Question de Mme LUC Hélène (Val-de-Marne - CRC) publiée le 14/04/2005

Mme Hélène Luc attire l'attention de M. le secrétaire d'Etat aux transports et à la mer concernant le devenir de la Compagnie nouvelle de conteneurs (CNC) à Valenton. En effet, il vient de confirmer une menace qui planait concernant les enjeux du plan de restructuration du fret ferroviaire national. Avec le projet de fermeture de la plate-forme ferroviaire de Valenton, 150 emplois sont menacés ainsi que de nombreux autres, dont le terminal de Villeneuve-Saint-Georges, auquel la CNC fournit 60 % de son activité. Après la fermeture de la FACOM à Villeneuve-le-Roi, c'est inacceptable. Ce serait une aggravation pour l'environnement qui subit déjà la pollution du plus gros bouchon du tronc commun A4-A86 ainsi que l'augmentation insupportable du nombre de camions notamment dans les villes de Choisy-le-Roi, Valenton et Villeneuve-Saint-Georges. Ce projet de fermeture à Valenton est une conséquence directe de l'ultimatum de la commission européenne qui, par une directive du 3 mars dernier, a donné son feu vert à la restructuration du fret SNCF en contrepartie d'une diminution de capacité de 18 % et de l'ouverture anticipée du marché ferroviaire français. Le plan de M. le secrétaire d'Etat aurait pour conséquence le non-respect des engagements pris pour l'augmentation du fret ferroviaire, pour la mise en oeuvre du projet de terminal fret du MIN de Rungis. Le maire de Valenton et le conseil général du Val-de-Marne refusent la remise en cause des engagements pris par l'Etat. Elle lui demande de revenir sur sa décision de fermeture du site de Valenton.

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Transmise au Ministère des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer


Réponse du Ministère délégué au tourisme publiée le 29/06/2005

Réponse apportée en séance publique le 28/06/2005

Mme Hélène Luc. Je suis déçue par l'absence de M. Perben puisque l'inscription de ma question avait été retardée afin qu'il puisse y répondre, mais je ne veux pas être désobligeante à votre égard, monsieur le ministre. J'espère surtout que vous m'apporterez une réponse positive.

Il y a à peine deux ans, avec le président du conseil général du Val-de-Marne, Christian Favier, et le maire de Valenton, nous visitions le centre ferroviaire de Valenton-Bonneuil et la Compagnie nouvelle de conteneurs. Le directeur de la SNCF nous avait fait part des projets pour lesquels 100 millions de francs avaient été investis.

Or, voilà quelques semaines, les salariés, les élus et les riverains apprennent de M. Goulard, alors secrétaire d'Etat aux transports et à la mer, que la Commission européenne, par le biais d'une directive, adresse un ultimatum à la SNCF, qui l'a accepté, pour lui intimer l'ordre de fermer cette plate-forme régionale en contrepartie d'une diminution de la capacité du trafic de 18 %, afin qu'elle puisse recevoir une subvention européenne.

Le 2 juin dernier, à Valenton-Bonneuil, le jour de la grève des cheminots, après la victoire du « non », un rassemblement avait eu lieu pour inaugurer, malheureusement fictivement, cette plate-forme, que tous ensemble, les salariés, les élus, les maires de Valenton, de Bonneuil-sur-Marne, de Villeneuve-Saint-Georges, de Choisy-le-Roi, le conseil général et les riverains des communes avoisinantes n'acceptent pas de voir disparaître. Les habitants de Choisy-le-Roi, en particulier, subissent déjà de plein fouet la circulation des camions sur la RD 38 qu'il faut dévier ; je les ai d'ailleurs tous invités, monsieur le ministre, à venir écouter votre réponse depuis les tribunes.

Déjà, l'an dernier, le plan fret de la SNCF prévoyait la réduction d'un tiers du fret ferroviaire et, s'agissant de transport combiné, l'abandon des liaisons inférieures à 800 kilomètres. Les subventions sont passées de 92 millions d'euros en 2002 à 16 millions d'euros en 2005.

