Question de M. BILLOUT Michel (Seine-et-Marne - CRC) publiée le 19/11/2004

Question posée en séance publique le 18/11/2004

M. Michel Billout. Ma question s'adresse à M. le ministre délégué à l'industrie.

Le 15 juin dernier, M. Sarkozy a tenu à l'Assemblée nationale les propos suivants :

« Il n'y aura pas de privatisation d'EDF parce qu'EDF, c'est le nucléaire, et une centrale nucléaire, ce n'est pas un central téléphonique !

« Un gouvernement ne prendra jamais le risque de privatiser l'opérateur des centrales nucléaires ».

Or, aujourd'hui, vous annoncez l'ouverture de 35 à 40 % du capital d'Areva, qui regroupe Framatome, la Cogema et le Commissariat à l'énergie atomique, le CEA. Pourtant, Areva est le coeur de notre industrie nucléaire, tant pour la construction de réacteurs que pour toutes les activités du cycle de combustible.

Vous nous expliquerez sans doute que l'entrée de capitaux privés n'est pas synonyme de privatisation. Mais, à ce niveau, elle entraînera une évidente modification des critères de gestion !

Ce que l'on peut appeler un grand pas vers la privatisation risque non seulement de remettre en cause notre indépendance énergétique nationale, mais aussi de mettre en danger la sûreté et la protection de nos installations nucléaires ! C'est une lourde responsabilité que prend le Gouvernement !

Cet appel aux fonds privés est sans fondement. En effet, le groupe n'est pas endetté et n'a aucunement besoin d'être renfloué au niveau de ses fonds propres. Rien n'entrave son développement à l'international.

M. Robert Hue. Absolument !

M. Michel Billout. Le groupe Areva, présent sur l'ensemble de la filière nucléaire, est au coeur même de notre politique énergétique à long terme !

En sacrifiant de tels outils industriels, c'est votre loi d'orientation sur l'énergie, qui n'est toujours pas votée définitivement, qui perdra toute sa consistance.

Quelles garanties avons-nous qu'avec l'arrivée de capitaux privés les efforts de recherche ne seront pas sacrifiés sur l'autel de la rentabilité ?

M. Robert Hue. Bien sûr !

M. Michel Billout. Monsieur le ministre, l'Etat, via le CEA, prendra-t-il complètement à sa charge le démantèlement des installations nucléaires ?

Par ailleurs, quelles garanties allez-vous offrir aux 34 000 salariés de notre territoire menacés par les délocalisations induites par le développement international annoncé ?

Engager la privatisation d'Areva, fleuron de notre industrie énergétique nucléaire, n'est-ce pas au final renoncer aussi au maintien d'un prix de l'électricité le plus compétitif et le plus envié du monde et s'apprêter à faire aujourd'hui notre lot quotidien des coupures de courant, comme cela a pu être le cas des coupures de téléphone ?

Monsieur le ministre, le Gouvernement doit cesser son double langage !

M. Robert Hue. Eh oui !

M. Michel Billout. Vous devez expliquer au pays, dans la transparence, pourquoi vous engagez la privatisation du nucléaire civil. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

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Réponse du Ministère délégué à l'industrie publiée le 19/11/2004

Réponse apportée en séance publique le 18/11/2004

M. Patrick Devedjian, ministre délégué à l'industrie. Monsieur le sénateur, l'arrivée d'actions d'Areva sur le marché n'est pas une nouveauté ! En effet, 4,5 % du capital sont déjà sur le marché !

Ce n'est pas non plus une surprise ! Lorsque le groupe Areva a été organisé en 2001, le gouvernement de MM Jospin et Fabius avait annoncé officiellement qu'une part importante de son capital serait mise sur le marché. (Eh oui ! sur les travées de l'UMP.)

M. Raymond Courrière. Ils ne l'ont pas fait !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Par conséquent, nous nous contentons simplement d'honorer la promesse faite par nos prédécesseurs, membres d'un gouvernement que vous souteniez ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Robert Bret. Nous avions alors exprimé notre désaccord sur ce point !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Si, aujourd'hui, la France a la chance d'être leader mondial dans ce domaine, c'est grâce à Areva et à EDF !

Mme Nicole Borvo. Grâce à des entreprises publiques !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Nous voulons consolider cette position, tout en permettant à l'Etat de rester majoritaire.

Mme Nicole Borvo. C'est pour cela que vous voulez privatiser !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Des problèmes de sûreté et de stratégie se posent effectivement et il incombe à l'Etat de les résoudre.

Pour consolider la filière française, nous voulons qu'Areva puisse nouer des partenariats avec d'autres entreprises européennes, afin de s'implanter et de conquérir des parts de marché !

Mme Nicole Borvo. Les entreprises publiques peuvent très bien nouer des partenariats européens, vous le savez parfaitement !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. En résumé, ce que nous voulons mettre en oeuvre ne menace pas l'emploi : bien au contraire, cela va favoriser le développement d'Areva !

Alors, cessez donc d'être en permanence le parti le plus conservateur de France ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP. - Mme Nicole Borvo s'esclaffe.-.)

M. Robert Bret. Nous, nous disons simplement « oui » aux services publics !

Mme Nicole Borvo. La provocation n'a jamais tenu lieu de réponse, monsieur le ministre !

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