Question de Mme LUC Hélène (Val-de-Marne - CRC) publiée le 02/06/2004

Mme Hélène Luc attire l'attention de M. le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur la décision brutale de la direction générale du groupe FACOM de supprimer 248 postes sur l'ensemble de ses sites français avec pour conséquence la fermeture du site de fabrication de Villeneuve-le-Roi, dans le Val-de-Marne. Alors que le Président de la République a décrété l'année 2004 comme " année de la mobilisation pour l'emploi ", il est du devoir du Gouvernement d'agir pour la sauvegarde et la promotion des capacités industrielles de notre pays, pour préserver la technologie et le savoir-faire unique d'entreprises comme la FACOM et de s'opposer aux délocalisations abusives dont notre économie est victime. Monsieur le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie s'en inquiète lui-même, c'est pourquoi elle lui demande de prendre à ce sujet les mesures urgentes qui s'imposent pour permettre le maintien du site de Villeneuve-le-Roi, dont la qualité de production et la viabilité sont incontestables.

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Réponse du Ministère déléguée à la lutte contre la précarité et l'exclusion publiée le 16/06/2004

Réponse apportée en séance publique le 15/06/2004

Mme Hélène Luc. Madame la ministre, je ne vous cacherai pas que, malgré tout le respect que j'ai pour vous, j'aurais préféré que ce soit M. Sarkozy, M. Devedjian ou M. Larcher, qui s'occupe de l'emploi, qui me réponde - mais je sais qu'il y a aujourd'hui une réunion avec les syndicats.

Ma question est grave et, par là même, la réponse que M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a préparée et qu'il vous a chargée de me transmettre démontrera la volonté politique qu'a le Gouvernement d'apporter une solution au problème des délocalisations.

Les ingénieurs, cadres et techniciens, ouvriers et employés de la prestigieuse entreprise FACOM à Villeneuve-le-Roi, à qui M. Ladret de Lacharrière, actionnaire principal du groupe FIMALAC, propriétaire de la FACOM, a annoncé, le 14 mai dernier, une fermeture totale n'acceptent pas cette décision, car il y va du travail de 203 travailleurs - 248 avec le site allemand - hautement qualifiés et de la vie de leurs familles.

M. Ladret de la Charrière sait-il ce que représente cette entreprise pour ses personnels ? Les salariés ont conscience que leur travail a fait la renommée mondiale de leur entreprise, qui doit à un savoir-faire inégalé d'être le fleuron de l'industrie française. Les ateliers d'entretien et les bricoleurs, eux, le savent bien !

Madame la ministre, mes chers collègues, j'ai amené deux clés FACOM. (Mme Hélène Luc brandit deux clés.) Tant pis si faire de la publicité n'est pas autorisé ! Ces clés, que chacun connaît, sont incassables, et c'est cela la grande qualité de cette production. Les salariés en produisent 24 000 ; ils pourraient en produire 42 000.

La qualité est due au matériau utilisé, un acier très dur, et au fait qu'il est traité par la forge à froid. Or le site de Villeneuve-le-Roi est justement le seul à avoir une presse de 1 600 tours de forgeage à froid.

Madame la ministre, Il faut lire leur fierté dans les yeux des salariés, mais aussi leur détermination à sauver leur entreprise et à empêcher la délocalisation.

L'exemple de la FACOM illustre avec pertinence ce mal dont souffre notre économie et dont pâtissent les salariés, car il se traduit par la montée inexorable du chômage : je veux parler des délocalisations. En l'occurrence, il s'agit d'une délocalisation vers Taiwan.

Je m'adresse au ministre qui a fait part à la nation, il y a quelques semaines, de son souci devant la multiplication des plans de délocalisation prévus : je dis à M. Sarkozy qu'il a là l'occasion de démontrer sa volonté politique d'agir et je l'engage à venir visiter cette entreprise et dialoguer avec les salariés.

L'annonce de cette fermeture - c'est horrible à dire ! - a provoqué une progression de 11,5 % du titre en bourse.

On comprend dès lors la colère, l'inquiétude, mais aussi la volonté des salariés de ne pas laisser faire et d'être vigilants après ce qui s'est passé à Rennes le week-end dernier à l'usine STM, dont tout le matériel a été déménagé dans la nuit.

Madame la ministre, ce fleuron de l'industrie française doit vivre et prospérer à Villeneuve-le-Roi.

Après avoir gaspillé 40 millions d'euros sur le site de Lieusaint, qui n'a jamais ouvert, et avoir utilisé la sous-traitance, le groupe FIMALAC, pour nous convaincre du caractère incontournable de la fermeture du centre de production FACOM, met en avant une perte de 9 millions d'euros en 2003.

