Question de M. ALFONSI Nicolas (Corse-du-Sud - RDSE) publiée le 16/12/2005

Question posée en séance publique le 15/12/2005

M. Nicolas Alfonsi. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

À entendre les commentaires autorisés qui, chaque jour, évoquent, pour la regretter, la modestie - j'allais dire la quasi-clandestinité - avec laquelle les pouvoirs publics ont célébré le deux centième anniversaire de la bataille d'Austerlitz, ma question demeure d'actualité. (Exclamations. - M. Yves Détraigne applaudit.)

Comment peut-on accepter, alors que les Britanniques viennent de célébrer Trafalgar avec un faste exceptionnel, de surcroît avec le concours du porte-avions Charles de Gaulle en témoignage de réconciliation, alors que les Allemands projettent d'organiser l'an prochain à Iéna un grand « rendez-vous avec Napoléon », que le Gouvernement n'ait finalement célébré la reine des batailles qu'à travers la personne du garde des sceaux, place Vendôme - sans doute parce que c'est aussi le siège du ministère de la justice -, et de Mme le ministre de la défense, présente sur le plateau de Pratzen ?

Comment l'opinion ne serait-elle pas troublée quand le Gouvernement assure la promotion, à la Commission nationale consultative des droits de l'homme, de l'auteur d'un ouvrage comparant, dans un raccourci surréaliste et anachronique, Bonaparte à Hitler et évoquant la déportation des esclaves sur l'île d'Elbe ?

On peut admirer le Premier consul et détester l'Empire, mais nous ne saurions souscrire à cette politique qui renonce à célébrer un homme qui prenait cent décisions par jour et ne se contentait pas de créer des commissions ! Nous ne saurions souscrire à cette politique qui veut faire plaisir à tout le monde et s'adapter en permanence à l'air du temps.

Nous recevons tous l'ouvrage consacré aux célébrations nationales. L'édition de 2006 évoque Iéna, qui avait donné l'occasion à Hegel d'écrire à son ami Niethammer, au lendemain de la bataille : « J'ai vu l'Empereur, cette âme du monde, sortir de la ville pour aller en reconnaissance. C'est effectivement une sensation merveilleuse de voir un pareil individu qui, concentré sur un point, assis sur un cheval, s'étend sur le monde et le domine. »

Mes chers collègues, jusqu'à quand allons-nous refuser d'assumer notre histoire ? La nation a aujourd'hui plus que jamais besoin de repères. Si l'on veut assurer un avenir à nos enfants, leur montrer le chemin, encore faut-il qu'ils sachent d'où ils viennent.

M. Robert Hue. Il faut laisser cela aux historiens !

M. Nicolas Alfonsi. Pouvez-vous nous dire, monsieur le Premier ministre, quelles sont les causes réelles de tant de discrétion et nous préciser si les pouvoirs publics ont l'intention - ce qui, venant de l'auteur des Cent jours, pourrait sembler paradoxal - de retirer Napoléon Bonaparte de notre histoire nationale ? (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'UC-UDF et de l'UMP. - M. Jean-Pierre Michel applaudit également.)

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Réponse du Ministère délégué aux anciens combattants publiée le 16/12/2005

Réponse apportée en séance publique le 15/12/2005

M. Hamlaoui Mékachéra, ministre délégué aux anciens combattants. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur Alfonsi, Austerlitz est une victoire de l'art militaire français. En effet, il s'agit d'une page emblématique de notre histoire militaire. C'est ainsi que cette bataille est commémorée tous les 2 décembre par des mouvements associatifs. De même, l'École spéciale militaire de Saint-Cyr célèbre chaque année, à cette date - le « 2 S », dans le jargon de l'école - célèbre le souvenir de cette bataille, au moyen d'une vaste fresque historique animée. M. Henri de Raincourt. Très bien ! M. Hamlaoui Mékachéra, ministre délégué. Cette année, le deux centième anniversaire de la bataille a donné lieu, sur le terrain même d'Austerlitz, à une cérémonie à laquelle notre ministre de la défense a assisté. De même, place Vendôme, à Paris, a eu lieu une cérémonie de commémoration présidée par le garde des sceaux. Comme l'a déclaré le Premier ministre, « nous assumons toute l'histoire de France, avec ses épreuves et sa grandeur. » Le Napoléon d'Austerlitz n'est pas celui de la retraite de Russie. Nous devons être attentifs à toutes les facettes de notre histoire et à toutes les facettes de l'oeuvre de Napoléon, si grande par bien des aspects. C'est la responsabilité des historiens que d'écrire l'histoire. M. Jean-Pierre Sueur. Absolument ! M. Hamlaoui Mékachéra, ministre délégué. Et c'est notre responsabilité, celle des femmes et des hommes politiques de notre pays, que d'encourager le rassemblement de nos compatriotes et d'assurer la pérennité de la cohésion nationale. Nous devons naturellement prendre en compte le fait que les sources de la mémoire puissent être multiples. Nous devons être respectueux de toutes les expériences, de toutes « les » histoires, et faire de cette diversité de la mémoire une source de richesse. Monsieur le sénateur, notre histoire doit être le ferment de notre cohésion sociale. C'est la priorité du Gouvernement. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

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