Question de M. MOULY Georges (Corrèze - RDSE) publiée le 15/09/2005

M. Georges Mouly informe M. le ministre délégué à l'aménagement du territoire que dans son département, à l'initiative du conseil général, les trois arrondissements sont « desservis » par un syndicat mixte d'aménagement ayant pour vocation d'aménager de vastes zones industrielles pour favoriser l'implantation d'entreprises industrielles, artisanales ou commerciales nécessitant de grandes surfaces d'installation. Sur deux arrondissements, les choses « avancent » normalement. Il n'en est pas de même pour le SYMA du Pays de Tulle qu'il préside. Il peut mesurer aujourd'hui l'ampleur des difficultés qu'il faut surmonter pour être opérationnel. Après les complications administratives et réglementaires pour l'aménagement des plates-formes industrielles, l'octroi des multiples autorisations, la réticence éventuelle des riverains ou associations diverses (avec constitution des comités de défense ad hoc, le comité syndical est également confronté à la « timidité », pour ne pas dire plus, de certains établissements publics qui refusent d'investir dans la desserte de la zone (gaz, voie ferrée) sous prétexte d'une rentabilité non assurée ! C'est la quadrature du cercle, tout sauf un possible aménagement du territoire : les zones défavorisées seraient-elles condamnées à le rester ? Il lui demande si, dans ce département de la Corrèze, qui a su initier des politiques innovantes, qui est désigné comme l'un des départements pilotes en matière d'expérimentation pour les services publics, on peut enfin espérer que la zone d'activités du SYMA du Pays de Tulle accueille les entreprises qui ont manifesté leur intérêt et contribue au développement d'un territoire durement touché par les restructurations de l'armement ?

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Réponse du Ministère délégué à l'aménagement du territoire publiée le 05/10/2005

Réponse apportée en séance publique le 04/10/2005

M. Georges Mouly. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans le cadre de l'aménagement du territoire, le soutien aux zones en difficulté économique, grâce notamment à l'adoption, lors d'un récent comité interministériel pour l'aménagement et le développement du territoire, de mesures spécifiques de solidarité nationale au profit des territoires ruraux, mais aussi la création des pôles de compétitivité témoignent de la volonté de favoriser un développement équilibré et durable du territoire national, volonté qui est partagée par les élus et les responsables économiques.

Dans mon département, département pilote dans l'expérimentation pour l'accès aux services publics, le conseil général entend conduire, autant que possible, une politique volontaire et innovante en matière économique et multiplie les actions pour rendre le territoire départemental le plus attractif possible.

C'est ainsi qu'à l'initiative du conseil général chacun des trois arrondissements qui composent mon département sont « desservis » par des syndicats mixtes d'aménagement - conseil général, compagnie consulaire et communauté de communes -qui ont pour vocation d'aménager de vastes zones industrielles visant à favoriser l'implantation d'entreprises. La démarche est connue.

Dans deux de ces trois arrondissements, les choses avancent normalement. En revanche, pour le syndicat mixte d'aménagement du pays de Tulle, que je préside, la situation évolue moins favorablement et nous nous heurtons à des difficultés. Alors que sont enregistrés deux importants projets d'installation d'entreprises sur cette zone située aux portes de Tulle, je mesure aujourd'hui l'ampleur des obstacles qu'il faut surmonter pour réussir.

Il y a d'abord les complications administratives et réglementaires fortes qui surgissent habituellement lorsqu'est lancé un projet d'installation d'entreprises. Le même type de démarche est nécessaire pour l'aménagement des plates-formes : pour partie, il faut passer par les mêmes filtres. A cela s'ajoute la réticence des riverains - naturelle sans doute, encore que... -, lesquels, à tort ou à raison, forment des comités de défense.

Il est normal, me direz-vous, monsieur le ministre, que le syndicat mixte d'aménagement soit confronté à ce type de difficultés que l'on retrouve en d'autres circonstances. Cela dit, nous nous heurtons à une autre difficulté - c'est sur celle-là que je veux mettre l'accent - liée au refus de certains établissements publics d'investir dans la desserte de la zone sous prétexte d'une rentabilité non assurée ! Comment peut-on assurer a priori une rentabilité ?

Ainsi, Gaz de France répond que l'alimentation en gaz naturel ne peut être envisagée, compte tenu de l'application de « règles technico-économiques » qui conduisent à l'impossibilité d'atteindre le « taux de rentabilité exigé » !