La fermeture du centre de Valenton-Bonneuil, avec ses 170 salariés, s'accompagnerait de la fermeture de cinq autres centres - à Clermont-Ferrand, à Tours, à Grenoble, à Hendaye et à Toulouse - sur les onze centres existants, sans compter l'ouverture du capital de la CNC et de Novotrans. Mais les suppressions d'emplois s'étendraient aussi au centre de tri de Villeneuve-Saint-Georges, qui fournit 60 % des marchandises transportées. Je vous informe que le centre de Villeneuve-Saint-Georges est fermé depuis le 12 juin et que 70 emplois seraient supprimés. Je vous demande évidemment la réouverture de ce centre.

Les salariés, les cheminots, les habitants du Val-de-Marne et les élus ne l'acceptent pas. Vous savez que, d'ici à 2020, le transport de marchandises augmentera de 40 % et que quatre millions de tonnes par transport combiné représentent 200 000 camions en moins sur les routes et dans les villes. Faites le compte, monsieur le ministre !

Les dramatiques accidents des tunnels du Fréjus et du Mont-Blanc mettent en cause, chaque fois, des poids lourds. Il y a urgence à faire d'autre choix que le « tout routier » ; il faut tirer les leçons.

La CGT-Transport avait annoncé que la décision du CIADT du 18 décembre 2003 serait lourde de conséquences pour le visage de notre pays dans les années à venir. C'est ainsi que l'objectif assigné au directeur des transports terrestres était de préserver l'acceptabilité et la durabilité du transport routier et que 200 000 camions supplémentaires ont été lancés sur les routes.

Pourtant, la part modale de la SNCF avait progressé de 2,5 % entre 1998 et 2001. Depuis, elle a reculé de 4 % au profit du « routier » , mais au détriment des salaires des routiers qui sont mis en concurrence avec les anciens pays de l'Est.

Sur 4 472 accidents mortels, 720 concernent des usagers de la route, dont 107 routiers. Pourtant, de 1999 à 2003, le nombre d'accidents de poids lourds avait diminué de 32 %.

La preuve est faite : le lien entre le dumping social, la sécurité et l'environnement est implacable. Il faut y associer l'incidence environnementale, qui, avec le réchauffement du climat, prend une importance encore plus grande sur la santé ; on le voit bien avec la pollution, la canicule.

Monsieur le ministre, je vous invite à venir constater, avec M. Perben, le plus grand bouchon d'Europe du tronc commun A4-A86, à venir visiter le marché de Rungis, dont 40 % des marchandises empruntaient à un moment donné le transport combiné, contre seulement 9 % aujourd'hui. Il faut partir à la reconquête du fret et développer la gare de Rungis ; pour cela, le fret SNCF relève de ses missions fortes de service public.

Monsieur le ministre, les engagements pris par l'Etat en 2002 doivent être tenus, à savoir le doublement du fret ferroviaire et le triplement du transport combiné rail-route. Voilà pourquoi je vous demande de revenir sur la décision du précédent gouvernement concernant la fermeture de la plate-forme de Valenton-Bonneuil et de retirer ce plan global de réorganisation du transport combiné.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Léon Bertrand, ministre délégué au tourisme. Madame Luc, M. Perben participe au Conseil européen des transports, c'est la raison pour laquelle il ne peut être présent ce matin. Je m'efforcerai de vous répondre et je lui transmettrai, dès demain, vos remarques.

Mme Hélène Luc. Je sais qu'il a participé à l'élaboration de la réponse.

M. Léon Bertrand, ministre délégué. Le transport combiné rail-route doit participer efficacement au rééquilibrage modal, conformément aux objectifs de la politique des transports que le Gouvernement a arrêtée lors du comité interministériel pour l'aménagement et le développement du territoire du 18 décembre 2003. Mais force est de constater que le trafic stagne depuis 1997 et régresse depuis 2000, alors que son doublement était annoncé.

Une qualité de service bien trop éloignée de celle attendue par les clients et les déficits importants des entreprises du secteur n'offraient pas d'autre perspective que celle de voir le déclin actuel se poursuivre. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement a décidé d'engager une profonde restructuration du secteur.

