Question de M. MURAT Bernard (Corrèze - UMP) publiée le 28/04/2005

M. Bernard Murat souhaite attirer l'attention de M. le secrétaire d'Etat à l'aménagement du territoire sur la réforme du système des contrats de plan Etat-région. Si le principe même d'une contractualisation entre l'Etat et les régions ne saurait être remis en cause, la perspective d'une adaptation de la politique d'aménagement du territoire à la nouvelle donne de la décentralisation va modifier nécessairement la physionomie actuelle des CPER après 2006. Ainsi, les associations d'élus locaux et les assemblées parlementaires ont été encouragées par le Gouvernement à présenter des propositions en vue de réformer le système des contrats de plan Etat-région. Toutes insistent sur la nécessité de préserver « l'outil CPER », en sécurisant les financements étatiques qui y sont attachés. Il lui demande donc de lui préciser les intentions du Gouvernement sur ce dossier.

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Réponse du Ministère délégué à l'aménagement du territoire publiée le 29/06/2005

Réponse apportée en séance publique le 28/06/2005

M. Bernard Murat. Monsieur le ministre, je souhaite attirer votre attention sur la réforme du système des contrats de plan Etat-région, les CPER.

Constituant aujourd'hui le cadre principal des politiques d'investissement de l'Etat, en partenariat avec les régions et les collectivités infrarégionales, cet outil est devenu au fil du temps, dans les territoires, le moyen privilégié de réalisation des politiques d'aménagement du territoire.

Pour autant, cet instrument fait l'objet de nombreuses critiques : périmètre trop étendu, manque de lisibilité, partenariat déséquilibré, mise en oeuvre aléatoire. La principale critique, et je m'adresse au président de conseil général que vous êtes, monsieur le ministre, porte sur l'incapacité de l'Etat de respecter ses engagements financiers.

Or, sur le terrain, l'impécuniosité de l'Etat a des conséquences douloureuses puisque les collectivités territoriales sont souvent tenues de faire l'avance au maître d'ouvrage des crédits correspondant à la part de l'Etat, quand les chantiers ne sont pas purement et simplement suspendus sans aucune explication. C'est le cas actuellement pour le contournement de la ville de Brive-la-Gaillarde : les travaux ont été arrêtés sans que nous sachions pourquoi, ni quand ils reprendront.

Dans le même temps, plusieurs éléments de contexte créent la nécessité d'adapter les modalités de cette contractualisation. Ainsi, si son principe même ne saurait être remis en cause, une adaptation de la politique d'aménagement du territoire à la nouvelle donne de la décentralisation et de la réforme des fonds structurels européens, en perspective, va modifier nécessairement la physionomie actuelle des CPER après 2006.

Les associations d'élus locaux et les assemblées parlementaires, qui ont été encouragées par le Gouvernement à présenter des propositions en vue de réformer le système des contrats de plan Etat-région, attendent des éclaircissements sur ce point.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire. Monsieur le sénateur, cher Bernard Murat, je vous remercie de me donner l'occasion de m'exprimer sur le devenir des contrats de plan Etat-région.

Comme vous le savez, le Gouvernement a souhaité lancer en 2004 une large concertation des grands partenaires institutionnels concernés par le devenir des contrats de plan Etat-région, dont la délégation à l'aménagement et au développement durable du territoire du Sénat, que j'ai reçue il y a quelques jours.

En effet, après vingt ans d'existence, ces contrats de plan ont vu leur finalité perdre progressivement en lisibilité. La procédure fait l'objet de critiques de plus en plus nombreuses et leur exécution est de plus en plus difficile. Ce n'est pas l'élu local que je suis qui vous démentira sur ce point ; c'est un constat que je fais moi-même.

En outre, l'Acte II de la décentralisation ainsi que la réforme à venir de la politique régionale européenne nécessitent de repenser en profondeur les contrats de plan.

Lors du comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire, le CIADT, du 18 décembre 2003, le Gouvernement avait déjà arrêté un certain nombre d'orientations. Il avait proposé que les contrats de plan portent sur un nombre limité de politiques structurantes, qu'ils soient d'une durée plus courte et qu'ils reposent sur des cadres budgétaires plus stables permettant aux différents partenaires d'honorer leurs engagements.

Depuis, le Sénat, l'Assemblée nationale, le Conseil économique et social et les grandes associations d'élus ont remis leurs contributions. Le rapport de synthèse de ces contributions, remis au Premier ministre en mars dernier par les inspections générales des finances et de l'administration, contient diverses propositions visant non à bouleverser mais à améliorer sensiblement le cadre contractuel.

Les principales propositions figurant dans ce rapport sont les suivantes.

Premièrement, l'élaboration des contrats de plan doit être précédée d'un cadrage national préalable.

