Question de M. ALFONSI Nicolas (Corse-du-Sud - RDSE) publiée le 07/10/2005

Question posée en séance publique le 06/10/2005

M. Nicolas Alfonsi. Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s'adresse à M. le Premier ministre. Je ne saurais, en effet, faire le tri dans les opinions des membres du Gouvernement.

Voilà un an, je déclarais devant vous ici même : « Deux douzaines de personnes empêchent les navires d'une société appartenant à l'Etat de naviguer. Faute d'évacuer les personnels qui réclament la corsisation des emplois, voilà le Premier ministre - c'était alors M. Raffarin - contraint d'intervenir pour mettre un terme à la cacophonie. »

La crise actuelle aura démontré, au début du conflit, la permanence de cette cacophonie et, s'il est un domaine qui illustre bien la complaisance, la démission de tous les gouvernements, c'est bien celui-là !

La co-culpabilité de l'Etat et des syndicats qui, depuis dix ans, se seront épuisés dans des grèves interminables pour arracher trois emplois de plus à une société qui en compte 2 400, apparaît en effet éclatante.

On paie aujourd'hui le prix de ces enjeux dérisoires et d'une gestion opaque, mais bien des interrogations demeurent.

Pourquoi avoir fait gérer un dossier aussi sensible par le préfet de région quand on connaît la culture syndicale qui sévit depuis toujours sur les quais de Marseille et le comportement politico-syndical du syndicat des travailleurs corses, le STC ?

Comment s'étonner, dès lors, que des syndicalistes en arrivent, après tant de complaisance et d'abandons, à détourner un navire... fort opportunément, il faut le souligner, ramené à bon port ?

Dans quel pays vivons-nous pour que notre prétendu modèle social se réduise toujours à un dialogue de sourds - la réponse des syndicats à vos dernières propositions en témoigne -, se réduise à l'alternative du tout ou rien ?

Monsieur le Premier ministre, vous héritez d'un dossier pourri. Je vous en donne bien volontiers acte, comme je vous donne acte des progrès accomplis grâce à vos dernières propositions lors des négociations. (Très bien ! sur les travées de l'UMP.)

Mais comment éviter que l'opinion nationale, par médias interposés, n'impute à la communauté corse, plus victime que coupable et qui, dans son immense majorité, n'a pas l'intention de mourir pour la SNCM, la responsabilité de ce dossier national, plus marseillais que corse, alors que nous en mesurons tous les dégâts collatéraux sur le plan politique ? Comment entendez-vous la rassurer ?

Etes-vous prêt à mettre toute votre énergie et tous les moyens dont dispose l'Etat pour assurer un retour à des relations maritimes normales et pour mettre fin à notre isolement et à nos inquiétudes ? (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)

- page 5763


Réponse du Ministère de l'économie, des finances et de l'industrie publiée le 07/10/2005

Réponse apportée en séance publique le 06/10/2005

M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le sénateur, en matière de complaisance, l'Etat a sifflé la fin de la partie. En effet, et je le dis avec gravité, la situation a été prise en main par le gouvernement de Dominique de Villepin. A sa demande, Dominique Perben et moi-même avons rencontré les organisations syndicales. Et ne me dites pas que c'était trop tard ! En réalité, c'est simplement la poursuite d'un processus qui a été engagé parce que la SNCM ne tient plus ses engagements depuis trop longtemps : plan de sauvetage en 2001, plan de recapitalisation de dernier recours en 2003. Et, aujourd'hui, la SNCM est au bord du dépôt de bilan.

Une ultime fois, L'Etat va répondre, s'agissant des responsabilités, à ce qu'il estime être ses engagements : il va apporter 113 millions d'euros à la SNCM. Dans la mesure où nous sommes dans un Etat de droit et où cette société est une entreprise commerciale qui répond aux exigences du droit commercial et du droit de la concurrence, cette dernière doit faire face à l'ensemble de ces enjeux et les respecter, que ce soit à Marseille ou en Corse.

La seule solution, c'est que l'Etat reste momentanément actionnaire à hauteur de 25 %. Sinon, il faudra céder deux ou trois bateaux pour donner des contreparties face à la concurrence. Or Dominique de Villepin ne le veut pas. Il faut préserver l'actif pour donner une chance à cette entreprise de se redresser !

C'est la raison pour laquelle, mesdames, messieurs les sénateurs, nous avons effectué un tour de table sérieux, réaliste et crédible, qui a été non pas négocié mais discuté avec les organisations syndicales. Car ne nous y trompons pas : nous sommes là pour leur apporter des réponses, et c'est précisément ce que nous avons fait en sécurisant le processus.

Dorénavant, la gouvernance est établie, l'ensemble du dispositif est là, et nous avons demandé à l'entreprise, au nom du Gouvernement, de le mettre en oeuvre dans les meilleurs délais. Il n'y a plus d'autre solution !

Et, aujourd'hui, ce processus ira à son terme : l'ensemble des nouveaux actionnaires vont pouvoir intervenir, et l'entreprise sera sauvée. En revanche, si le travail ne reprend pas, l'entreprise va continuer à s'enfoncer, jour après jour, et cela risque d'être inéluctable.

Enfin, je rappelle que la délégation de service public n'est pas un droit, mais qu'elle est simplement le résultat d'une mise en concurrence que la SNCM a gagnée. Et si vous voulez qu'il en soit ainsi en 2006, messieurs les élus de Corse et de région Provence-Alpes-Côte d'Azur, dites aux grévistes de se remettre au travail. Faute de quoi, il n'y aura plus d'avenir ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

- page 5763

Page mise à jour le