Pour la CNC, le point nodal d'Ile-de-France n'a pas donné les résultats escomptés. Il est remplacé, depuis le 15 juin 2005, par des services efficaces de trains directs, concentrés sur la desserte des ports maritimes.

En Ile-de-France, ces mesures vont conduire à une réorganisation. L'activité du terminal de Villeneuve-Saint-Georges sera maintenue au travers de services de fret conventionnel et le terminal de Valenton continuera à traiter les trains de transport combiné desservant l'Ile-de-France. Le Gouvernement s'est attaché à ce que tous les salariés de la CNC poursuivent leur carrière au sein du groupe SNCF.

Plus généralement, le plan pour le transport combiné rail-route s'accompagne de mesures financières qui montrent tout le soutien que le Gouvernement attache à son développement. En 2005, le montant unitaire des aides aux opérateurs de transport combiné est porté de 10 euros à 12 euros, et ces crédits bénéficieront d'une priorité dans le cadre de la préparation du projet de loi de finances pour 2006. Ce plan s'inscrit clairement dans le plan fret de la SNCF, que le Gouvernement soutient avec une aide de 800 millions d'euros autorisée par la Commission européenne le 2 mars dernier.

Le Gouvernement donne au secteur ferroviaire les moyens de construire les bases solides d'un nouveau développement.

M. le président. La parole est à Mme Hélène Luc.

Mme Hélène Luc. Monsieur le ministre, il est trop facile de prendre prétexte du déficit pour fermer une plate-forme, dans la mesure où la suppression des moyens va augmenter le déficit.

Je voudrais être sûre d'avoir bien compris vos propos. La plate-forme de Valenton va-t-elle rester en activité ? Je ne voudrais pas que votre réponse donne lieu à un malentendu.

M. Léon Bertrand, ministre délégué. Je vous donnerai ma réponse écrite.

M. le président. M. le ministre vous a répondu et vous donnera le texte de sa réponse.

M. Léon Bertrand, ministre délégué. Comme je vous l'ai dit, madame la sénatrice, le terminal de Valenton continuera à traiter les trains de transport combiné desservant l'Ile-de-France.

Mme Hélène Luc. Une partie de la plateforme va quand même disparaître.

M. le ministre des transports a accepté, à ma demande, de recevoir une délégation. Néanmoins, votre réponse ne me satisfait pas. Les décisions n'ont donc pas été complètement annulées. Si je me trompe, je ferai mon mea-culpa.

Des emplois sont déjà sur le point d'être supprimés et vous en mesurez les conséquences. Le Premier ministre, Dominique de Villepin, a engagé un grand plan pour l'emploi et il convient, me semble-t-il, de réfléchir aux raisons qui ont poussé 55 % des Français à voter « non » au référendum sur la Constitution européenne. Or la plate-forme ferroviaire de Valenton est l'une des réponses pour le département du Val-de-Marne, sans compter les incidences que j'ai évoquées pour le marché de Rungis.

Si vous ne reveniez pas en arrière et que vous n'annuliez pas complètement ces décisions, la volonté du Gouvernement de travailler pour le développement durable n'aurait aucune signification.

Monsieur le ministre, je vous le dis tranquillement mais fermement, certaine du soutien des cheminots, des salariés, des élus et des populations qui en ont vraiment assez du chômage, du bruit, de la pollution et des accidents : il faut arrêter cette politique !

Les citoyens français se sont mobilisés contre la Constitution européenne, vous en connaissez les raisons, mais ils se mobilisent aujourd'hui pour l'Europe du transport combiné train-camion. Ce mode de transport, respectueux de l'environnement, économe en énergie, joue un rôle structurant dans l'aménagement du territoire et dans la préservation de l'emploi industriel ; il dispose d'un maillage ferré sur tout le territoire national, et les cheminots ont un statut et un savoir-faire de qualité.

Le comité de liaison du Val-de-Marne fera des émules dans toute la France, et nous irons à Strasbourg et à Bruxelles exiger des moyens auprès de M. Jacques Barrot, commissaire européen aux transports. En tout cas, nous sommes décidés à aller jusqu'au bout !

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