Question de M. ZOCCHETTO François (Mayenne - UC) publiée le 04/06/2004

Question posée en séance publique le 03/06/2004

M. François Zocchetto. Madame la ministre de la parité et de l'égalité professionnelle, je souhaite vous interroger sur le problème de la polygamie en France.

Depuis la loi du 24 août 1993, le regroupement familial de plusieurs épouses sur le sol français est interdit, de même que le renouvellement du titre de séjour du chef de famille polygame. Par ailleurs, le Conseil d'Etat et le Conseil constitutionnel ont affirmé à plusieurs reprises que la polygamie était contraire à l'ordre public français et n'ouvrait aucun droit particulier aux personnes concernées.

Je ne souhaite pas porter de jugement de valeur sur les familles polygames. Toutefois, madame la ministre, je m'inquiète de l'atteinte à la dignité des femmes et de leur état de dépendance, qui sont des conséquences de la polygamie. Ni la polygamie, ni les mariages forcées, ni les violences ou les discriminations ne sauraient être acceptés sur le sol français, car ils portent atteinte, tout le monde en a conscience, à la dignité humaine.

Quelles mesures envisagez-vous de prendre pour venir en aide à ces femmes et leur permettre de s'intégrer ?

En outre, se pose la question du coût pour la communauté nationale et pour les services sociaux des 10 000 à 20 000 familles polygames en France.

Mme Nicole Borvo. Nous y voilà !

M. François Zocchetto. Ce coût est estimé à environ 300 millions d'euros par an. Il s'agit là d'un détournement de notre politique sociale, et je ne parle pas des problèmes de logement et d'insertion sociale que ces situations engendrent.

Est-il nécessaire d'adapter notre législation pour empêcher ces abus, sans pour autant léser les mères de famille victimes de ces situations ?

Mme Nicole Borvo. C'est déjà le cas !

M. François Zocchetto. Quelles mesures comptez-vous prendre pour mettre fin à ces violations répétées de notre droit ?

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Réponse du Ministère de la parité et de l'égalité professionnelle publiée le 04/06/2004

Réponse apportée en séance publique le 03/06/2004

Mme Nicole Ameline, ministre de la parité et de l'égalité professionnelle. Monsieur le sénateur, si la France s'affirme comme une terre d'accueil généreuse et humaine, elle ne saurait en aucune façon tolérer sur son sol des atteintes, quelles qu'en soient la forme, la nature ou l'expression, aux valeurs de la République et particulièrement à la dignité de la personne humaine.

Vous le savez, nous sommes résolus à faire évoluer, s'il le faut, notre droit sur tous ces aspects pour faire respecter ce principe constitutionnel qui inspire notre législation et fait l'honneur de notre République.

Vous évoquez tout particulièrement la polygamie. Sur ce point, la règle est claire : la polygamie, naturellement, est interdite sur notre territoire. La législation a été renforcée en 1993 par l'interdiction du regroupement familial des épouses ainsi que par le non-renouvellement du titre de séjour du chef de famille polygame.

A plusieurs reprises, ainsi que vous l'avez indiqué, le Conseil constitutionnel et le Conseil d'Etat ont rappelé que la polygamie était contraire à l'ordre public et n'ouvrait donc aucun droit aux personnes concernées.

Si la règle est claire, la réalité est plus complexe.

Les maires le savent bien, c'est dans le cadre des décohabitations longues et coûteuses, procédures lourdes, que se manifeste singulièrement la difficulté de ces situations.

Comment y répondre ?

Une évaluation de l'application de la loi depuis 1993 s'impose, de même qu'un contrôle plus efficace de ces situations, dont on n'a pas toujours connaissance.

Par ailleurs, il faut le rappeler, ces situations sont souvent liées à l'immigration clandestine. L'action menée par Dominique de Villepin en la matière devrait également permettre de résoudre pour partie ce problème.

Toutefois, le droit n'est pas tout. Bien évidemment, il faut compter avec le relais des associations ainsi qu'avec l'action conduite par Jean-Louis Borloo et par Catherine Vautrin sur la mise en oeuvre du contrat d'intégration et l'information systématique des femmes sur leurs droits. Il s'agit là de pistes tout à fait prometteuses.

Nos politiques sociales doivent conduire, au-delà de l'assistance, à la liberté, à l'égalité et surtout à la responsabilité.

Nous devons faire en sorte, partout où cela est possible, de fonder notre politique d'intégration sur une véritable égalité des chances. C'est le sens de la politique qu'a réaffirmée le Premier ministre hier, dans le cadre du comité interministériel de l'intégration : il a démontré l'importance de la relation contractuelle et de toute la politique de promotion sociale, ainsi que l'intérêt d'une véritable stratégie d'égalité des chances.

C'est aussi cela, la politique d'intégration dont nous avons besoin !

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