Ainsi, la SNCF répond que la réalisation d'un terminal embranché est du ressort de Réseau ferré de France, RFF, - ce qui paraît normal - et qu'elle se fera en fonction des prévisions de trafic - inconnues à ce jour, car la zone n'est pas « remplie » - et du retour sur investissement que celles-ci laissent augurer ! En d'autres termes, selon la SNCF, si les hypothèses de trafic ne peuvent être précisées dans le cadre d'une zone logistique, il revient à RFF de conditionner la création du raccordement ferroviaire au financement par le futur embranché de la totalité de l'investissement de première partie, et cela à plus forte raison lorsque l'investissement est particulièrement important. En matière de service public, on peut faire mieux !

Heureusement, mais c'est une bien mince consolation, EDF envisage de faire un effort et le conseil général - toujours lui ! - mène une politique dynamique en matière de couverture du territoire pour la téléphonie mobile et l'accès aux haut et très haut débits.

C'est pourquoi je vous demande, monsieur le ministre - sans trop d'illusions, certes -, si des structures comme Gaz de France ou la SNCF ne pourraient assouplir leur position, de façon à favoriser le développement des territoires ruraux.

Puisqu'il est question d'aménagement du territoire, notamment à l'échelon départemental, je terminerai par deux réflexions que je formulerai sous forme de questions.

Première question, et je traduis en l'occurrence une remarque du président du conseil général de mon département : la taxe sur les contrats d'assurance, dont le produit est très inégalitaire selon les départements, pourrait-elle faire l'objet d'une péréquation ?

Deuxième question : puisque la décentralisation accroît les pouvoirs du département, des contractualisations Etat-département sont-elles possibles, sur le modèle des contrats de plan Etat-région ?

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire. Monsieur le sénateur, les questions que vous m'avez posées vont bien au-delà des éléments qui m'ont été fournis pour vous répondre. Pour autant, je m'efforcerai d'y répondre du mieux possible, en tout cas pour ce qui est des dossiers qui relèvent de ma compétence.

Vous m'interrogez, monsieur le sénateur, sur les difficultés rencontrées par le syndicat mixte d'aménagement du pays de Tulle, que vous présidez, pour concrétiser le projet sur la zone de la Montane, importante zone d'activité du département de la Corrèze.

Vous mettez en particulier l'accent sur les modalités d'embranchement fer et gaz, question que vous rapprochez de celle de l'accès aux services publics. Je vous répondrai d'emblée qu'il y a là une obligation. Il est nécessaire de coupler la démarche du conseil général de la Corrèze en faveur du développement de ces zones d'activité avec un meilleur accès aux services au public.

Cela va parfaitement dans le sens de la circulaire que le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et moi-même avons cosignée le 2 août dernier et adressée à tous les préfets de département. Il n'est plus question de fermer, dans les six mois à venir, le moindre service public dans notre pays.

Parallèlement, il convient d'engager avec l'ensemble des élus locaux, en partenariat avec les présidents de conseils généraux, un débat sur l'accès non pas aux « services publics » mais aux « services au public », pour que la France de la ruralité se dote d'un projet de modernisation de l'aménagement de son territoire. Cette notion de services au public doit s'appliquer sans tabou : toutes les pistes croisant l'intervention du public et du privé doivent être abordées. Nous le savons, il est des territoires en France dans lesquels des services publics ne reçoivent plus de public depuis des années.

M. Raymond Courrière. C'est le désert !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Vous pouvez effectivement parler de désert ! Ce lent processus de fermeture du service public a été engagé, nous le savons, voilà maintenant six à sept ans. Avait alors été mise en oeuvre dans notre pays une politique de schémas nationaux qui partait du principe que la France était uniforme, que la France des vallées était la même que celle des littoraux, que celle des littoraux était la même que celle des montagnes, que celle des montagnes était la même que celle des villes !

Nous avons, M. le ministre de l'intérieur et moi-même, une vision tout à fait différente. La France est diverse, elle est riche de sa diversité. L'Etat a le devoir de s'y adapter et d'engager aujourd'hui, sur chaque territoire, un débat qui réponde au mieux aux problèmes de proximité et aux projets dont se dotent un certain nombre de collectivités avec un esprit d'initiative fort, à l'instar de ceux que vous développez en Corrèze.

Evidemment, pour ce qui concerne le raccordement de la zone d'activité, sur lequel vous m'avez interrogé, la problématique est un peu différente. Malgré tout, elle mérite d'être abordée dans l'état d'esprit que je viens de préciser. Ce projet de développement économique se doit d'être attractif : il n'est pas question de favoriser une implantation d'entreprises et de générer des investissements dans une zone d'activité où existerait à terme un risque de déclin qui pourrait être source de difficultés sociales.