Je viens cependant de démontrer que c'est la responsabilité du propriétaire et des actionnaires qui est en cause : en aucun cas, les salariés ne doivent en supporter les conséquences.

C'est pourquoi les salariés, que j'ai accompagnés jusqu'à la porte du Pavillon Gabriel, sur les Champs-Elysées, pour les soutenir, se sont invités la semaine dernière à l'assemblée générale des actionnaires, qu'ils ont informée de leur action et de leur détermination.

Ne vous y trompez pas, madame la ministre - et, au-delà de vous, je m'adresse à M. le Premier ministre et à M. le ministre d'Etat de l'économie, des finances et de l'industrie -, les salariés veulent faire un exemple en montrant qu'il est possible d'empêcher cette délocalisation.

C'est l'intérêt bien compris des salariés français, qui doivent garder leur capacité industrielle, et des salariés de Taiwan, qui perçoivent des salaires ridiculement bas et qu'il faut aider, car il s'agit en fait d'une sorte de colonialisme, à développer des industries qui leurs soient propres et qui soient adaptées à leurs besoins.

Les salariés de FACOM ne sont pas seuls à lutter, madame la ministre. Ils sont soutenus par des élus à tous les niveaux, par le maire de Villeneuve-le-Roi, par le président du conseil général du Val-de-Marne, M. Christian Favier, par les élus de la région d'Ile-de-France, notamment par le président et le vice-président du conseil régional, MM. Jean-Paul Huchon et Daniel Brunel. Ces élus appellent à la résistance en cette année 2004 proclamée année de la mobilisation pour l'emploi par le Président de la République.

Le conseil régional d'Ile-de-France et le conseil général du Val-de-Marne, suivis de la population du Val-de-Marne, condamnent cette stratégie de rentabilité financière à tout prix. Ils s'engagent à opérer de nouveaux investissements si un projet de développement industriel venait à se substituer à celui de la fermeture.

Les salariés d'Air France, de la SNCF et d'autres clients affichent la même volonté. Le Gouvernement a les moyens de faire prévaloir des solutions alternatives élaborées par les salariés, solutions que je n'ai pas le temps de développer.

C'est pourquoi je soutiens de toutes mes forces ce combat des salariés et des élus. C'est pourquoi, madame la ministre, par votre intermédiaire, je demande au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie d'organiser dans les plus brefs délais une table ronde réunissant l'employeur, les salariés, M. le préfet du Val-de-Marne, M. le président du conseil général du Val-de-Marne, un représentant de la région, les chambres consulaires et tous les élus intéressés, dont le maire de Villeneuve-le-Roi.

Ma question est simple et claire : j'espère une réponse qui le soit aussi, étant précisé que des représentants des salariés et des élus, présents dans les tribunes, l'attendent avec impatience.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Nelly Olin, ministre déléguée à la lutte contre la précarité et l'exclusion. Madame la sénatrice, vous avez appelé l'attention de M. le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur la décision du groupe FACOM relative au site de Villeneuve-le-Roi, dans votre département.

Vous savez souligné, et je vous en remercie, que M. Sarkozy et tout le pôle financier sont retenus par une importante réunion du comité technique paritaire ministériel qui se tient une fois par an. Sachant combien vous êtes attachée au dialogue social avec les syndicats, je ne doute pas que vous comprendrez parfaitement la situation.

Mme Hélène Luc. M. Larcher, lui, aurait pu venir.

Mme Nelly Olin, ministre déléguée à la lutte contre la précarité et l'exclusion. Au demeurant, je pense que nous sommes capables de vous apporter une réponse.

Tout d'abord, je rappellerai quelques faits.

L'entreprise FACOM présente un résultat d'exploitation en baisse sur un an de 48 %, soit de 17 millions d'euros. Elle connaît une dégradation de sa compétitivité en raison des coûts de main-d'oeuvre pratiqués par des pays à très bas salaires, comme la Chine et Taïwan, que vous avez cités. La situation de la société FACOM est marquée par un surendettement qui s'est élevé, en 2003, à 25 millions d'euros. L'endettement cumulé se situe, quant à lui, à hauteur de 105 millions d'euros, soit cinq fois le montant des capitaux propres de l'entreprise. Pour le seul site de production de Villeneuve-le-Roi le déficit constaté atteint les 3 millions d'euros pour la même période.

Cette situation a conduit le groupe FACOM à envisager la suppression de 248 postes. Sont concernés le siège de Morangis en Essonne et le site de Villeneuve-le-Roi spécialisé dans la production de clés plates et de pinces dont vous nous avez présenté des modèles.

Le ministre d'Etat a demandé aux préfets des deux départements concernés - ce qui répond clairement à votre demande - de recevoir les dirigeants de FACOM et les élus.