Deuxièmement, le contenu des contrats de plan doit être plus sélectif et ne retenir que quelques thèmes, à la fois nationaux et régionaux.

Troisièmement, les engagements pris par les différents partenaires doivent être mieux respectés.

Quatrièmement, et j'insiste sur ce point, si la région demeure un partenaire privilégié, elle ne saurait être un partenaire exclusif. J'aurai l'occasion de m'exprimer sur ce sujet au cours des prochaines semaines et de travailler avec les délégations ainsi que les commissions des affaires économiques de l'Assemblée nationale et du Sénat.

Cinquièmement, la durée d'exécution des contrats de plan doit être suffisamment longue, de cinq à sept ans, afin que nous puissions bénéficier d'une bonne lisibilité et nous assurer de la continuité des chantiers engagés dans le cadre de ces contrats.

Sixièmement, le maintien d'un « volet territorial » est souhaité, même si celui-ci ne doit concerner que les territoires les plus fragiles, et uniquement sur les thématiques retenues au titre du contrat de plan.

Enfin, la gestion et l'évaluation des CPER doivent être améliorées, comme l'illustre l'exemple que vous citiez, monsieur le sénateur. Il en existe d'ailleurs bien d'autres !

Ce rapport a été transmis par le Premier ministre aux partenaires initialement consultés. Les préfets de région en ont également été destinataires. Ils pourront donc recueillir et transmettre l'avis des élus concernés sur ces propositions. Je signale que ce rapport a aussi été mis en ligne sur le site internet de la délégation à l'aménagement du territoire et à l'action régionale, la DATAR.

Ce document servira de base, au cours des prochains mois, à la poursuite de la réflexion sur les conditions d'un partenariat renouvelé et plus efficace entre l'Etat et les collectivités territoriales.

Monsieur le sénateur, je suis préoccupé par le respect des engagements pris dans le cadre des contrats de plan signés en 2000, sur des volets concernant plus particulièrement les infrastructures.

En effet, nous nous rendons souvent compte que, dans les contrats signés en 2002, les sommes prévues avaient été largement sous-estimées, en termes d'évaluation financière, par rapport au coût actuel, la différence allant quelquefois du simple au double. Les signataires de ces contrats de plan ont fait, me semble-t-il, oeuvre d'affichage plutôt que preuve de pragmatisme s'agissant des disponibilités et des moyens de l'Etat.

C'est la raison pour laquelle il me semble essentiel de disposer d'outils d'évaluation plus conformes au déroulement, à l'application et au respect des contrats de plan tels qu'ils ont été signés.

Je vous remercie, monsieur le sénateur, d'avoir attiré notre attention sur ce sujet qui, je tiens à vous en assurer, constitue pour le Gouvernement et pour moi-même une préoccupation majeure. Je présenterai d'ailleurs, dans les semaines qui viennent, des compléments de proposition.

M. le président. La parole est à M. Bernard Murat.

M. Bernard Murat. Je remercie M. le ministre de la clarté de sa réponse. Nous serons à ses côtés pour envisager des solutions et améliorer la situation des élus sur le terrain, notamment les maires et les présidents d'établissements publics de coopération intercommunale, les EPCI.

En effet, au-delà des grandes collectivités, d'autres, plus modestes, sont confrontées à ce problème d'autant plus grave que, même si les travaux sont arrêtés, elles doivent continuer à respecter leurs engagements budgétaires. Cela pose un problème de distorsions entre les économies locales.

Permettez-moi, monsieur le ministre, de vous faire part de deux réflexions.

Premièrement, nous devons trouver des solutions afin que l'Etat honore les engagements financiers pluriannuels qu'il prend dans les contrats de plan et respecte les délais négociés avec les collectivités partenaires financeurs dont je viens de parler.

Il conviendrait, pour ce faire, d'accorder une plus grande lisibilité, voire une plus grande visibilité, aux crédits de l'Etat destinés aux contrats dont la réalisation était engagée mais a été arrêtée sans explication, comme c'est le cas aujourd'hui pour le contournement de Brive-la-Gaillarde.

Ainsi, se pose la question de savoir s'il faut développer la dimension péréquatrice des contrats. Celle-ci repose aujourd'hui essentiellement sur une dotation comprise dans la dotation générale de fonctionnement versée par l'Etat aux régions. Après quoi, tout le monde sait que, comme il est bien normal, les régions opèrent une redistribution en fonction de ce que j'appellerai leur « stratégie », pour ne heurter personne...

Deuxièmement, comme nous l'avons proposé dans le rapport de la délégation à l'aménagement du territoire et au développement durable du territoire du Sénat, il serait important, monsieur le ministre, de ne pas négliger la possibilité d'une péréquation dans le contrat de plan Etat-région lui-même, péréquation sans laquelle il sera très difficile d'expliquer aux maires des territoires les plus défavorisés le sens de l'expression « solidarité nationale ».

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