l'enquête publique.

Aujourd'hui, dans la mesure où les textes n'ont pas été harmonisés, aucun moyen ne permet de faire respecter l'une ou l'autre de ces dispositions. Or le législateur, par le dépôt d'un amendement d'origine sénatoriale au cours d'un débat qui a été riche - il s'agissait de l'amendement n° 607 -, a cherché à harmoniser les régimes des différents types d'enquête publique. Cependant, à ce jour, madame la secrétaire d'Etat, l'article 20 du décret précité n'a pas encore été modifié en ce sens. Il est donc urgent de préciser que le délai retenu pour remettre les conclusions de toutes les enquêtes d'utilité publique, quelle que soit leur nature, est bien de six mois maximum après le début de l'enquête, comme le faisaient apparaître les débats qui ont eu lieu ici même le 17 février 2002. Il est également urgent de préciser que le commissaire enquêteur ne devrait pas pouvoir s'affranchir des contraintes de délai, sauf à vérifier qu'il s'agit d'une carence ou d'une volonté de blocage. Dans ce cas, la réglementation devrait prévoir que toutes conclusions non remises dans les délais indiqués seraient réputées valoir avis favorable sur le dossier.

Il est urgent d'inscrire ces précisions dans la loi, car de nombreuses collectivités locales voient des projets injustement bloqués. Je rappelle, si besoin était, que toute la procédure est arrêtée tant que cet avis n'est pas donné. Par conséquent, ce sont des projets qui sont injustement bloqués. Ce sont souvent des emplois et des territoires qui sont menacés par des comportements individuels souvent préjudiciables. Il faut aussi dénoncer une situation de responsabilité totalement inexistante pour ce type de mission, puisque le président du tribunal administratif qui a nommé le commissaire enquêteur ne dispose ensuite d'aucun moyen légal afin de faire respecter des délais raisonnables pour la remise du rapport.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'Etat.

Mme Tokia Saïfi, secrétaire d'Etat au développement durable. Madame la sénatrice, en réponse à votre question, je voudrais vous apporter les éléments que m'a transmis Gilles de Robien, qui ne pouvait être présent ce matin.

L'article R. 11-10 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ainsi que l'article 20 du décret n° 85-453 du 23 avril 1985 pris pour application de la loi n° 83-630 du 12 juillet 1983 relative à la démocratisation des enquêtes publiques et à la protection de l'environnement, dite loi Bouchardeau, prévoient que le commissaire enquêteur ou la commission d'enquête transmet son rapport et ses conclusions motivées dans un délai d'un mois à compter de la date de clôture de l'enquête.

Afin de réduire les délais, l'article 139 de la loi n° 2002-276 du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité a effectivement introduit, à la suite d'un amendement parlementaire, un délai maximal de six mois pour la production de son rapport par le commissaire enquêteur, étant précisé que ce délai est calculé à partir de l'ouverture de l'enquête et ne concerne que les enquêtes préalables à une déclaration d'utilité publique, et non les enquêtes qui relèvent de la loi Bouchardeau.

Pour l'instant, les délais n'ont pas été harmonisés au niveau réglementaire. En effet, le Gouvernement va proposer dans la seconde loi d'habilitation pour simplifier le droit, qui est en cours de préparation, une mesure générale ayant pour objet de simplifier et d'harmoniser les différents régimes d'enquête publique. Ainsi, cette question du délai dont dispose le commissaire enquêteur pour rendre son rapport pourra très utilement être examinée dans ce cadre.

Les textes ne comportent aucune sanction en cas de non-respect de ces délais par le commissaire enquêteur, ce qui s'explique par l'indépendance conférée à cette fonction. Il est néanmoins souhaitable de conduire une réflexion sur la formation des commissaires enquêteurs, l'évaluation de leur travail et, le cas échéant, la révision des listes d'aptitude.

M. le président. La parole est à Mme Josette Durrieu.

Mme Josette Durrieu. Madame la secrétaire d'Etat, je vous remercie. Je prends acte du fait qu'une mesure générale d'harmonisation sera prise. Vous n'avez pas précisé quand, mais c'est urgent. Vous avez fait référence à l'indépendance des commissaires enquêteurs. On peut respecter l'indépendance du commissaire enquêteur dans son travail. Mais si le commissaire enquêteur a des droits, il a aussi des obligations. Les collectivités qui sont en face n'ont-elles aucun droit ? Tel ne doit pas être l'esprit de la loi. En tout cas, ce n'était pas l'esprit du législateur quand il a élaboré cet amendement que, par un concours de circonstances, j'ai cosigné.

Il est temps d'harmoniser les choses. Dans le cadre de la décentralisation qui se met en place, il est important, rapidement, de rendre aux collectivités porteuses de responsabilités économiques les droits qui sont les leurs. En effet, dans certains cas, on est à la limite de l'irrégularité substantielle, quand des blocages partisans peuvent, à un certain moment, soit neutraliser un projet et un territoire, soit favoriser d'autres projets et d'autres territoires.

Il nous faut réfléchir à cette notion, brutale, de favoritisme. Il y aurait, dites-vous, une possibilité d'atteinte à l'indépendance du commissaire enquêteur. Sûrement pas ! A partir du moment où l'on confère des pouvoirs à quelqu'un, il faut savoir quelles en sont les limites. En effet, lorsque le président du tribunal administratif a désigné le commissaire enquêteur, celui-ci est en quelque sorte lâché dans la nature et il peut effectivement faire ce qu'il veut.

Je vous remercie de m'avoir rassurée en partie, madame la secrétaire d'Etat, même si, je le répète, vous ne m'avez pas dit à quelle date interviendrait l'harmonisation par la voie réglementaire.

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