Si nous devons vous accompagner, il nous faut le faire avec la certitude que seront créés de la richesse, de l'emploi et une forte attractivité du territoire. Dans ces conditions, nous y sommes prêts.

Si le bassin de Tulle a des atouts, il ne faut pas pour autant sous-estimer les conditions économiques de réalisation et d'exploitation des infrastructures. Au vu des éléments qui sont à ma disposition, il me semble qu'un embranchement fer serait difficilement compatible avec cet objectif. La SNCF n'a pas tort de vous répondre que, s'agissant d'infrastructures, la compétence relève en premier lieu de RFF.

Toutefois, je suis tout à fait prêt à travailler au plus près avec vous et les acteurs concernés sur cet aspect, afin d'étudier si nous pouvons dégager des solutions. A ce titre, je souhaite que nous rencontrions ensemble Réseau ferré de France et que nous interrogions la SNCF, en tant qu'exploitant, sur les moyens qu'elle serait prête à mettre en oeuvre pour la desserte de la zone dès lors que nous aurions trouvé une solution.

C'est la raison pour laquelle je ne peux vous donner aujourd'hui ni une réponse positive ni une réponse négative. En revanche, je le répète, je suis tout à fait disposé à travailler sur ce sujet avec vous.

Quant au raccordement au réseau de gaz, il doit pouvoir s'envisager dans la mesure où vous lancez une consultation qui s'appuie sur des implantations d'entreprises en cours ou envisagées de manière réaliste, comme vous venez de le faire. Les opérateurs devraient y être sensibles, car le marché est là. Je tenais donc à vous dire que je soutiendrai votre démarche.

Par ailleurs, comme vous l'avez justement indiqué, le bassin de Tulle a subi les restructurations de l'industrie d'armement. Des moyens d'accompagnement ont été dégagés dans ce cadre et sont mis en oeuvre, à vos côtés, par M. le préfet. Je vous invite à examiner la meilleure façon de mobiliser ces ressources, qui proviennent notamment du FNADT, le Fonds national d'aménagement et de développement du territoire, et du FEDER, le Fonds européen de développement régional, pour soutenir des projets porteurs de développement pour ce bassin d'emploi.

En outre, s'agissant de la taxe sur les contrats d'assurance, je ne dispose pas forcément de la bonne réponse, car ce sujet relève davantage de mon collègue Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités territoriales.

Quoi qu'il en soit, nous serons attentifs, notamment au cours de l'examen du projet de loi de finances pour 2006, à ce que la meilleure péréquation soit mise en place et que l'évolution s'effectue au bénéfice des départements.

Concernant votre question sur la contractualisation possible entre l'Etat et les départements, je peux vous dire que, à la fin de cette année et notamment lors du CIADT qui se tiendra sous la présidence de M. le Premier ministre au mois de décembre prochain, nous devrions être amenés à débattre et à faire des propositions sur la prochaine génération des contrats de plan.

D'ores et déjà, les commissions des finances et des affaires économiques du Sénat et de l'Assemblée nationale ont tracé un certain nombre de pistes, en proposant notamment des contrats mieux ciblés sur un temps bien défini et au plus près des acteurs compétents pour la mise en oeuvre des politiques.

Cela signifie que nous ne nous interdisons pas d'ouvrir le débat avec le Parlement sur l'opportunité, en fonction du niveau de compétence, de contractualiser ici avec la région, là avec le département, voire avec une communauté d'agglomération ou une commune.

Telles sont donc nos pistes de réflexion. Au demeurant, nous attendons du Sénat un certain nombre de propositions pour les nourrir.

M. le président. La parole est à M. Georges Mouly.

M. Georges Mouly. Je vous remercie vivement, monsieur le ministre délégué, de votre réponse, qui me satisfait pleinement.

A propos de mes dernières questions, je regrette le dysfonctionnement qui vous a empêché d'en connaître plus tôt la teneur.

J'ai noté votre souhait qu'ensemble nous essayions de trouver comment faire avancer les choses pour ce qui concerne les premiers problèmes de desserte de la zone.

S'agissant des contrats de plan et de la péréquation, que je n'avais pas évoqués dans la question qui vous a été communiquée, vous avez émis des orientations et des idées intéressantes.

Je vous remercie encore une fois de votre proposition de coopération. Je ne manquerai pas de répondre à votre invitation.

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