La réunion s'est tenue le 2 juin dernier. On peut en retenir que le président directeur général de FACOM a exposé les motifs du projet de fermeture de l'usine de Villeneuve-le-Roi, après avoir rappelé les efforts déjà entrepris : application de mesures d'âge il y a trois ans, puis spécialisation des usines. Il a présenté la fermeture de l'usine de Villeneuve-le-Roi comme la conséquence de sa position sur le secteur du produit le plus « banal » et donc le plus exposé à la concurrence : celui des clés plates, qui enregistre une baisse annuelle de son chiffre d'affaires de 10 % à 12 %, les pertes de l'usine s'élevant chaque année, je le répète, à 3 millions d'euros. Il a insisté sur le fait que les usines visées - Offenburg en Allemagne et Villeneuve-le-Roi en France - étaient déficitaires et qu'il ne s'agissait pas, en conséquence, de « licenciements boursiers ».

Plus globalement, un dispositif social a été mis sur pied. Relevons qu'il est, pour l'heure, entièrement financé par l'entreprise elle-même. Il s'articule autour des points suivants : création d'un fonds doté d'un million d'euros destiné à la redynamisation du bassin d'emploi à travers le développement de microprojets de proximité créateurs d'emplois - sont notamment ciblées les créations de PME ; mise en place d'une « antenne emploi » animée par le cabinet conseil ALTEDIA -priorité sera donnée au reclassement interne ; projet d'installation d'une antenne psychologique et d'une structure de conseil en communication concernant les droits des personnels qui seront reclassés à l'extérieur de l'entreprise.

A plus long terme, FACOM envisage la reconversion de son site industriel de Villeneuve-le-Roi, qui, du fait de sa configuration, pourrait éventuellement accueillir une fonction logistique.

A ce stade, le dialogue avec les syndicats n'est pas rompu. La volonté de négociation, initiée dans le cadre de la réunion du Comité central d'entreprise du 7 juin, semble l'emporter dans les esprits, malgré le désaccord sur l'ordre du jour exprimé par les membres du comité d'entreprise. Lors de cette réunion du 7 juin, qui constitue le début de la procédure de consultation des représentants du personnel, le projet de plan de sauvegarde des emplois, déjà évoqué avec les élus, notamment le 2 juin, et entièrement financé par l'entreprise, a été présenté. Une assemblée générale du personnel est prévue cette semaine, sur l'initiative de la direction.

Le Ministre d'Etat a répondu personnellement à tous les élus qui l'ont alerté en rappelant qu'il veillerait lui-même, dans le plus grand intérêt des salariés, à la qualité du plan social proposé.

Il se tient également à la disposition des élus pour soutenir toutes les mesures concrètes qui minimiseraient l'impact de cette fermeture sur l'emploi local. Par ailleurs, madame la sénatrice, le ministre d'Etat vous assure que les propositions des collectivités locales seront examinées avec la plus grande attention.

Comme il a déjà eu l'occasion de l'annoncer, il se montrera particulièrement vigilant sur l'attribution d'aides de l''Etat à des entreprises engagées dans une politique de délocalisation.

Tels sont, madame la sénatrice, les éléments d'information que le M. le ministre d'Etat souhaitait porter à votre connaissance.

M. le président. La parole est à Mme Hélène Luc.

Mme Hélène Luc. Evidemment, je ne peux pas être satisfaite de votre réponse, madame la ministre. En effet, vous me décrivez une situation, que je connais puisque je vous l'ai moi-même exposée en répondant par avance au problème des pertes. En effet, si ces pertes sont réelles, l'important est de pouvoir les expliquer.

La question qui se pose est de savoir pourquoi il n'est pas envisagé de faire tourner cette entreprise à plein régime. Pourquoi ne pas lui permettre de doubler sa production en la portant à 42 000 clés, ce qui réduirait les coûts tout en présentant l'avantage de conserver un produit de qualité ? Il faut savoir, en effet, que le responsable du comité d'entreprise a acheté une clé plate en provenance de Taïwan. Il se trouve qu'elle s'est brisée à l'usage ! Pourquoi ? Parce qu'elle n'avait pas été forgée à froid et qu'elle était composée d'un mauvais matériau. Que veut-on ? Saccager cette production qui fait la renommée de la France ?...

Pour ma part, madame la ministre, je m'en tiens à ma proposition, et je prends acte des intentions de M. le ministre d'Etat, qui se déclare disposé à recevoir les élus. Je rappelle toutefois que les salariés de l'entreprise FACOM demandent la suspension du plan de fermeture de leur site et l'organisation d'une table ronde afin d'exposer les projets de maintien et de développement de l'outil de production de Villeneuve-le-Roi.

C'est une proposition simple, claire. J'espère qu'elle recevra une réponse dans les jours à venir.

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